Pénurie de carburants : comment fonctionnent les réquisitions ?

Blocage de la raffinerie de Fos-sur-Mer (Photo by Nicolas TUCAT / AFP) (Photo by NICOLAS TUCAT/AFP via Getty Images)
Blocage de la raffinerie de Fos-sur-Mer (Photo by Nicolas TUCAT / AFP) (Photo by NICOLAS TUCAT/AFP via Getty Images)

Face à la pénurie de carburants dans certaines régions, le gouvernement a recours à la réquisition du personnel. Une démarche très encadrée.

Le gouvernement a décidé de taper du poing sur la table. Alors que la grève dans les raffineries se poursuit et s'étend, la situation devient parfois critique dans les stations-services. Pour tenter de sortir de la crise, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a annoncé la réquisition des personnels indispensables au fonctionnement du dépôt d'ExxonMobil à Port-Jérome en Normandie.

Une méthode qui suscite la colère des syndicats, la CGT la jugeant "illégale", et qui a poussé les raffineurs de Donge à entrer dans le mouvement de grève, pour protester contre la réquisition du personnel. Une démarche très encadrée, qui finit souvent devant les tribunaux.

La sécurité publique évoquée comme raison de la réquisition

La réquisition des personnels est permise par l'article L 2215-1 du code général des collectivités territoriales, qui laisse la possibilité aux préfets de "réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire (…) en cas d’urgence lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige".

Un article dégainé fréquemment lors des pénuries de carburant, comme en 1996, 1997, ou encore en 2010, mais très délicat à utiliser, les syndicats évoquant une atteinte au droit de grève. En 2010 par exemple, alors que le gouvernement tente une réforme des retraites qui déclenche des grèves dans plusieurs secteurs, sur ordre du gouvernement de Nicolas Sarkozy, les préfets lancent des réquisitions.

En 2010, des réquisitions jugées illégales

Mais les arrêtés sont contestés en justice, et certains sont cassés. À Melun par exemple, le tribunal administratif estime qu'en "réquisitionnant la quasi-totalité du personnel de la raffinerie Total de Grandpuits en vue non seulement d’alimenter en carburants les véhicules prioritaires, mais également de fournir en produits pétroliers de toute nature l’ensemble des clients de la raffinerie", et non d’assurer uniquement "le service minimum", le préfet avait porté une "atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève". À l'inverse, d'autres arrêtés préfectoraux avaient été validés par la justice.

En octobre 2010, le Conseil d'État précise les modalités des réquisitions. un tel arrêté doit se limiter aux strictes "équipes nécessaires" à la reprise d’activité permettant le maintien de l’ordre public. Dans son arrêté, le conseil d'État ajoute que le juge apprécie, pour valider un arrêté, l’exhaustivité des conditions de réquisition du préfet : "les motifs de la réquisition, sa durée, les prestations requises, les effectifs requis ainsi que leur répartition".

L'arrêté doit justifier l'atteinte à l'ordre public

L’atteinte à l’ordre public doit être enfin finement justifiée : en l’espèce, les grèves menaçaient "la sécurité aérienne" à l’aéroport de Roissy et le "ravitaillement des véhicules de services publics et de services de première nécessité".

À la raffinerie d'ExxonMobil de Port-Jérôme-Gravenchon, en Normandie, le coordinateur syndical FO envisage d'aller en justice si l'arrêté préfectoral porte atteinte au droit de grève. Des réquisitions qui sont déjà en place dans les raffineries en grève, comme à Fos-sur-Mer. "On a des réquisitions préfectorales qui nous demandent d'assurer la sécurité des installations puisque on a encore des bacs qui sont pleins et en cas de sinistre, on doit être à même d'avoir le personnel nécessaire pour intervenir", explique à France Info Lionel Albiol, responsable CGT de la raffinerie. Si l'arrêté de réquisition est pris en bonne et due forme, un salarié peut toujours éviter la reprise du travail en bénéficiant d'un arrêt maladie. Une possibilité de contournement qu'a lui-même reconnu Olivier Véran.

VIDÉO - Pénurie de carburant : La CGT et Force Ouvrière ne cèdent pas au « chantage »