« Les Parisiens ont peur, c’est bien » : on a suivi le début du « siège de Paris » avec les agriculteurs sur l’A6

BLOCAGES - Il était encore, ce lundi 29 janvier, des milliers d’agriculteurs mobilisés en France. Et c’est autour de Paris que la pression s’est accentuée, comme vous pouvez le voir dans notre reportage en tête de cet article, réalisé sur l’autoroute A6.

Ce sont en tout plus d’un millier d’agriculteurs en colère qui ont bloqué en milieu de journée les autoroutes reliant la capitale française au reste du pays. Tout autour de Paris, des portions d’autoroutes ont été fermées à la circulation à quelques dizaines de kilomètres de la capitale. Paris elle-même, en revanche, n’est pas bloquée pour le moment, de même que le marché de Rungis ou les accès aux aéroports.

Organisation poussée

À une trentaine de kilomètres à l’est de la capitale, à Jossigny (Seine-et-Marne), l’A4 a été bloquée avec une organisation poussée. Camions frigorifiques, groupes électrogènes, citernes d’eau et toilette de chantier : le groupe de manifestants s’est donné les moyens de tenir pendant au moins trois jours. Une vingtaine d’entre eux a prévu de passer la nuit dans un semi-remorque au plancher recouvert de paille. « On a tous envie de retourner auprès de nos cultures et de nos animaux. On n’a pas envie d’embêter nos concitoyens » assure Samuel Vandaele, secrétaire général de la FDSEA 77 et ex-président des JA.

À l’ouest, l’autoroute A13, qui relie la Normandie à Paris, est fermée dans les deux sens vers la gare de péage de Buchelay, dans les Yvelines. Les agriculteurs se sont organisés pour tenir jusqu’à jeudi, avec tours de garde et renforts prévus mardi. L’A6, au sud de Paris, et l’A1, au nord, sont aussi coupées, dans ce dernier cas à quelques encablures de l’aéroport Paris-CDG. Même mot d’ordre : les agriculteurs dormiront sur place « le temps qu’il faudra », selon le vice-président de la FNSEA, Luc Smessaert.

Pendant ce temps-là, le gouvernement laisse faire et encadre les manifestants, mais veut empêcher que les tracteurs n’entrent dans « Paris et les grandes villes ». Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a continué à demander de la « modération » aux autorités face au mouvement.

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Selon une source policière qui s’est exprimée auprès de l’AFP, « les blocages autour de Paris comptent un millier d’agriculteurs et un peu plus de 500 engins » : « l’objectif de tenir jusqu’à vendredi est manifeste », précise-t-elle.

Centre de toutes les attentions, le marché de gros de Rungis, poumon alimentaire de Paris, est protégé par des blindés de la gendarmerie. C’est pourtant la destination annoncée d’une trentaine de tracteurs qui ont pris la route lundi matin depuis Agen, à l’appel du syndicat Coordination rurale. Ceux-ci n’arriveront pas avant mardi soir ou mercredi.

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Des « mesures » attendues

Une mobilisation persistante que le gouvernement souhaite calmer avec de « nouvelles mesures [qui] seront prises dès demain », a annoncé la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot dans la journée de lundi. Le chef du gouvernement, Gabriel Attal, a reçu pendant plusieurs heures dans la soirée le président du premier syndicat agricole français FNSEA, Arnaud Rousseau, et son homologue du syndicat allié Jeunes agriculteurs (JA) Arnaud Gaillot. Ils n’ont pas pris la parole à l’issue et n’étaient pas joignables par l’AFP.

Non convié, le syndicat minoritaire Confédération paysanne, de gauche, appelle les autres organisations à porter avec lui principalement « deux mesures » : « l’arrêt des accords de libre-échange et la suspension immédiate de toutes les négociations » et « l’interdiction formelle de l’achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient ».

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Gabriel Attal, qui doit faire sa déclaration de politique générale mardi 30 janvier à 15 heures à l’Assemblée nationale, avait dévoilé vendredi de premières mesures pour calmer la colère des agriculteurs. Parmi elles, des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique et l’abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR). Mais les manifestants qui restent mobilisés disent attendre autre chose que des « mesurettes ».

L’enjeu est loin d’être circonscrit au territoire national, les agriculteurs recevant l’essentiel de leurs subsides de l’Union européenne, via la PAC. L’Elysée a annoncé que le chef de l’Etat Emmanuel Macron allait s’entretenir avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen jeudi à Bruxelles de la crise du monde agricole et des mesures de soutien que les agriculteurs demandent au niveau de l’UE.

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