Le plan loup veut simplifier l’usage des armes à feu, mais est-ce la solution la plus efficace ?

ENVIRONNEMENT - Les éleveurs qui crient aux loups ont été entendus. Le gouvernement dévoile ce lundi 18 septembre à Lyon les grandes lignes de son « plan loup » pour la période 2024-2029, censé assurer une meilleure protection des troupeaux, et comprenant de nouvelles dispositions jugées alarmantes par les défenseurs du prédateur, classé espèce menacée.

Après plusieurs reports, le texte, voué à remplacer un précédent plan qui arrive à expiration à la fin de l’année, doit être officiellement présenté par la préfecture de la région Auvergne-Rhône-Alpes aux membres du Groupe national Loup (GNL) : représentants du monde agricole, élus, chasseurs, administrations et associations de protection de la nature. La réunion, qui se tient à huis clos, s’annonce tendue tant ce dossier complexe est politiquement sensible.

Après avoir un temps disparu en France, le loup est réapparu au début des années 1990, et ses rangs ont progressivement grossi. Le nombre de canis lupus arpentant le territoire a ainsi été estimé au début de ce mois de septembre à 1 104 individus par l’Office Français de la Biodiversité (OFB), soit une centaine de plus qu’en 2022.

Face à cette population lupine « exponentielle dans sa croissance », le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau estime qu’« il y a un moment où le seuil est tellement haut que ça n’est plus compatible avec les activités d’élevage et en particulier les activités pastorales ». C’est pourquoi ce nouveau plan loup « a pour ambition d’installer un nouvel équilibre », a expliqué à maintes reprises le gouvernement.

Le tir, un moyen de défense qui divise

Mais les moyens pour arriver à ce nouvel « équilibre » font craindre le pire aux associations de protection de la nature. Le nouveau plan devrait en effet donner satisfaction aux éleveurs puisqu’il prévoit une simplification des protocoles des tirs destinés à abattre les loups attaquant les troupeaux, un réexamen du statut du loup, d’« espèce strictement protégée » à « espèce protégée », une évolution qui devra se faire au niveau européen, comme l’a précisé une source gouvernementale.

Jusqu’ici le tir sur les loups est très réglementé en France. En 1979, le pays s’est engagé à participer à la protection internationale du loup, classé comme une espèce « strictement protégée ». À ce titre, l’abattage des loups est rigoureusement contrôlé. Actuellement, 19 % de la population de loups peut-être abattus, ce qui représentait 174 bêtes en 2022. Si le plafond n’a pas été atteint, il a tout de même été frôlé avec 168 loups abattus en 2022.

Les associations agricoles demandent depuis plusieurs mois à ce que le statut soit réévalué afin de passer de « strictement protégé » à « protégé », ce qui permettrait d’augmenter ce plafond. Selon un communiqué de presse de la Chambre d’Agriculture de Bourgogne-Franche-Comté, « le tir de défense reste le moyen le plus efficace pour assurer la protection des troupeaux ». Mais les défenseurs du loup soulignent que le plafond est déjà passé de 12 % en 2018 à 19 % aujourd’hui.

Pour eux, l’abattage du loup n’est pas la solution, et pourrait même accentuer le problème. D’après l’association FERUS, en pointe sur le combat pro loup, la mort d’une bête dominante peut « déstructurer la meute », et augmenter l’agressivité et « les attaques envers les troupeaux ». Que faire alors ? D’autres solutions plus durables et efficaces seraient à privilégier.

Des mesures prometteuses mais mal appliquées

L’État a ainsi défini trois mesures de protection, qu’il subventionne à 80 % afin d’encourager leur mise en place. La présence de chien de protection, la surveillance humaine et la pause de clôtures électrifiées à 3 000 volts faisant quatre-vingts centimètres de hauteur. « Mais ce n’est pas assez ! Dans les pays voisins elles mesurent 1,20 mètre et c’est bien plus efficace » s’est insurgé auprès du HuffPost Patrick Boffy, vice-président de l’association FERUS.

Jean-Luc Valérie, de l’Observatoire du Loup, estime également que les alternatives à l’arme à feu ne sont pas correctement valorisées, donc inefficaces : « On est déjà allé vérifier sur le terrain, et les clôtures n’étaient pas bien posées », s’alarme-t-il.

Quant à la surveillance humaine, c’est le moyen le plus contraignant car elle doit en priorité s’effectuer la nuit, lorsque les loups rôdent. Reste donc les chiens de protection. Mais là encore, Jean-Luc Valérie explique que si l’idée est bonne, son application laisse à désirer. Il faut attendre les trois ans de l’animal pour le considérer comme opérationnel, alors qu’ils sont souvent lâchés sur le terrain bien plus jeunes.

Ces arguments ne convainquent pas les premiers intéressés. « Un éleveur n’est pas là pour dresser des chiens ou pour planter des filets […]Un éleveur qui a déjà un énorme travail physique, lui demander de faire ça en plus, c’est presque insultant » s’irritait ainsi Agathe Chevalier à la Chambre d’Agriculture.

Contre l’abattage, l’évitement

Si éleveurs et associations ne trouvent pas d’accord sur la question du tir, un point commun sort du lot dans deux argumentaires bien différents : la responsabilité de l’État et le manque d’un suivi personnalisé.

Les associations de protection de la nature proposent ainsi que l’État puisse « informer individuellement chaque éleveur du risque de prédation ». En parallèle, le communiqué de presse de la Chambre d’Agriculture de Bourgogne-Franche-Comté demande à ce que « l’État soit à même de présenter un suivi en temps réel, aux différents échelons - départemental et régional - ».

C’est d’ailleurs un projet similaire que défend l’Observatoire du Loup. Pour l’association, la solution serait de former une équipe de quatre ou cinq experts par département, qui connaîtraient les comportements et les habitudes du loup. Ils pourraient alors estimer son itinéraire au jour le jour afin de permettre à l’éleveur d’éviter la zone. Sans cela, Jean-Luc Valérie estime que la situation « va devenir ingérable » et que « c’est l’État le premier responsable. […] C’est aux élus et aux politiques de prendre le sujet en main ».

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