Paris 2024 : pourquoi ce livret des JO distribué aux élèves est un « pur scandale » pour ces enseignants

Paris 2024 : pourquoi ce livret des JO distribué aux élèves est un « pur scandale » pour les enseignants
Capture X @guislainedavid Paris 2024 : pourquoi ce livret des JO distribué aux élèves est un « pur scandale » pour les enseignants

ÉDUCATION - Le livret de la discorde. Une fois encore, le ministère de l’Éducation nationale et les écoles ne sont pas sur la même longueur d’onde, loin s’en faut. Les syndicats enseignants sont exaspérés alors que depuis le début de la semaine des établissements ont reçu par colis des livrets pédagogiques sur les Jeux olympiques, accompagné d’une pièce de deux euros.

Dans le cadre des JO de Paris, quatre millions d’élèves, scolarisés du CP au CM2, vont recevoir d’ici juin le livret accompagné d’une pièce commémorative de la Monnaie de Paris. Une opération du ministère de l’Éducation dont le coût est estimé à près de 16 millions d’euros. De quoi agacer le corps enseignant, alors que le gouvernement a annoncé cette semaine vouloir faire une économie de 10 milliards d’euros dans son budget.

Intitulé « au cœur des Jeux » et « conçu pour (leur) donner toutes les clés sur les Jeux olympiques et paralympiques » de la capitale, le fascicule a commencé à être livré cette semaine dans des écoles de la zone B (académie de Nantes et Aix-Marseille) qui n’est pas encore concernée par les vacances d’hiver.

Un livret « totalement inutile »

Dans ce livret d’une dizaine de pages, quatre sont consacrées à des textes écrits par Emmanuel Macron, Amélie Oudéa-Castera, la ministre des Sports, et Gabriel Attal lorsqu’il était ministre de l’Éducation. Le but est de « sensibiliser les élèves du primaire à l’événement historique que seront les Jeux Olympiques », explique-t-on au ministère. « Ce livret permettra aux élèves ainsi qu’à leurs professeurs de garder une trace de cet événement inédit, mais aussi de s’inscrire dans un héritage et un souvenir commun », selon la même source citée par l’AFP.

Le reste du contenu a une « visée pédagogique », assure le cabinet de la ministre de l’Éducation, Nicole Belloubet, contactée par Libération. On retrouve ainsi des jeux « pour devenir incollable » sur les JO de Paris, comme des mots croisés et des charades.

Mais pour Guislaine David, porte-parole du premier syndicat des écoles, le SnuiPP-FSU, ce fascicule ne sert à rien. « Ce livret est inutile d’un point de vue pédagogique », regrette-t-elle sur le plateau de BFMTV.

« Vous avez des charades et des mots croisés pour un enfant de CP comme pour un enfant de CM2, donc personne ne va les utiliser. On a des discours du président Macron qui ne sont pas adaptés aux enfants, donc on voit bien que c’est un objet de communication pour les parents et qui coûte cher à l’Éducation nationale », tance-t-elle.

Le prix de ces livrets, un « pur scandale »

Pour Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Unsa Éducation, cette initiative du gouvernement « va soulever beaucoup d’interrogations », surtout alors qu’« on nous demande de faire des économies fortes », explique-t-il au Parisien.

Guislaine David, qui évoque un « pur scandale », rappelle que « 10 % des élèves n’iront jamais à la piscine par manque d’infrastructures ou de moyen de transport ». Ainsi, à la place de ce livret, elle « aurait préféré que cet argent aille à l’ouverture de classes, au matériel pédagogique ou sur les salaires des profs ».

Pour Estelle Guyon, enseignante à Angers et représentante départementale SNUipp-FSU interrogée sur franceinfo, ces livrets représentent « une vraie problématique », entre « la monnaie elle-même, l’impression des livrets, la livraison » et « un envoi qui a dû coûter énormément ».

Deux euros, mais pas que

Et d’ailleurs, au-delà du prix de l’opération et du contenu du livret en lui-même, un autre aspect dérange les syndicats enseignants : la pièce de deux euros. Guislaine David rappelle que, d’une part, l’argent liquide est interdit pour les élèves dans les écoles « car c’est source de discorde ». Le fait que ce soit les professeurs eux-mêmes qui leur donnent la pièce n’enverrait pas non plus le bon message.

D’autre part, ces deux euros peuvent soulever un problème d’« ordre social ». « Pour certains, il s’agira bien d’un souvenir des JO mais pour d’autres, elle aura une utilité différente car une pièce de 2 euros n’a pas la même valeur pour tous les élèves. »

Enfin, selon elle, certains professeurs auraient déjà distribué les fascicules, craignant d’être cambriolé en stockant un trop grand nombre d’entre eux. D’autres encore pourraient ne pas du tout les distribuer pour marquer leur désaccord, précise-t-elle à 20 Minutes.

Le ministère se défend face à la grogne

Interrogé par BFMTV, le ministère de l’Éducation nationale a défendu son initiative, assurant en premier lieu que les coupes budgétaires du gouvernement n’impacteront le budget de l’éducation que de 1 % car « c’est un des [ministère] moins impactés ».

Et d’ajouter que « cela n’aura pas d’impact sur les recrutements et les réformes engagées qui supposent de tels recrutements ». Il précise également que l’organisation de ces kits « était prévue de longue date afin que tous puissent avoir le livret, au bon moment ».

Quant à l’aspect éducatif, les proches de la ministre soulignent que le livret sera « complété par des ressources pédagogiques actualisées sur le site Éduscol » et que le lancement officiel de l’opération sera « probablement » accompagné d’un « déplacement d’Emmanuel Macron », selon BFMTV.

Le ministère de l’Éducation nationale explique par ailleurs s’être inspiré d’une « opération similaire » qui avait été lancée en 1989 par François Mitterrand, président de l’époque, pour célébrer le bicentenaire de la Révolution française. Un livret et une pièce commémorative de 1 franc avaient alors été remis à chaque élève de CM2.

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