En 2018 et alors âgé de 91 ans, le pape émérite Benoît XVI se préparait à la mort. "Dans le lent dépérissement de ma force physique, intérieurement, je suis en pèlerinage vers la Maison du Seigneur ", avait-il écrit dans une lettre adressée au journal italien le Corriere della Sera. Joseph Ratzinger n’est plus. Il est décédé à 95 ans, a-t-on appris ce 31 décembre 2022.

Joseph Aloisius Ratzinger voit le jour le 16 avril 1927 à Marktl, un village de Haute-Bavière (Allemagne). Son père est officier de gendarmerie. Ses parents sont farouchement opposés au nazisme. Le petit Joseph suit une scolarité classique à Aschau am Inn.

Issu d’une famille catholique, Joseph Aloisius Ratzinger (1er rang, 6ème depuis la gauche) est le dernier d’une fratrie de trois. Il a une sœur, Maria, et un frère, Georg, qui sera également prêtre. Le futur pape fait sa première communion, en 1935, et n’a encore aucune idée du destin extraordinaire qui l’attend.

À l’école, Joseph Ratzinger apprend le latin, le grec, la littérature et l’histoire. À la maison, il apprend à se méfier de l’avènement du Troisième Reich et de la montée du nazisme. Alors âgé de 12 ans, il entre au Petit séminaire de Traunstein, une petite ville allemande située entre Munich et la ville autrichienne de Salzbourg.

En 1941, Joseph Ratzinger est enrôlé de force dans les jeunesses hitlériennes. Farouchement opposé au régime nazi et souhaitant entrer au séminaire, il refuse d’intégrer la Waffen-SS. Lors de son service militaire, il est affecté à la Wehrmacht qu’il déserte dès l’annonce du suicide d’Adolf Hitler. Une décision qui lui vaut d’être interné, pendant 6 semaines, dans un camp de prisonniers.

Après la guerre, Joseph Ratzinger entre au séminaire où il perfectionne ses connaissances en philosophie et se concentre, en particulier, sur l’étude de la Bible et la liturgie. Il est ordonné prêtre en 1951, en même temps que son frère. En 1977, il est nommé archevêque de Munich et Freising puis cardinal-prêtre par le pape Paul VI. Son ascension au sein de l’église catholique est en route.

Lorsqu’en 1978, Albino Luciani devient le pape Jean-Paul 1er (dont le pontificat ne dure que 33 jours et 6 heures), il nomme Joseph Ratzinger "envoyé spécial" au IIIème Congrès mariologique international, qui se tient en Équateur.

En 1981, Joseph Ratzinger quitte l’archidiocèse de Munich et Freising. Il vient d’être nommé, par Jean-Paul II, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi et président de la Commission biblique pontificale ainsi que de la Commission théologique internationale.

Joseph Ratzinger a tissé des liens forts avec le pape d’origine polonaise, qu’il a connu alors qu’il était encore le cardinal Karol Wojtyła. Ce dernier le consulte régulièrement, notamment en 1983, lors de la révision du Code de droit canonique, qui intègre notamment les changements apportés par le concile Vatican II.

Sous le pontificat de Jean-Paul II, la carrière ecclésiastique de Joseph Ratzinger s’accélère. Il est promu cardinal-évêque et se voit confier le diocèse suburbicaire de Velletri-Segni, l’un des plus proches de Rome. En 2002, il est élu doyen du Collège des cardinaux et devient par la même occasion évêque suburbicaire d’Ostie.

Lorsque le 2 avril 2005, s’éteint le pape Jean-Paul II, le cardinal Joseph Ratzinger fait figure de favoris à sa succession. Comme l’explique le journaliste du Monde, Henri Tincq, cet "homme autoritaire, réputé d'une orthodoxie assez sévère (…) représente une sorte de continuité après Jean Paul II et aussi une sorte de sécurité pour les cardinaux électeurs, un peu inexpérimentés".

Le 19 avril 2005 et après un très rapide conclave, la traditionnelle fumée blanche s’échappe du toit de la chapelle Sixtine pour annoncer l’élection du nouveau Souverain pontife. Le cardinal Ratzinger devient, à 78 ans, le 265ème pape et le premier d’origine germanique depuis le XVIème siècle.

Le cardinal Ratzinger choisit alors de s’appeler Benoît XVI notamment pour se "rattacher en esprit au vénéré pontife Benoît XV, qui a guidé l’Église au cours d'une période difficile en raison du premier conflit mondial". Il fait également référence à Benoît de Nursie, saint patron de l’Europe et fondateur de l’ordre des bénédictins.

Lors de son pontificat, Benoît XVI adopte des positions conservatrices et certains de ses propos vont susciter la polémique. Notamment en 2006, lorsqu’il cite un extrait de texte médiéval critique envers l’Islam. Le pape présente ses excuses quelques jours plus tard et indique que le sens véritable de son discours est "une invitation au dialogue franc et sincère, avec un grand respect réciproque."

À peine élu président de la République, Nicolas Sarkozy se rend, en 2007, au Vatican pour rencontrer le pape Benoît XVI. Une visite qui relance, en France, le débat sur la laïcité.

Le pape Benoît XVI prend des positions fortes concernant l’écologie. En 2007, il évoque "la terre maltraitée (…) en raison de l’utilisation abusive des ressources et de leur exploitation égoïste et sans aucune précaution". Il s’engage à ce que le Vatican montre l’exemple en devenant neutre en émission de carbone.

En avril 2008, Benoît XVI devient le 3ème pape à prendre la parole au siège des Nations unies, à New York. Dans son discours, il rappelle aux membres de l’ONU les principes fondamentaux inscrits dans les droits de l’Homme.

Lors des Journées mondiales de la jeunesse, qui se déroulent à Sydney en 2008, le pape demande pardon aux victimes d’abus sexuels commis par les prêtres. En 2011, il demande que les prêtres soupçonnés de tels actes soient présentés devant la justice du Vatican. En 2014, le Vatican révèle que 400 prêtres ont été défroqués au cours du pontificat de Benoît XVI, suite aux dénonciations.

En mai 2009, le pape prend une position géo-politique forte. Alors qu’il est en visite historique en Israël, Palestine et Jordanie, Benoît XVI déclare devant Mahmoud Abbas, le chef de l’autorité palestinienne, apporter son soutien à l’établissement "d’une patrie palestinienne souveraine".

Le 1er mai 2011, la foule s’est rassemblée nombreuse place Saint Pierre. Benoît XVI y célèbre la messe de béatification de son prédécesseur. Il est canonisé en 2014 et devient alors Saint Jean-Paul II.

En 2012 éclate le Vatileaks. Il s’agit de fuites de documents confidentiels révélant, entre autres, l’existence d’affaires de corruption, de népotisme et de favoritisme qui éclaboussent le Saint-Siège. Paolo Gabriele, le majordome du pape, est soupçonné d’être à l’origine de ces révélations. D’abord condamné, il est gracié par Benoît XVI en décembre de la même année.

En décembre 2012, le pape fait un pas vers la modernité en ouvrant le compte @pontifex sur Twitter tout en restant ancré sur ses positions conservatrices. Lors de ses vœux à la Curie, Benoît XVI réitère son opposition au mariage gay et à l’adoption homoparentale.

"Quand un pape en vient à reconnaître en toute clarté que, physiquement, psychiquement et spirituellement, il ne peut plus assumer la charge de son ministère, alors il a le droit et, selon les circonstances, le devoir de se retirer", avait-il confié, en 2010, dans l’ouvrage Lumière du monde. Le 11 février 2013, Benoît XVI annonce qu’il démissionne, après un pontificat de 8 ans.

L’Argentin Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, lui succède sous le nom de pape François. Le pape émérite Benoît XVI se retire alors au monastère Mater Ecclesiae, situé dans les jardins du Vatican. Son fidèle secrétaire particulier, Georg Gänswein, confiait dès 2016 que l’ancien pape était en "en train de s’éteindre comme une bougie, lentement et sereinement".

Depuis sa démission, Joseph Aloisius Ratzinger s'est fait très discret. La faute à une mauvaise santé, qui était d'ailleurs la raison de sa renonciation. En 2020, il avait développé un zona important sur le visage, après la mort de son frère, à qui il avait rendu visite en Allemagne. Il s'agissait alors de son premier voyage. l'étranger depuis 2013. Sa voix était alors à peine audible. En avril 2022, son secrétaire particulier affirmait qu'il était "de bonne humeur, mais "physiquement relativement faible et frêle, mais assez lucide". (Grzegorz Galazka\Mondadori Portfolio via Getty Images)

Début 2022, Benoît XVI était au cœur d'un rapport d'un cabinet allemand sur la pédophilie dans l'Église. Il lui était reproché d'avoir fermé les yeux dans quatre cas d'abus sexuels sur mineurs, lorsqu'il dirigeait son archevêché allemand dans les années 80. Reconnaissant une "grande faute", il réfutait toutefois les accusation d'inaction à son égard. "Je ne peux qu'exprimer, une fois encore, à l'égard de toutes les victimes d'abus sexuels ma profonde honte, ma grande douleur et ma demande sincère de pardon", écrivait-il ainsi dans un communiqué en février 2022. (Grzegorz Galazka\Mondadori via Getty Images)