Polanski à la Mostra de Venise, « culture du viol » ou « liberté artistique » ?

« The Palace », le dernier film du réalisateur controversé Polanski, est présenté hors compétition ce samedi 2 septembre à la Mostra de Venise.
« The Palace », le dernier film du réalisateur controversé Polanski, est présenté hors compétition ce samedi 2 septembre à la Mostra de Venise.

CULTURE - Il est devenu pour certains un symbole d’impunité des violences sexuelles. Ce samedi 2 septembre, la Mostra de Venise va projeter, hors compétition, le dernier film de Roman Polanski, The Palace, avec Mickey Rourke et Fanny Ardant. L’annonce de la présentation de l’oeuvre de celui qui est accusé de viol par onze femmes a provoqué la colère d’associations féministes.

Interrogé par l’AFP avant le début du festival sur cette invitation, le directeur de la Mostra Alberto Barbera s’est défendu en estimant qu’il fallait faire « la distinction entre l’homme et l’artiste ».

« La Mostra, un lieu d’expérimentation »

Quant au producteur du cinéaste controversé, il a estimé que cette projection était un symbole de la « liberté » artistique. Auparavant, le producteur italien du film est passé à l’offensive. « Nous vivons dans le présent et, dans le présent, ce qui compte c’est la liberté. Il ne faut pas de jugement moral dans l’art », a déclaré Luca Barbareschi en conférence de presse.

« La Mostra doit être un lieu d’expérimentation, de provocation et de liberté d’expression pour les artistes », a-t-il poursuivi. D’une manière générale, « je ne comprends pas pourquoi toutes les plateformes comme Paramount, Amazon, Studiocanal ou Netflix passent les films de Polanski tous les jours et font des millions avec, et pourquoi on ne pourrait pas produire un nouveau film de Polanski », a-t-il insisté.

Une réponse aux féministes qui considèrent au contraire cette sélection, ainsi que celle d’un autre artiste mis au ban de Hollywood, Woody Allen, ou de Luc Besson (contre lequel des accusations de viol viennent d’être définitivement écartées par la justice), comme une provocation.

Des choix qui « légitiment les violences »

Dans une tribune signée dans les colonnes de Libération, L’ADA, Association d’acteurs et d’actrices, dont font partie entre autres Ariane Labed, Louise Orry-Diquéro, Louise Chevillotte, a dénoncé une selection « totalement déconnectée des enjeux liés au mouvement #MeToo ». « Ces choix de programmation s’opposent frontalement aux avancées de ces dernières années. Ils légitiment les violences », estiment les signataires.

« Malgré le nombre grandissant d’acteurs et surtout d’actrices qui prennent la parole pour dénoncer les violences dont ils et elles ont été victimes, malgré les mises en examen de plus en plus nombreuses de professionnel·le·s accusé·e·s, les plus renommé·e·s d’entre elles et eux se voient toujours offrir une place de choix lors des grands événements de la profession », écrivent les membres de l’ADA, accusant l’industrie cinématographique de « perpétuer un système mortifère ».

« Malgré le tollé qu’a suscité la présence de Johnny Depp au Festival de Cannes en mai dernier, des festivals européens majeurs continuent de donner une visibilité considérable à des réalisateurs accusés puis poursuivis pour agressions sexuelles », avait dénoncé de son côté en juillet le collectif 50/50 sur Instagram, citant Roman Polanski, Woody Allen et Luc Besson.

Invisible depuis son César

Polanski ne sera en revanche pas physiquement présent sur le Lino pour défendre The Palace. Il est invisible depuis la controverse provoquée par son César en 2020 du meilleur réalisateur pour J’accuse, peu après qu’une onzième femme l’ait accusé de viol.

Le cinéaste franco-polonais a toujours réfuté ces accusations qui ont émergé ces dernières années pour des faits présumés autour des années 70. Il est par ailleurs poursuivi depuis plus de 40 ans par la justice américaine pour des relations illégales avec une mineure en 1977. Par ailleurs, il doit être jugé en mars 2024 en France pour diffamation de l’une de ses accusatrices, l’actrice Charlotte Lewis.

Cela ne l’a pas empêché d’amasser une kyrielle de prix : une Palme d’Or, un Oscar et dix César - au gré de ses 23 longs-métrages. Parmi eux, Rosemary’s Baby (1968), Chinatown (1974), Le Pianiste (2002) ou encore The Ghost Writer (2010).

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