Le Parti communiste français, emmené par Fabien Roussel, est-il en train de se détacher de la Nupes ?

Le premier secrétaire du PS Olivier Faure, la secrétaire nationale d’EELV Marine Tondelier, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel et le député LFI Francois Ruffin  lors d’un meeting de la NUPES le 17 janvier 2023.
THOMAS SAMSON / AFP

POLITIQUE - Septembre 2022, base militaire de Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne. Sur la scène de l’Agora de la Fête de l’Huma’, la Nupes fête ses quatre mois d’existence. Le patron des lieux, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel débat avec ses homologues socialiste, Olivier Faure, Julien Bayou, encore secrétaire national d’EELV et Mathilde Panot, membre de la direction LFI et présidente du groupe de l’Assemblée nationale sur le thème « La gauche est-elle prête à conquérir le pouvoir ? ». Ce dimanche 17 septembre, l’alliance a seize mois et sur la même scène, Fabien Roussel a rendez-vous... avec Édouard Philippe, candidat putatif à la succession d’Emmanuel Macron.

Ce 15 septembre, auprès de Libération, l’homme de gauche préféré de la droite qui a déjà annoncé que le PCF conduirait une liste autonome aux élections européennes de juin 2024 pousse le curseur de la désunion un peu plus loin. Le trublion dit « non » à une liste commune de la Nupes à la présidentielle de 2027 en ces termes. « Je demande le droit de défendre un tel projet à la présidentielle avec toutes celles et ceux qui le souhaitent. Pour l’instant, je l’incarne et je souhaite le porter.

La dernière fois que les quatre dirigeants de gauche ont été vus côte à côte, c’était le 30 août dernier, devant le lycée de la Légion d’honneur où ils s’apprêtaient à participer aux rencontres de Saint-Denis sous la houlette d’Emmanuel Macron. Fabien Roussel se tenait à l’écart, en retrait, comme détaché. Il n’a pas signé, au nom du PCF, la liste de 14 propositions communes de la Nupes à Emmanuel Macron. Et il est reparti seul, à 3h du matin, quand Marine Tondelier, Olivier Faure et Manuel Bompard ont fait une déclaration commune à la presse, avant de quitter les lieux, ensemble. La séquence résume un an de relation, avec plus de bas que de hauts, entre Fabien Roussel et la Nupes.

Un absent de plus en plus visible...

Le 24 juillet, alors qu’un communiqué de la Nupes est publié pour condamner les propos de Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, sur la juridiction d’exception pour les forces de l’ordre, la signature du PCF manque à côté de celle de La France insoumise, d’Europe Écologie - Les Verts et du Parti socialiste. Auprès de Libération, la direction du parti minimise l’absence et évoque une question de timing. Mais impossible de nier les divergences publiques, qui opposent Fabien Roussel à ses alliés.

Les plus récurrentes sont avec La France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon. Le 4 juillet, pendant les émeutes urbaines en lien avec la mort d’un adolescent tué par un tir policier, Fabien Roussel se « désolidarise totalement » des insoumis qui refusent d’appeler « au calme » et qui « ont légitimé cette violence », déclare-t-il sur France 2. Pendant la campagne des élections législatives de juin 2022, il avait déjà dénoncé les « propos inacceptables » de Jean-Luc Mélenchon sur « la police (qui) tue ». En mai 2021, le communiste avait participé à la marche des policiers en hommage à un collègue tué sur le terrain, quand Jean-Luc Mélenchon y voyait « une opération d’intimidation de la Justice ».

Ce jeudi 14 septembre, ce sont les insoumis qui ont pris leurs distances avec l’appel de Fabien Roussel à « envahir les préfectures » contre l’inflation. « Cette initiative violente est purement personnelle. Elle n’a été discutée nulle part, pas même au PCF. Je crois donc qu’il ne serait pas raisonnable de s’y associer », écrit Jean-Luc Mélenchon. Le député Antoine Léaument renchérit : « C’est vrai que cette proposition de Roussel est étrange alors que plus de 100 organisations appellent à se mobiliser pour la justice sociale le 23 septembre », écrit-il sur X (ex-Twitter). La critique est sous entendue : le PCF a jusqu’à présent refuser de s’associer à cette marche que la France insoumise relaie depuis le 1er septembre. Dans son discours aux Universités d’été du PCF le 26 août, le communiste en chef a appelé « à manifester massivement, lors de la journée de mobilisation et de grève de l’intersyndicale le 13 octobre. » « Nous voulons mettre toutes nos forces dans cette date », assure-t-il, sans mentionner la date du 23 septembre.

Au sein de la Nupes, les critiques incessantes du communiste vis-à-vis d’un allié agacent. « Les désaccords à gauche existent et doivent se régler dans le cadre unitaire », tance le député socialiste Jérôme Guedj sur X le 8 juillet, après une nouvelle sortie de Fabien Roussel sur LFI. Dans les rangs insoumis, beaucoup s’interrogent sur les ambitions du PCF.

Le 7 avril, trois jours après un entretien de Fabien Roussel à L’Express dans lequel il juge la Nupes « dépassée », Manuel Bompard réclame des « clarifications ». La « volonté de rupture avec la Nupes » de Fabien Roussel « est-elle la position du Parti communiste français désormais ? », interroge-t-il dans une lettre.

Le communiste calme le jeu et assure le 6 mai dans une déclaration à l’AFP qu’il n’a pas l’intention de quitter la Nupes. Ce qui ne l’empêche pas de défendre le principe d’une liste autonome aux élections européennes (comme EELV) et de continuer ses remarques peu enthousiastes sur l’alliance. « À celles et ceux qui m’interrogent sur la gauche, la coalition des forces de gauche au sein de la NUPES, je dis une chose simple : quand la gauche est plus préoccupée par le bruit qu’elle fait que par les solutions à construire, les Français et les Françaises s’en détournent », déclare-t-il par exemple depuis ses Universités d’été le 26 août.

À la fête de l’Huma, le PCF en solo

C’est dans cette ambiance que s’ouvre la fête de l’Humanité ce week-end du 15 au 17 septembre , à mille lieux de l’esprit rassembleur qui régnait juste après la création de la Nupes. Dans l’entourage de Fabien Roussel, on assume auprès du HuffPost le choix d’Édouard Philippe, « personnalité préférée de la droite qui va débattre avec la personnalité préférée de la gauche », et le fait de limiter les échanges publics avec les cadres de la gauche. « À quelques mois des élections européennes, je ne suis pas persuadé qu’on ait, les uns et les autres, intérêt à donner le spectacle de nos divisions », ajoute Ian Brossat, porte-parole du parti.

Le nom d’Olivier Faure est le seul à être mentionné dans le livret, dans le cadre d’un débat avec Ian Brossat. Marine Tondelier et Manuel Bompard n’y figurent pas, mais l’entourage du numéro 1 communiste assure que tous ont été invités au discours d’introduction du Fabien Roussel. Viendra qui veut. Service plus que minimum.

Jean-Luc Mélenchon, artisan de l’alliance, qui un an auparavant a renoué avec l’évènement communiste après six ans de boycott, sera lui présent, mais à côté de la scène. Il est l’invité de l’émission « Backseat » sur la plateforme Twitch, le vendredi 15 à 18h et son nom ne figure pas dans la programmation officielle. La Nupes va-t-elle tenir ? Tous pourront en tout cas s’inspirer dimanche de la table ronde de 10 heures avec l’historien communiste Roger Martelli autour de son dernier livre paru le 10 septembre. Son titre : « Pourquoi la gauche a perdu et comment elle peut gagner ».

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