"Ces photos sont nécessaires": Anatoli, survivant de Marioupol, a documenté l'enfer de sa ville

Pendant toute la durée du siège de Marioupol, Anatoli a documenté l'enfer de sa ville - Capture d'écran BFMTV
Pendant toute la durée du siège de Marioupol, Anatoli a documenté l'enfer de sa ville - Capture d'écran BFMTV

Marioupol, dans le Sud-Est de l'Ukraine, est en quasi-totalité contrôlée par les forces russes. Depuis le début du conflit, des dizaines de milliers de civils ont quitté cette ville portuaire après avoir été pris au piège pendant de longues semaines. C'est le cas d'Anatoli, 61 ans, qui a survécu dans une cave pendant près de deux mois avec sa famille et 22 autres habitants.

Mais durant toute cette période, le père de famille est sorti régulièrement documenter l'enfer de sa ville, à une période où les journalistes n'avaient plus accès à Marioupol.

"C’était nécessaire de sortir prendre ces photos. J’ai filmé parce que j'ai compris que lorsque le temps viendra, il faudra montrer tous ces clichés à quelqu’un", témoigne Anatoli au micro de BFMTV.

Une prise de risque importante

À Marioupol, l'électricité a vite manqué. Pour garder de la batterie sur son téléphone et continuer à prendre des photos, Anatoli disposait d'un générateur, qui fonctionnait à l’essence. Tous les jours, il prend des risques et va siphonner les réservoirs des voitures détruites dans le quartier, permettant ainsi de recharger son téléphone et de filmer le siège de Marioupol.

"Je me disais qu’un jour quelqu’un aurait besoin de ces photos et c’est justement ce qu’il se passe. Ces photos aujourd’hui sont nécessaires, pour les Ukrainiens et pour le monde entier", souligne Anatoli.

Une évacuation par les Russes...

Le 19 avril, l'enfer semble se terminer pour Anatoli et sa famille. Dans leur quartier, une Jeep russe vient leur apporter du pain et des journaux de propagande. Les soldats, qui occupent la ville, leur proposent de quitter Marioupol. Exténués, Anatoli et sa femme acceptent.

Les checkpoints se succèdent. À Novoazovsk, à quelques kilomètres de la frontière russo-ukrainienne, on leur ordonne de monter dans un bus. Douze heures après avoir quitté Marioupol, ils arrivent enfin à Taganrog, en territoire russe.

...qui se transforme en fuite

"Une fois arrivés sur place, la foule a commencé à descendre pour prendre un train. Sauf que nous avions reçu l’ordre de ne pas nous disperser. Un homme en uniforme nous a retenu et nous a dit qu'on allait devoir prendre un train qui nous emmènera vers un endroit où l’on sera nourris, vêtus, logés et qu’on nous donnera un travail", raconte Anatoli.

"Mais lorsqu’il a annoncé que l’endroit en question était la ville de Perm, j’ai dit à ma femme et à ma belle-mère de m’aider à prendre nos affaires puis nous nous sommes faufilés et nous avons sauté dans un autre train", explique le père de famille.

Perm se situe à l’est de l’Oural, à 1400 kilomètres de Moscou à la frontière avec le Kazakhstan. C’est dans cette ville que se trouvait un des plus célèbres goulags de l’époque soviétique.

Anatoli et sa famille ont réussi à rejoindre l'Europe quelques jours plus tard, mais ce survivant de l'enfer de Marioupol pense que la plupart des réfugiés présents dans son train sont partis vers l'Est.

"L’homme en uniforme s’est montré très convaincant et promettait monts et merveilles. Les gens qui avaient quitté Marioupol étaient très impressionnables et donnaient facilement leur confiance", explique-t-il, évoquant un "syndrome de Stockholm."

Article original publié sur BFMTV.com