Le personnage de Mickey entre dans le domaine public le 1er janvier

Disney fête ses 100 ans tout en voyant son personnage le plus emblématique quitter son escarcelle. Ce lundi 1er janvier 2024, Mickey et Minnie ne seront plus protégés par le copyright américain et entrent dans le domaine public, ouvrant ainsi la porte à une utilisation des deux personnages loin des griffes du géant de l'animation.

Plus précisément, Disney n'aura plus les droits exclusifs sur les premières versions des personnages, celles apparues dans Steamboat Willie et la version muette de Plane Crazy­, deux courts-métrages de 1928. Aux Etats-Unis, les œuvres de 1928 à 1977 sont protégées pendant les 95 années suivant leur diffusion.

Un Mickey libre de droit

Il sera donc possible de créer sa propre histoire de Mickey sans l'autorisation de Disney, mais à une seule condition: il faut s'inspirer uniquement du design du personnage dans Steamboat Willie. Pour s'approprier par exemple le Mickey de Fantasia avec son fameux costume de magicien, il faudra attendre 2036.

"Disney conservera ses droits d'auteur sur toutes les variations ultérieures d'autres films ou œuvres d'art (de Mickey) jusqu'à ce qu'elles atteignent 95 ans", a prévenu dans le Guardian le critique Daniel Mayeda.

Le Mickey de Steamboat Willie est assez éloigné de celui que l'on connaît et ressemble "davantage à un rat avec un long nez pointu, des yeux noirs, un corps de petite taille, des jambes grêles et une longue queue", rappelle encore dans le Guardian Daniel Mayeda.

Dans ce court-métrage de huit minutes, devenu mythique, Mickey ne parle pas et apparaît avec une personnalité opposée à celle qu'on lui connaît désormais. Dans une scène, Mickey maltraite un chat. Quelques instants plus tard, il utilise une oie comme un instrument de musique en appuyant sur son gosier.

Malin, Disney a tout fait aussi pour protéger Steamboat Willie. Quelques secondes du film ont été ajoutées en 2007 au logo du studio et accompagnent désormais le générique de chaque production Disney. Le studio a ainsi transformé le film en marque en multipliant le merchandising (chaussettes, tasse, autocollant, t-shirt).

Disney en garde-fou

L'entrée de Mickey dans le domaine public ne devrait toutefois pas permettre de faire n'importe quoi avec la célèbre souris. Le studio a déjà fait savoir dans un communiqué qu'il adopterait "un rôle de garde-fou" pour lutter "contre la confusion que les utilisations non autorisées de Mickey (...) pourraient créer chez le spectateur".

Parce que Mickey est avant tout une marque déposée, il est en effet interdit d'utiliser le personnage d'une manière "qui pourrait induire en erreur le public et lui faire croire qu'il s'agit d'œuvres produites ou sponsorisées par Disney", note sur son blog Jennifer Jenkins, spécialiste du domaine public américain.

En théorie, il sera donc possible de transformer par exemple Mickey en tueur en série, car cette idée absurde est éloignée de ce à quoi les spectateurs pourraient s'attendre de la part d'une production Disney. Winnie l’Ourson: du sang et du miel, qui fait du célèbre personnage un tueur sanguinaire, est ainsi sorti sans difficulté début 2023.

Dans les années 1970, le dessinateur Dan O'Neill avait tenté de parodier Mickey dans une BD intitulée Air Pirates Funnies où la souris trafiquait de la drogue et pratiquait un cunnilingus sur Minnie. Le style, fidèle à celui des BD Disney, portait à confusion selon le studio qui avait obtenu la condamnation de Dan O'Neill en 1979.

La croisade de Disney

Disney se bat depuis des décennies pour empêcher Mickey de tomber dans le domaine public. Lorsque la souris est imaginée en 1928, le copyright prévoit de protéger toute création artistique pendant 56 ans - soit jusqu'en 1984 dans le cas de Mickey. Alors que l'échéance approche, Disney entame du lobbying auprès du Congrès américain.

Citant l'exemple européen, qui prévoit une protection de 75 ans, Disney obtient en 1976 un nouveau Copyright Act qui permet de protéger toutes les œuvres postérieures à 1922 pendant 75 ans. Mickey gagne ainsi 19 ans de répit. L'un des arguments alors brandi est de pouvoir garantir des revenus à deux générations d'ayants droit.

Au milieu des années 1990, alors que le copyright doit s'arrêter en 2003, et que Mickey rapporte au studio plusieurs milliards de dollars, Disney recommence son lobbying. Grâce à la pugnacité de son patron Michael Eisner, le studio obtient une nouvelle prolongation de vingt ans, surnommée avec humour "Mickey Mouse Protection Act".

Des circonvolutions pour préserver les droits d'un personnage qui n'a en réalité jamais été inventé par Walt Disney. Si le producteur a souvent répété qu'il avait eu l'idée de Mickey dans un train le ramenant de New York, la conception graphique du personnage revient à Ub Iwerks, animateur de génie resté dans l'ombre de Walt Disney.

Et le studio a toujours pioché dans des histoires elles aussi tombées dans le domaine public pour imaginer des œuvres devenues des classiques: L'Apprenti sorcier, Blanche-Neige, La Belle au bois dormant ou Cendrillon, La Petite sirène et La Reine des neiges sont tous inspirés d'œuvres signées Goethe, Grimm, Perrault et Andersen.

Article original publié sur BFMTV.com