Plus de 200 morts dans une mine de charbon en Turquie

Plus de 200 morts dans une mine de charbon en Turquie

par Yesim Dikmen SOMA Turquie (Reuters) - Les secouristes continuent de retirer des morts et des blessés d'une houillère de l'ouest de la Turquie où s'est déclaré mardi un incendie, et le bilan de la catastrophe, encore provisoire, faisait état mercredi de 205 morts. Plusieurs centaines de mineurs seraient toujours pris au piège dans les galeries de la mine, à Soma, à 120 km au nord-est d'Izmir, et le ministre de l'Energie, Taner Yildiz, qui s'est rendu sur les lieux, a dit "craindre que le bilan des morts ne s'alourdisse(...). Je dois dire que nos espoirs s'amenuisent concernant les secours". "Nous nous acheminons sans doute vers l'accident le plus meurtrier jamais survenu en Turquie", a-t-il dit. L'incendie, provoqué par une explosion survenue après 15h00 locales (12h00 GMT), continue en sous-sol, ce qui gêne les opérations de secours, a précisé le ministre. Il s'agit d'ores et déjà de l'accident minier le plus meurtrier en Turquie depuis le coup de grisou qui avait coûté la vie à 263 mineurs en 1992 dans la province de Zonguldak, au bord de la mer Noire. En mai 2010, un autre coup de grisou avait fait 30 morts, également dans la province de Zonguldak. L'explosion, à Soma, s'est produite au moment du changement d'équipes, ce qui laisse planer une certaine incertitude quant au nombre exact de mineurs qui étaient dans la mine à l'heure du drame. Le ministre de l'Energie a déclaré mardi soir, à son arrivée sur les lieux, que 787 mineurs se trouvaient alors dans la mine. Plus de 90 personnes ont pu être secourues jusqu'à présent, dont 85 qui, blessés, ont reçu des soins. Un deuil national de trois jours a été décrété dans le pays, a annoncé le cabinet du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Le chef du gouvernement a annulé une visite en Albanie prévue mercredi afin de pouvoir se rendre sur les lieux de la catastrophe. Le président turc, Abdullah Gül, a quant à lui annulé un voyage en Chine prévu pour jeudi afin d'aller lui aussi à Soma. DEMANDE D'ENQUÊTE REJETÉE Les secours injectent depuis mardi de l'oxygène dans les boyaux de la mine pour conserver une chance de retrouver d'autres survivants. "On injecte de l'oxygène dans la mine. C'est le plus urgent pour nos ouvriers bloqués sous terre", a déclaré Taner Yildiz. "Il y a un risque d'empoisonnement au dioxyde et au monoxyde de carbone (...) Il faut qu'on les sorte rapidement de là." L'explosion dans un transformateur électrique, provoquée par un court-circuit selon les autorités, a entraîné une coupure de courant, mettant les ascenseurs hors d'usage et piégeant les ouvriers à environ 2 km sous terre. Le ministère du Travail a déclaré que ses inspecteurs avaient effectué régulièrement des visites dans la mine de Soma, la dernière remontant au mois de mars, et qu'aucune irrégularité n'avait alors été notée. Mais le Parti républicain du peuple (CHP, opposition laïque) a vu voici trois semaines sa demande d'enquête parlementaire sur les conditions de travail et de sécurité dans la région des houillères de Soma rejetée par le parti AKP au pouvoir, a déclaré Hursit Günes, un député CHP. "Je vais renouveler aujourd'hui cette demande d'enquête parlementaire. Si le gouvernement a été averti de la situation et n'a rien fait, les gens vont être en colère, évidemment. L'opposition avait prévenu. Mais il règne une léthargie incroyable dans ce domaine", a dit Hursit Günes à Reuters. En 2012, l'Organisation internationale du travail (OIT) déclarait que la Turquie avait, en Europe, le taux le plus élevé de mortalité sur les lieux de travail, et, au plan mondial, le troisième rang le plus élevé. Entre 2002 et 2012, plus de 1.000 mineurs turcs ont perdu la vie sur leur lieu de travail, selon les statistiques de l'OIT. (Avec Humeyra Pamuk et Orhan Coskun à Istanbul, Tangi Salaün, Jean-Stéphane Brosse et Eric Faye pour le service français)