Plus de 120 morts au Yémen, John Kerry espère une "pause"

par Mohamed Mukhashaf ADEN, Yemen (Reuters) - Combats et bombardements aériens redoublent d'intensité au Yémen, où plus de 120 personnes, en grande majorité des civils, ont été tuées dans la seule journée de mercredi, rapportent des travailleurs humanitaires et des responsables des deux camps. Face à la détérioration rapide de la situation humanitaire, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, arrivé à Ryad en fin de journée, a annoncé qu'il allait tenter de convaincre l'Arabie saoudite de marquer une "pause" dans les bombardements de la coalition qu'elle a formée en mars pour combattre les miliciens chiites houthis. Selon les Nations unies, 20 millions de Yéménites, soit 80% de la population, sont menacés par la famine et les organisations humanitaires ne peuvent pratiquement plus travailler faute d'approvisionnement et en raison de l'insécurité. La situation est particulièrement critique à Aden, le grand port du sud du pays, où une quarantaine de civils qui tentaient de fuir en bateau ont été tués par des tirs d'artillerie des Houthis, selon des témoins et des travailleurs humanitaires. Les passagers du bateau fuyaient le quartier d'Al Taouahi, où les miliciens chiites ont fait leur entrée dans la journée de mercredi et où se déroulent de violents combats. Une trentaine de Houthis et une dizaine de combattants sudistes fidèles au président Abd-Rabbou Mansour Hadi, qui s'est exilé à Ryad, ont été tués dans la nuit de mardi à mercredi dans ce quartier proche des docks, le dernier à échapper aux rebelles, ont-ils ajouté. Un général de l'armée yéménite figure parmi les victimes. "ÉPARGNER LES CIVILS" Des tirs en provenance de zones tenues par les Houthis ont par ailleurs fait cinq morts à Najrane, du côté saoudien de la frontière, selon la protection civile locale. Trois personnes y avaient déjà trouvé la mort la veille dans les mêmes circonstances. Il s'agissait des premières victimes saoudiennes depuis le début des frappes aériennes, le 26 mars. Dans les heures qui ont suivi leur décès, la coalition sunnite a mené plus de 30 frappes dans la province yéménite de Saada, causant la mort de 43 civils, selon les Houthis et des sources proches des autorités locales. L'Arabie saoudite a évoqué à plusieurs reprises un arrêt des raids aériens ou une trêve humanitaire mais ces annonces sont restées sans lendemain en raison, selon Ryad, de la poursuite de l'offensive des Houthis, soutenus par l'Iran. Dans la soirée, le général Ahemd Asseri, porte-parole de la coalition, a évoqué une possible intervention au sol pour faire cesser les tirs en territoire saoudien. En visite mercredi à Djibouti, John Kerry s'est néanmoins dit déterminé à essayer d'arracher un cessez-le-feu lors de son déplacement en Arabie saoudite. "La situation devient chaque jour un peu plus effroyable, cela nous inquiète et nous avons appelé toutes les parties à respecter les règles humanitaires en faisant tout leur possible pour épargner les civils", a-t-il déclaré. Le secrétaire d'Etat américain, qui a été reçu dans la soirée par le prince Mohamed ben Fayed, nouvel héritier du trône saoudien, a estimé qu'en dépit de la recrudescence des violences, les Houthis "pourraient aussi être favorables à une pause". "Nous allons discuter de la forme que pourrait prendre cette pause et des moyens de la mettre en oeuvre. Je suis convaincu qu'ils (les Saoudiens) y sont favorables", a-t-il assuré. John Kerry a annoncé le déblocage par les Etats-Unis de 68 millions de dollars (60 millions d'euros) d'aide pour les organisations humanitaires présentes au Yémen. (Avec Lesley Wroughton à Ryad, Henri-Pierre André, Tangi Salaün et Jean-Philippe Lefief pour le service français)