Pologne: pour le chef du parti conservateur, les femmes ont moins d'enfants à cause de l'alcool

Face à une population en baisse en Pologne, le leader du parti conservateur au pouvoir demande aux femmes de diminuer leur consommation d'alcool, jugée responsable du faible taux de fécondité. Une déclaration qui va à l'encontre de la réalité scientifique.

Le faible taux de fécondité en Pologne est-il lié à une consommation d'alcool excessive des femmes? C'est du moins ce qu'explique, avec assurance mais contre toute parole scientifique, le leader du parti conservateur au pouvoir dans le pays.

"Si rien ne change, c'est-à-dire que si jusqu'à l'âge de 25 ans, une jeune fille boit autant que ses contemporains, elle ne fera pas d'enfants. Parce qu'il faut se rappeler qu'un homme, pour devenir alcoolique, doit boire excessivement pendant 20 ans en moyenne et une femme seulement deux ans", expliquait ainsi Jaroslaw Kaczynski samedi lors d'une réunion publique.

Le président du parti Droit et justice (PiS) affirme donc que si les femmes polonaises ont moins d'enfants, c'est parce qu'elles boivent trop. Il affirme tenir ces informations d'un "médecin" qui lui aurait dit avoir "réussi à guérir un tiers de ses patients hommes de l'alcoolisme mais aucune femme".

"Les femmes entrent en compétition avec les hommes"

Il a souligné qu'il n'était pas favorable à ce que les femmes aient des enfants à un très jeune âge, parce que "la femme doit mûrir pour être mère". "Mais si, jusqu'à l'âge de 25 ans, elle picole beaucoup - là, je plaisante un peu - ce n'est pas de bon augure en la matière".

Jaroslaw Kaczynski, qui effectue une tournée en province pour mobiliser les cadres de son parti en vue des élections parlementaires de 2023, a repris le sujet dimanche à Olsztyn, dans le nord-est du pays.

"J'ai dit hier que les jeunes femmes entrent en compétition avec les hommes concernant la consommation d'alcool. C'est objectivement nuisible. Et un responsable politique honnête, s'il le sait, doit en parler, parce que c'est nuisible", a-t-il justifié.

Son affirmation va à l'encontre des chiffres: les femmes polonaises boivent en moyenne moins que les hommes. Les 10% de Polonaises âgées de 18 à 29 ans boivent ainsi en moyenne 7,5 litres d'alcool par an et la plupart sont célibataires sans emploi ou étudiantes. Bien moins que la moyenne nationale, qui s'établit à environ 10 litres par an et par personne.

1,39 enfant par femme en Pologne

Cette sortie polémique est à comprendre dans un contexte de préoccupation du pouvoir vis-à-vis du taux de fécondité très faible du pays: 1,39 enfant par femme en moyenne en 2020 selon les données agrégées par la Banque mondiale alors qu'il faudrait un taux d'environ 2,1 pour éviter une baisse de la population d'habitants nés en Pologne. Ce taux est par ailleurs inférieur à la moyenne européenne: 1,53 en 2019 selon l'Institut national d'étude démographique (Ined).

La population polonaise est ainsi en baisse car la faible fécondité dans le pays n'est pas compensée par l'immigration, comme c'est le cas en Allemagne par exemple, qui affiche un taux de fécondité comparable. L'espérance de vie, en augmentation dans le pays ,n'est elle non plus pas suffisante. Depuis 2015, le PiS octroie une allocation de plus cent euros par naissance à partir du deuxième enfant.

Les réactions ont été vives face à cette sortie, notamment dans l'opposition.

Pour expliquer la baisse de la natalité dans la pays, certaines militantes féministes avancent une justification qu'elles jugent plus probable. Depuis 2020, la Pologne a largement durci l'accès à l'avortement et il est aujourd'hui presque interdit, y compris en cas de malformation de l'embryon, ce qui avait provoqué de nombreuses manifestations. Selon les militantes, cette décision aurait pu inciter les femmes à éviter de tomber enceintes.

Article original publié sur BFMTV.com

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