Perpétuité pour l'ex-chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic

par Toby Sterling, Stephanie van den Berg et Anthony Deutsch

La HAYE (Reuters) - Ratko Mladic, l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, a été déclaré mercredi coupable de génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et condamné à la réclusion à perpétuité pour son rôle dans les massacres et le nettoyage ethnique durant la guerre de Bosnie (1992-1995).

Le ministère public avait requis la réclusion criminelle à perpétuité contre l'ancien chef militaire, âgé de 74 ans, dont le procès a commencé en 2011 après son arrestation en Serbie.

Ratko Mladic avait plaidé non coupable pour les onze chefs d'accusation retenus contre lui.

Son avocat a annoncé qu'il ferait appel.

"Il est certain que nous ferons appel et que cet appel sera couronné de succès", a déclaré Dragan Ivetic aux journalistes.

Dans la lecture des attendus de sa décision, le TPIY a estimé que Ratko Mladic avait "contribué de façon importante" au génocide commis en 1995 à Srebrenica, où 8.000 musulmans furent tués.

Le tribunal a également déclaré Ratko Mladic coupable d'avoir "personnellement" dirigé le bombardement de Sarajevo, capitale de la Bosnie et d'avoir cherché à chasser les musulmans et les Croates du territoire bosniaque.

Il s'agit du dernier verdict prononcé par le tribunal mis en place par les Nations unies en 1993 et qui disparaîtra le 31 décembre après avoir mis en accusation 161 personnes pour des crimes de guerre commis dans les Balkans.

Ratko Mladic a été poussé hors de la salle quelques minutes avant la lecture de la sentence car il avait crié: "Ce ne sont que des mensonges, vous êtes tous des menteurs !".

La séance avait auparavant été suspendue quelques minutes pour permettre de vérifier la tension de l'accusé.

"QUINTESSENCE DU MAL"

Le tribunal a reconnu Mladic coupable de dix des onze charges retenues contre lui, concernant notamment le massacre de 8.000 musulmans, hommes et adolescents, dans l'enclave de Srebrenica, ainsi que le siège de Sarajevo, capitale de la Bosnie, qui a duré 43 mois et a coûté la vie à plus de 11.000 personnes.

"Les crimes commis se rangent parmi les plus haineux connus dans l'humanité, et incluent le génocide et l'extermination, des crimes contre l'humanité", a déclaré le juge Alphons Orie, qui présidait la séance.

"Beaucoup de ces hommes et garçons ont été maudits, insultés, menacés, forcés à chanter des chansons serbes et frappés en attendant d'être exécutés", a-t-il ajouté.

La Commission internationale pour les personnes disparues (ICMP) a identifié jusqu'à présent les restes de quelque 6.900 personnes tuées à Srebrenica grâce à des analyses ADN.

Le haut commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, Zeid Ra'ad al Hussein, a présenté dans un communiqué Ratko Mladic comme "la quintessence du mal" et a salué sa condamnation comme "une victoire capitale de la justice".

"Ce verdict est un avertissement aux auteurs de tels crimes: ils n'échapperont pas à la justice, aussi puissants soient-ils, et quel que soit le temps qu'il faudra. Ils devront rendre des comptes", a-t-il dit dans un communiqué.

BELGRADE VEUT "REGARDER VERS L'AVENIR"

D'après le procureur du TPIY, Serge Brammertz, Ratko Mladic a été l'architecte de la politique de nettoyage ethnique dans plusieurs villes de Bosnie et doit être considéré comme le principal responsable du "génocide de Srebrenica" et du bombardement de la ville de Sarajevo entre 1992 et 1995.

L'ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, 72 ans, a pour sa part été condamné en mars 2016 par le TPIY à quarante ans de prison et a également fait appel. Il avait été arrêté en 2008.

Le président serbe Aleksandar Vucic a déclaré que la Serbie "respecte les victimes". Il a également souhaité regarder vers l'avenir, alors que Belgrade cherche aujourd'hui à se rapprocher de l'Union européenne.

"J'aimerais appeler tout le monde (dans la région) à commencer à regarder vers l'avenir et à ne pas se noyer dans les larmes du passé", a-t-il dit. "Nous avons besoin de regarder vers l'avenir (...) afin que nous ayons enfin un pays stable."

Le Premier ministre bosniaque, Denis Zvizdic, a dit espérer que "ceux qui cherchent de nouvelles divisions et de nouveaux conflits liront attentivement le verdict rendu aujourd'hui (...) au cas où ils ne seraient toujours pas prêts à affronter leur passé".

Il faisait allusion au séparatisme qui perdure au sein de la République serbe de Bosnie, l'une des deux entités constituant la Bosnie-Herzégovine avec la Fédération croao-musulmane.

Dans leur appel, les avocats de Mladic comptent arguer que les Serbes de Bosnie ont été les victimes d'un référendum d'autodétermination en 1992 (qui a débouché sur l'indépendance de la Bosnie) et ont fait la guerre en état de "légitime défense".

Le fils de Ratko Mladic, Darko, a quant à lui accusé devant la presse le TPIY de partialité envers les Serbes. Sur les 161 personnes inculpées par le tribunal international, 83 ont été condamnées, dont plus de 60 étaient serbes de souche.

(Avec Ivana Sekularac; Danielle Rouquié, Guy Kerivel et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)