Blagues graveleuses, discrimination, harcèlement... Bienvenue dans le monde des hôtesses d'accueil
Avec le hashtag #PasTaPotiche, les hôtesses d’accueil font leur #MeToo et dénoncent le sexisme, les discriminations et des conditions de travail dégradantes liées à ce métier.
Tout est parti du Tour de France, cet été. Depuis des années, à chaque fin d’étape, des hôtesses font la bise aux vainqueurs, sur le podium. Une “tradition sexiste” dénoncée par des militantes féministes, qui donne lieu à une pétition qui récolte plus de 30 000 signatures.
Une polémique qui sert de déclic, dans la tête d’Alice*. Hôtesse depuis plusieurs années, elle décide de lancer le #PasTaPotiche sur Twitter. “On nous prend pour des potiches. Je n’ai pas signé pour faire plante verte et passer mon temps à ce qu’on me demande mon numéro”.
Le #MeToo des hôtesses d’accueil
Alice commence à raconter son quotidien d’hôtesse. “Parfois, j’ai l’impression d’être hôtesse pour attirer le regard des hommes c’est très dégradant”. À la suite de ces messages, les réactions s’enchaînent. “Je me suis pris un torrent d’insultes, on me disait que je mentais, j’ai alors compris qu’il y avait besoin de libérer la parole dans ce milieu encore très conservateur et de ne pas en parler qu’entre hôtesses”.
À la manière de #MeToo, des dizaines d’hôtesses ont, depuis, livré leur témoignage, anonymement, sous le hashtag #PasTaPotiche et racontent la discrimination, les conditions de travail difficiles, les blagues graveleuses, voire les attouchements.
[2/2] A côté de mon stand se trouvait un canapé produit par l'entreprise avec un panneau "essayez moi". J'ai arrêté de compter les "c'est vous qu'il faut essayer mademoiselle?" (venant d'hommes, bien entendu...).
— #PasTaPotiche (@PasTaPotiche) August 5, 2019
Une caméra bricolée pour filmer sous les jupes
Les salons automobiles sont, selon les témoignages récoltés par Alice, parmi les événements les plus compliqués pour les hôtesses. “C’est un milieu qui est connu pour les remarques sexistes. C’est pour cela que je n’ai jamais voulu y travailler, je n’arriverais pas à garder mon calme”, nous confie-t-elle.
Sous le #PasTaPotiche, plusieurs hôtesses témoignent, anonymement, de leurs expériences au sein de ces salons autos.
Témoignage n°9 :
Filmée sous ma jupe quand j’ai fait hôtesse au salon de l’automobile, le type avait bricolé une caméra dans son attaché-case.— #PasTaPotiche (@PasTaPotiche) July 31, 2019
L’un des salons où les gens ont banalisé les attouchements sexuels. Personne ne pipe mot https://t.co/T4AP7H4OLr
— Queen_Serere (@QueenSerere) August 1, 2019
À cela s’ajoute des réflexions quasi-quotidiennes. “Une hôtesse positionnée à côté d’une voiture entendra souvent ‘vous êtes vendue avec ?’”, ajoute Alice. “Ils savent que l’on doit rester polies, sourire, donc c’est délicat pour une hôtesse d’éconduire. Et certains en profitent”.
“Le milieu sportif ? La drague lourde, les mains aux fesses”
Mais le salon de l’Automobile est loin d’être un cas isolé. Monde de l’entreprise, milieu sportif, concerts, les témoignages d’hôtesses concernent l’ensemble des milieux.
En 6 ans, Alice a été hôtesse dans plusieurs de ces domaines. “Le milieu sportif, c’est souvent la drague, lourde, et les mains aux fesses. J’ai été victime d’une agression sexuelle par un grand patron, dans le milieu du sport. Lors d’un événement, il m’a touché les seins, m’a obligée à danser. Je l’ai signalé à mon agence. On m’a répondu que cette personne s’en était déjà prise à d’autres hôtesses, mais qu’on ne pouvait rien faire car c’était un ‘gros contrat’”.
J’ai eu le même style à un match de foot, on avait changer de tenue et un mec vient me dire : « oh ces tenues sont mieux elles moulent mieux votre poitrine » je suis resté tellement choquée que j’ai rien pu dire 1/2
— A D E L I N E (@AdelineJulien) August 16, 2019
Au harcèlement, aux blagues douteuses et aux agressions sexuelles, s’ajoutent des problèmes de discrimination, comme le révèlent anonymement des hôtesses.
Témoignage n°5 :
"- Mélanie, viens ici, c'est quoi ce bordel ? Pourquoi tu lui as proposé un entretien ?
- Heu je. Bon profil. Anglais parfait.
- Tu ne vois pas le problème ? Elle ne voit pas le problème ! Bon dieu ! Elle est noire ! On ne va pas recruter une noire !"— #PasTaPotiche (@PasTaPotiche) July 29, 2019
Discrimination et mépris social
Des hôtesses dénoncent également le mépris social de leur profession, dont elles sont victimes.
Témoignage n°4 :
L'épouse d'un cadre s'approche de moi avec sa fille et lui dit en me montrant "tu vois, si tu ne travailles pas bien à l'école tu devras faire comme la dame"
C'était pour financer mon master mais forcément, "assez mignonne pour être hôtesse" ="pas très futée"— #PasTaPotiche (@PasTaPotiche) July 29, 2019
Témoignage n°6 :
Dans un cabinet de gestion de patrimoine
- Je pensais vous inviter à dîner.
- Non merci.
- Hahaha. Je viens de me prendre un vent par une hôtesse. Tu penses vraiment que tu trouveras mieux que moi ?— #PasTaPotiche (@PasTaPotiche) July 30, 2019
Après la multiplication des témoignages, Alice lance une pétition, qui s’adresse directement à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
En une semaine, le texte dépasse les 20 000 signatures. “C’est l’un des derniers métiers avec une si forte trace du patriarcat”, dénonce Alice qui demande à la ministre du Travail de “mettre fin au sexisme récurrent” dans la profession. Ni Muriel Pénicaud, ni le gouvernement n’ont encore réagi à cette pétition.
* Le prénom a été modifié