Pierre Cabon, rescapé de l’attentat du Bataclan : "On a entendu des ballons éclater au fond de la salle. Sauf que ce n'était pas des ballons"

Le 13 novembre 2015 restera gravée dans la mémoire de milliers voire de millions de personnes. Et particulièrement pour Pierre Cabon, rescapé de l’attentat du Bataclan. Ce jour-là, sa vie a complètement basculé après avoir été touché par les terroristes à la moelle épinière. Devenu depuis paraplégique, le jeune homme a accepté pour Yahoo de se livrer sur ce douloureux souvenir, revenant sur sa reconstruction et sa fureur de vivre. Une belle leçon de vie.

C’était il y a huit ans. Comme beaucoup d’autres fans de rock, Pierre se rend au Bataclan pour assister au concert du groupe Eagles of Death Metal. “On prend une bière, on profite du moment et on commence à entendre comme des ballons qui éclatent au fond de la salle”, se remémore-t-il tout en expliquant avoir déchanté très rapidement. Car ce n’est pas le bruit de ballons festifs qu’il entend mais bien les tirs de kalachnikov de plusieurs terroristes qui se sont introduits dans la salle.

Malheureusement, Pierre se fait toucher et plonge dans l’obscurité la plus totale. Il n’a que 25 ans. “J’ai un blackout qui va durer une dizaine de minutes”, soit à peu près le temps de l’attaque. À son réveil, le jeune homme n’a aucun souvenir. Aucune vision, aucune odeur, aucun bruit ne lui reviennent à l’esprit. Une occultation qui lui permet de ne développer aucun stress post-traumatique et de pouvoir rebondir assez rapidement. Par ailleurs, ses séquelles lui rappellent ce qui s’est réellement passé cette soirée-là. Aujourd’hui, Pierre est paraplégique. Il apprend la nouvelle par "différents médecins" qui lui ont "appris la nouvelle de manière plus ou moins agréable". “Quand j’ai été touché, la balle est rentrée au niveau de l'omoplate gauche et elle s’est logée dans la moelle épinière. Ça a coupé toute communication nerveuse avec le bas du corps”. Un lourd handicap qui ne fait pas fuir sa compagne. Sa femme Myriam l'aide à tenir pour son plus grand bonheur. Après plus de sept mois de convalescence aux Invalides, Pierre Cabon apprend donc à appréhender le quotidien avec un fauteuil, même s'il avoue qu'il ne "retournera pas au Bataclan".

Depuis, il a pu tourner la page et a d'ailleurs vécu ce coup du sort comme une sorte de “renaissance”. Bien qu’il soit désormais en fauteuil roulant, le jeune homme et sa compagne ont voulu prouver que le handicap n’était pas forcément un frein pour explorer le monde. Ils ont donc fait de leur vie une aventure. Passionnés de voyage et amoureux des grands espaces, ils ont décidé de partir en 2017 au Canada, un voyage lors duquel ils se sont rendus compte que la nature n’était “pas vraiment accessible à tous”.

“Nous voulons donner envie de partir à l’aventure”

Peu après, Pierre a entrepris un séjour avec “Comme les autres”, l’association de Michael Jeremiasz, ancien champion paralympique de tennis. Pendant une semaine, au Maroc, il s’est adonné à de nombreuses activités à sensations fortes comme la tyrolienne, le kayak, le quad ou encore le tir à l’arc. “J’ai eu un énorme déclic. c’était dingue de réaliser qu’énormément de choses étaient possibles en fauteuil”. Puis, après son voyage de noces dans les parcs de l’ouest américain, il a créé, avec sa femme, Wheeled World, le média de l’aventure pour tous. Leur leitmotiv : inviter les personnes en situation de handicap, tout comme les valides, à oser vivre, intensément. “Nous voulons donner envie de partir à l’aventure. Et ouvrir la voie pour que chacun puisse le faire sereinement, sur ses deux pieds… ou pas”, ont-ils écrit sur leur site Internet.

Montée du Machu Picchu, traversée du désert de l'Atacama, Nouvelle-Zélande en tandem, ascension du Kilimandjaro : les deux tourtereaux, qui se définissent comme “handi-valide” n’ont aucune limite, rien ne les arrête. Et de ces aventures des plus incroyables est née une aventure littéraire. Forts de leur expérience, ils ont tenu à retracer toute leur histoire au travers d’un livre intitulée “Un éclat dans le noir” (ed. Fayard), en librairies depuis octobre 2021. “On espère que ce qu’on a vécu va pouvoir parler à d’autres qui se poseront peut-être des questions ou bien qui viennent d’être blessés”.

Et si le monde leur tend les bras, Pierre garde malgré tout quelques failles. Il émet toujours, par exemple, des réserves à faire un bond dans le passé en retournant sur les lieux où tout a basculé. “Je ne sais pas si ça me ferait quelque chose, si ça ferait remonter des souvenirs qui pour l’instant ne sont pas là mais je préfère pas titiller la bête”, explique-t-il tout en confiant avoir à nouveau assisté à des concerts depuis juillet 2016. Une belle victoire sur les terroristes qui ne sont pas parvenus à lui enlever son envie de vivre intensément.

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