En Pologne, un journaliste TV s’excuse en direct pour les propos LGBTIphobes des médias polonais

Wojciech Szelag s’excuse à la télévision polonaise pour ses propos LGBTIphobes
Wojciech Szelag s’excuse à la télévision polonaise pour ses propos LGBTIphobes

POLOGNE - Les temps changent, les présidents et les télévisions aussi. C’est un vent nouveau qui souffle sur la société polonaise depuis quelques mois et l’élection de Donald Tusk. Ce dernier, qui rencontrait d’ailleurs Emmanuel Macron ce lundi 12 février, a succédé en décembre dernier en tant que Premier ministre à un gouvernement populiste nationaliste mené par le PiS.

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Gage que le progressisme a retrouvé des couleurs outre-Oder, Maja Heban et Bart Staszewski, deux militants pour l’égalité des droits des personnes LGBT, étaient invités ce dimanche 11 février dans la soirée sur la chaîne publique TVP Polonia. Une première depuis huit ans. La séquence paraissait d’autant plus inimaginable il y a quelques mois, que le présentateur TV a commencé son interview en présentant des excuses.

« Avant que nous commencions à échanger, il me semble qu’il y a trois choses essentielles à dire. Pendant des années, en Pologne, des mots haineux ont été dirigés contre des personnes simplement parce qu’elles ont choisi de vivre qui elles sont et d’aimer qui elles aiment. Les personnes LGBT+ ne sont pas une « idéologie », ce sont des êtres humains. Ce sont des noms, des visages, des proches, des amis. Et dans tout cela, il y a un mot que tous ces gens devraient entendre : désolé. C’est maintenant que je m’excuse. Merci », a ainsi déclaré en préambule et la voix chevrotante le journaliste Wojciech Szelag. Il s’agissait vraisemblablement d’excuses au nom de la chaîne, que le présentateur n’a rejoint que début 2024.

« La propagande nous a volé notre dignité »

De quoi susciter de l’émotion auprès de Bart Staszewski, présent face au journaliste. C’est lui notamment qui avait alerté sur le jumelage de certaines villes françaises avec des communes polonaises s’étant justement déclarée « zone sans idéologie LGBT ». Militant particulièrement actif, il a souvent été vilipendé publiquement et parfois même menacé de mort. « Je peux enfin pousser un soupir de soulagement. Les mots ont du pouvoir : pendant des années, la propagande nous a volé notre dignité, aujourd’hui les mots d’excuses nous permettent d’avancer », s’est-il ému sur X en relayant la séquence.

« Je pense que c’est symboliquement un moment très important », a confié de son côté l’autrice et journaliste Maja Heban, présente sur le plateau. La militante transactiviste a régulièrement témoigné de son parcours s’exposant de fait à la violence verbale comme physique.

Il y a à peine quelque mois, les familles homoparentales étaient encore présentées comme un danger pour la société polonaise dans de nombreux médias, dont TVP, comme le rappelle Bart Staszewski.

Les années 2017-2023 ont notamment été marquées par des politiques publiques LGBTIphobes, avec l’instauration de « zones sans idéologie LGBT », l’agression de plusieurs militants ou de manifestants pour l’égalité des droits, mais aussi la volonté de s’inspirer pour le gouvernement des lois liberticides adoptées en Hongrie et en Russie qui condamnent « la propagande LGBT ».

L’invitation des deux militants par TVP s’inscrit dans une plus grande ouverture de certains médias. Des couples LGBTI ont notamment été invitées dans une émission grand public du matin.

Désormais, Bart Staszewski appelle Donald Tusk à formuler les mêmes excuses que Wojciech Szelag. « Il gagnerait non seulement une énorme reconnaissance internationale, mais montrerait également qu’il est au-dessus des calculs politiques (...) Il est normal que les présidents et les premiers ministres s’excusent pour les décisions de leurs prédécesseurs, surtout lorsque des groupes de population ont été la cible d’attaques », défend le militant qui estime que « malheureusement » il faudra encore « attendre longtemps pour cela ».

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