Le passage de Jean Rottner dans le privé suscite une vague de critiques

L’ex-président LR de la région Grand-Est va rejoindre le promoteur immobilier Réalités.

POLITIQUE - Un « pantouflage » qui ne passe pas. La nomination prochaine de Jean Rottner au sein du cabinet de conseil et promoteur immobilier Réalités suscite une pluie de critiques chez les élus locaux, la démission de l’ancien président de la région Grand-Est étant effective depuis ce vendredi 30 décembre.

Certains conseillers régionaux pointent en particulier un risque de conflit d’intérêts, tandis que d’autres y voient une atteinte à la ligne politique de la région et à la sincérité du scrutin régional de juin 2021. « Cette annonce vient un peu vite, ce qui laisse penser que c’était déjà conclu depuis un certain temps », a réagi auprès de l’AFP Eliane Romani, cheffe de file du groupe écologiste. Jean Rottner « utilise le réseau qu’il a acquis dans ses fonctions publiques pour aller servir une organisation privée qui a des rapports avec les collectivités, c’est une définition du pantouflage », a-t-elle complété.

« Il part avec une quantité de données territoriales importante », s’est inquiété Christophe Choserot (Renaissance), membre du groupe centriste et maire de Maxéville (Meurthe-et-Moselle). « On était en pleine révision du Sradet (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) il sait exactement quelles vont être les modifications de ce schéma, quels sont les atouts et les difficultés des territoires, ce n’est pas rien ».

« Qui est mieux placé qu’un président de région pour faire du conseil et de l’accompagnement territorial ? », s’est-il interrogé. « Peut-être qu’un jour en tant que maire, je vais le recevoir pour tel ou tel projet, c’est troublant », a-t-il souligné.

« La prise d’une telle position ne se fait pas sans l’accord de la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique) », répond Jean Rottner à l’AFP. « Elle se chargera elle-même de publier son avis ».

« Amer »

« On ne connaissait pas trop les raisons de son départ, maintenant on sait », a ironisé Michaël Weber (PS) : « Il avait une opportunité professionnelle avec un meilleur salaire et sans doute moins d’emmerdements ». Le maire de Woelfling-lès-Sarreguemines (Moselle) se dit « amer » de voir Jean Rottner quitter ses fonctions « 18 mois seulement après son élection », pour un mandat qui courrait normalement jusqu’en 2028. « Je pense que quand on a un engagement politique, on le mène jusqu’au bout, on ne trompe pas les électeurs ».

Le 13 janvier prochain, le Conseil régional élira son nouveau président : Franck Leroy (Horizons), maire d’Epernay (Marne) et membre du groupe majoritaire, fait figure de favori.

« C’est un problème », a estimé de son côté Laurent Jacobelli (Rassemblement national). « Les gens votent mais ne sont pas sûrs du président et de la politique qu’ils auront », pointant le fait que Jean Rottner et Franck Leroy ne sont pas issus du même parti. « Jean Rottner était dans une position d’opposition à Emmanuel Macron, et on va se retrouver avec un Franck Leroy pro-macroniste. Tout ceci laisse un sentiment brouillon, un sentiment d’opportunisme permanent qui pose problème dans une région qui a toujours du mal à se définir ».

« Impératifs familiaux »

Le 20 décembre, Jean Rottner (LR), également président de la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU), avait annoncé qu’il quittait la vie publique et se retirait de « l’ensemble de [ses] mandats » en raison « d’impératifs familiaux ». Ce vendredi, le cabinet Réalité a annoncé « l’ouverture à l’été 2023 de sa direction régionale Grand-Est », qui « sera dirigée par Jean Rottner».

Cotée en bourse, la société Réalités se présente comme « un groupe de développement territorial », menant des projets immobiliers comme l’extension du stade Bauer à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), avec la Banque des territoires, ou l’aménagement d’un nouveau quartier à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).

Sollicitée par l’AFP, Valérie Debord (LR), cheffe du groupe majoritaire au conseil régional, n’a pas souhaité réagir à la polémique. « Je suis ravie pour lui (Jean Rottner), et je lui souhaite beaucoup de réussite », a-t-elle simplement déclaré.

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