Palmade, Poupette Kenza, Noël Le Graët… Comment passe-t-on d’un « signalement » à une enquête ?

French gendarmes look for an address to deliver a judicial convocation in Carbon-Blanc, on the outskirts of Bordeaux, southwestern France, on March 2, 2021. - Refusal to comply, increasing insults, new delinquency, judicialisation... In the suburbs of Bordeaux, a suburban gendarmerie force looks for answers to a changing territory and population: no longer a rural police, but not an urban police force yet. (Photo by Philippe LOPEZ / AFP)

FAITS-DIVERS. Dans le cas de Pierre Palmade, c’est un homme qui affirme que l’humoriste détient des images pédopornographiques. Dans l’affaire de l’influenceuse Poupette Kenza, des internautes qui s’inquiètent de possibles maltraitances à l’encontre de ses enfants et, dans l’enquête pour harcèlement moral et sexuel visant Noël Le Graët, une alerte de l’inspection générale de la jeunesse et des sports… Ces derniers temps, les « signalements » semblent le dénominateur commun à de nombreuses affaires judiciaires très médiatiques.

Contrairement à une plainte ou à une main courante déposées directement par la victime, on parle généralement dans le langage courant de « signalements » pour les informations parvenues aux policiers, gendarmes ou procureurs par une tierce personne, qui suspecte une infraction ou en a connaissance. « Mais il n’y a pas de définition juridique du signalement », souligne la colonelle Marie-Laure Pezant, porte-parole de la gendarmerie nationale, auprès du HuffPost.

Plusieurs canaux de signalement

Les signalements peuvent se faire via plusieurs canaux, à commencer par un contact direct avec la police, la gendarmerie ou le procureur de la République, par exemple par téléphone dans le cas de l’enquête visant Pierre Palmade pour les soupçons de pédopornographie. « Cela peut aussi être dans le cadre d’une patrouille, des habitants viennent nous dire : ’on a vu un camion bizarre tourner, on se demande s’il n’y a pas des repérages en vue d’un cambriolage », illustre Marie-Laure Pezant.

Le signalement peut aussi passer par l’une des plateformes spécialisée des forces de l’ordre (Pharos pour alerter sur certaines infractions en ligne ou la « brigade numérique » de la gendarmerie) ou encore se fonder sur l’article 40 du code de procédure pénale. Cet article oblige tout agent public ou élu à informer le procureur d’une infraction dont il a connaissance. C’est ce qu’a fait la cheffe de l’inspection générale de la jeunesse des sports après avoir entendu le témoigne de Sonia Souid accusant le président de la FFF.

Marge d’appréciation

Le signalement va faire l’objet d’une analyse à plusieurs niveaux. « Le premier réflexe des enquêteurs – et ils sont formés pour cela – va être de déterminer si les faits signalés relèvent bien d’une infraction pénale », pointe Marie-Laure Pezant. « Si ce n’est pas le cas, nous orienterons les personnes vers des partenaires, tels que la mairie ou les services sociaux, par exemple. »

Si le signalement entre bien dans le champ du code pénal, « l’officier de police judiciaire va essayer d’établir la fiabilité du signalement », explique Dylan Slama, avocat pénaliste au barreau de Paris. « À l’issue de cette première analyse, il décide de l’opportunité d’en référer au procureur, qui décidera alors s’il faut ouvrir une enquête ou non. »

Pendant toute cette phase d’analyse, le code de procédure pénale « laisse une marge d’appréciation assez large aux enquêteurs et aux magistrats pour décider des suites à donner », indique l’avocat au HuffPost. Les enquêteurs vont notamment s’appuyer sur leur expérience, évaluer le profil de la personne qui émet le signalement et celui de la personne mise en cause. Mais à ce stade, il n’est pas nécessaire de disposer d’indices pour poursuivre les investigations : « Il faut parfois une enquête pour conclure qu’il n’y avait pas de fait répréhensible », pointe Dylan Slama. Dans ce cas, l’auteur d’un signalement abusif s’expose à des poursuites pour dénonciation calomnieuse.

Priorités politiques

Autre élément pour décider d’enquêter après un signalement : les impulsions politiques. « Il y a régulièrement des consignes de politique pénale qui sont diffusées par circulaire par le ministre de l’Intérieur à destination des enquêteurs et son homologue de la Justice à destination des procureurs pour mettre l’accent sur la poursuite de tel ou tel type de délinquance, comme cela a pu être le cas sur les violences conjugales au cours des dernières années, par exemple », poursuit l’avocat. « Cela dépend aussi du contexte et de l’écho médiatique d’une affaire, qui peut avoir l’influence sur la rapidité de l’enquête. »

Au final, tous les signalements n’aboutissent pas nécessairement à l’ouverture d’une enquête. « Les enquêtes sont parfois retardées par le manque de moyen des forces de l’ordre et de la justice, mais je n’ai jamais vu, au cours de ma carrière, de signalement qui n’a pas donné lieu à des poursuites alors qu’il l’aurait mérité », observe Dylan Slama.

« La source humaine, pour nous, ça reste fondamental. Et les outils technologiques nous permettent de faciliter le contact avec les citoyens, au même titre que notre présence sur les marchés, par exemple », ajoute la porte-parole de la gendarmerie nationale. « Mais en cas d’urgence, en particulier lorsqu’une vie est en jeu, il faut toujours avoir le réflexe d’appeler le 17 », conclut Marie-Laure Pezant.

À voir également sur Le HuffPost :

Lire aussi