Pas de perspective de trêve à Gaza parce qu'Israël veut que les hostilités se poursuivent, selon un ministre palestinien
"Il (Benjamin Netanyahou) veut prolonger la guerre. Un cessez-le-feu l'empêcherait donc (...) d'atteindre ses buts et ses objectifs", insiste Riyad Al-Maliki lors d’une interview accordée mardi à Euronews à l'issue d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne à Bruxelles.
"Netanyahou sait très bien que s'il y a une cessation des hostilités (...) les Américains et beaucoup d'autres interviendraient pour rendre permanent ce qui est vraiment temporaire", explique-t-il avant d’ajouter que le Premier ministre israélien gardait toute la région "en otage de ses propres ambitions politiques".
Les pourparlers indirects en vue d'une trêve entre Israël et le Hamas, sous la médiation du Qatar et de l'Égypte, ont repris mardi après les échecs de ces derniers jours.
Riyad Al-Maliki, qui représente le gouvernement de l'Autorité palestinienne dirigé par le Fatah en Cisjordanie, avertit que l'offensive tant redoutée sur Rafah pourrait déclencher l'instabilité dans l'ensemble de la région, y compris des violences potentielles au Liban, ainsi qu'une "guerre régionale" impliquant les États-Unis.
Plus de 1,4 million de Palestiniens seraient réfugiés à Rafah, à la frontière avec l'Égypte. Israël affirme que la ville est le dernier bastion du Hamas dans l’enclave et a déclaré mardi qu'il disposait de renseignements suggérant que le point de passage de Rafah vers l'Égypte était utilisé à des "fins terroristes".
"Nous pourrions assister à des atrocités à Rafah. Si c'est le cas, ce n'est pas seulement Israël qui en pâtira sur le plan international, mais aussi les États-Unis d'Amérique", prévient Riyad Al-Maliki.
Le responsable des affaires étrangères de l'UE, Josep Borrell, a critiqué lundi Benjamin Netanyahou pour avoir fait fi des avertissements de l'Union et pour avoir poursuivi l’opération prévue à Rafah.
Les autorités israéliennes ont déclaré mardi que leurs forces avaient pris le contrôle de la partie gazaouie du point de passage de Rafah, qui est la principale voie d'entrée de l'aide dans le territoire assiégé, et qu'elles avaient également fermé le point de passage de Kerem Shalom au sud et le point de passage d'Erez au nord.
Selon un communiqué de la Maison Blanche, le Premier ministre israélien avait pourtant convenu avec le président américain, lundi soir, de laisser le point de passage de Kerem Shalom ouvert pour les besoins humanitaires.
Riyad Al-Maliki précise qu'aucun camion n'avait pu entrer dans la bande de Gaza au cours des 48 dernières heures, avertissant que la situation était "vraiment très dangereuse", non seulement en raison de la menace des bombardements, mais aussi en raison de la famine croissante parmi la population de la bande de Gaza.
La "désillusion" de l’UE
Riyad Al-Maliki évoque aussi les commentaires d'Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission européenne a prévenu la semaine dernière lors d'un débat électoral qu'une offensive terrestre à Rafah serait "inacceptable".
"Si vous comparez ce qu'elle a dit le 7 octobre et ce qu'elle a dit ces deux derniers jours sur la possibilité qu'Israël attaque Rafah (...) elle essaie de dire que nous allons regarder, nous essayons de prendre des mesures".
Ces derniers mois, Ursula von der Leyen a été vivement critiquée pour son soutien inébranlable à Israël et son hésitation à appeler l’Etat hébreu à la retenue à Gaza, où près de 35 000 Palestiniens auraient perdu la vie depuis octobre, selon les autorités locales dirigées par le Hamas.
Un porte-parole de l'UE pour les affaires étrangères a déclaré plus tôt dans la journée de mardi que les États membres se réuniraient pour "réfléchir" à leur réponse, si les troupes israéliennes se déplaçaient sur le terrain à Rafah. Il n'est toutefois pas clair quelles actions concrètes sont sur la table, étant donné que les propositions précédentes visant à utiliser des sanctions et des barrières commerciales pour exercer une pression diplomatique sur Benjamin Netanyahou n'ont pas réussi à obtenir le soutien unanime de l'ensemble des 27 États membres.
Riyad Al-Maliki dit avoir ressenti une "désillusion" et une "colère" parmi ses homologues de l'UE face à ce qu'il a décrit comme une "violation totale du droit international" par Israël, qui entraîne la région dans une "collision totale".
Il salue également les efforts déployés par Dublin et Madrid pour reconnaître l'État de Palestine, une démarche qui, selon les deux capitales, permettra de faire avancer le processus de paix. Riyad Al-Maliki cite aussi la Slovénie et Malte, ainsi que la Norvège, pays non-membre de l'UE, parmi les pays qui font avancer l'initiative.
L'assemblée générale des Nations unies devrait débattre, et pourrait voter vendredi, sur un projet de résolution pour soutenir l'adhésion de la Palestine à l’ONU, projet auquel les États-Unis ont opposé leur veto le mois dernier au Conseil de sécurité.
La ministre belge des Affaires étrangères, dont le pays assure la présidence semestrielle de l’UE, a déclaré que son gouvernement soutiendrait la résolution en tant que "première étape importante sur la voie de la paix".
Le Premier ministre irlandais a indiqué lundi que son gouvernement et l'Espagne avaient l'intention de faire avancer leur proposition "très prochainement".
La plupart des États membres sont néanmoins réticents à l’idée de reconnaître un État palestinien, de peur que cela ne remette en cause leur solidarité avec Israël.