Le pic Omicron tarde et l'explication du Conseil scientifique ne va pas plaire à Blanquer

Le pic ne se dessine pas et l'épidémie de Covid-19, portée par Omicron, repart à la hausse. Pour le Conseil scientifique, c'est certainement la faute des contaminations à l'école. (Photo: Reuters)
Le pic ne se dessine pas et l'épidémie de Covid-19, portée par Omicron, repart à la hausse. Pour le Conseil scientifique, c'est certainement la faute des contaminations à l'école. (Photo: Reuters)

SCIENCE - Pas de vacances à Ibiza pour le coronavirus. Alors que les modèles de l’Institut Pasteur s’attendaient à un pic de la cinquième vague de Covid-19 à la mi-janvier, le nombre de cas quotidiens continue de battre des records ces derniers jours.

L’écrasante majorité de ces contaminations sont dues au variant Omicron, dont la gravité est “nettement moindre”, note le Conseil scientifique dans son dernier avis, publié jeudi 20 janvier. En ajoutant l’effet de protection des vaccins, les membres du conseil estiment “sauf surprise ou modifications majeures des comportements des citoyens” que “le système hospitalier devrait tenir” dans les semaines à venir.

Une bonne nouvelle donc, mais qui ne répond pas à ce mystère: pourquoi les cas de Covid-19 en France continuent d’exploser alors que le pic est clair au Royaume-Uni et en Afrique du Sud?

Explosion de cas de Covid chez les enfants

Si les projections de Pasteur ont été déjouées, c’est probablement à cause des écoles. “Il semble que cette remontée s’explique par un regain de l’épidémie chez les moins de 15 ans et chez les 30-44 ans, suggérant un effet important de la rentrée des classes: le virus circule de façon intense chez les plus jeunes et se propage ensuite aux parents”, note le Conseil scientifique.

Le graphique suivant permet de s’en rendre compte. L’incidence explose chez les mineurs, alors qu’elle avait commencé à stagner chez les adultes début janvier, avant de repartir doucement à la hausse.

On remarque aussi que si le nombre de tests réalisés baisse, l’incidence tout comme le taux de positivité augmente, la preuve que le virus circule fortement. En une semaine, le nombre d’élèves positifs recensés par le ministère de l’Éducation a augmenté de 40%.

Et si le Conseil scientifique se veut optimiste sur le système hospitalier, il précise que les modélisations de l’Institut Pasteur “ne prennent cependant pas en compte le rebond lié à la rentrée scolaire mentionné plus haut, et pourrait donc sous-estimer l’impact de cette vague sur l’hôpital si le rebond lié à la rentrée scolaire se traduit par un regain des infections chez les plus fragiles”.

Pour les écoles, des conseils non appliqués

Plutôt qu’espérer que tout se passe bien, que faudrait-il faire? Le Conseil scientifique dans son avis apporte une réponse à demi-mot, qui n’a certainement pas plu à Jean-Michel Blanquer. Ce n’est qu’une phrase, mais qui veut dire beaucoup: ” Le Conseil scientifique s’est par ailleurs déjà précédemment exprimé sur la stratégie de dépistage et sur l’ensemble des mesures à prendre au sein des écoles pour limiter la circulation du virus”.

De manière lapidaire, les chercheurs renvoient à plusieurs avis publiés par le passé où une stratégie globale de gestion de l’épidémie dans les écoles était détaillée. Le 8 décembre, dans un avis intitulé “comment concilier les enjeux sanitaires et sociétaux”, les chercheurs rappelaient qu’en pleine vague “l’application de la stratégie de dépistage réactionnel pose des difficultés opérationnelles et a un impact limité sur la transmission dans les classes car le dépistage intervient trop tardivement”.

Au vu de la rentrée de janvier chaotique et des multiples changements du protocole sanitaire à l’école, on peut clairement dire que le Conseil scientifique avait bien anticipé l’avenir. Surtout, les chercheurs proposaient une alternative: “le contrôle par le dépistage itératif”. Et de lancer une perche au gouvernement: “La question de sa généralisation pour la rentrée de janvier 2022 devra se poser, comme elle est réalisée dans de nombreux autres pays européens”.

Un avis atténué suite à “une réunion”

Si le Conseil scientifique se permet d’être si clair sur la question, c’est que ce n’est pas la première fois qu’il écrit cette recommandation. Dans un avis du 13 septembre conjoint avec le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, les chercheurs affirmaient que déjà face au variant Delta, il fallait adapter le protocole scolaire, notamment dans le primaire, où les élèves n’étaient pas vaccinés.

Les scientifiques proposaient au gouvernement une méthode claire:

Une “surveillance avec un test par enfant scolarisé et par semaine, en maternelle et en élémentaire. La stratégie repose sur le volontariat et implique le recueil d’un consentement des familles. Il est indispensable que l’adhésion au protocole soit de 50% au minimum pour que la stratégie soit efficiente, ce qui suppose un effort spécifique d’information des familles sur l’intérêt décisif de la démarche pour contenir à la fois la circulation virale en milieu scolaire et les fermetures de classe”

Cet avis se basait sur plusieurs expérimentations, en France et à l’étranger. Et depuis, les preuves se sont accumulées, notamment avec une étude française réalisée par l’Inserm et publiée début décembre, qui démontrait que le dépistage en réaction, à postériori (le protocole actuel) a un faible impact. A l’inverse, un dépistage anticipé, systématique et itératif, permettrait d’éviter au moins un tiers des cas, soit trois fois plus que le protocole actuel.

L’avis du Conseil scientifique fut même plus accablant concernant la gestion actuelle de la crise à l’école. Une première version de cet avis (celle fournie au gouvernement le mercredi 19 janvier) a été publiée jeudi 20 janvier, à 17h. Puis, vers 18h20, elle a été mise à jour. C’est sur cette version que se base notre article. Dans la première, le passage sur l’école était quelque peu différent, rapporteLe Parisien.

Les chercheurs estimaient que “s’il s’avère que la reprise épidémique [...] est bien liée à une circulation très active du virus dans les écoles [...] il conviendra d’y aller au plus vite des moyens supplémentaires pour renforcer les protocoles sanitaires”. Un ton bien plus affirmatif qui a été modifié suite à une réunion jeudi midi où “il est apparu dans les discussions qu’en ce qui concerne la persistance de la cinquième vague, les écoles en sont un élément mais pas le seul”, selon Le Parisien. Contacté par Le HuffPost, L’Élysée affirme ne pas être intervenu dans cette décision.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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