Ouverture du procès de l'ex-maire de Canteleu pour complicité de trafic de drogue

Le procès de l'ex-maire de Canteleu (Seine-Maritime) Mélanie Boulanger, jugée avec 18 autres prévenus pour un vaste trafic de drogue, s'est ouvert lundi pour un mois devant le tribunal correctionnel de Bobigny, un dossier éclairant sur l'emprise du deal à l'échelle d'une petite commune.

Fruit de deux ans d'enquête, le tentaculaire dossier Canteleu, commune populaire de 14.000 habitants de l'agglomération de Rouen, illustre l'enracinement et la puissance grandissants des narcotrafics dans des villes de petite et moyenne tailles en France, un phénomène dont s'inquiétait ce mois-ci encore un rapport du Sénat.

Veste blanche sur tenue noire, carré blond et lunettes rondes, l'ancienne maire de 47 ans, poursuivie pour complicité de trafic de drogue, est arrivée au tribunal de Bobigny le visage fermé, sans faire de déclaration à la presse. Elle s'est installée dans la salle à l'écart des autres prévenus.

À la lecture des chefs de prévention la visant, elle a d'une voix forte à nouveau démenti les faits: "je les réfute". Le président Jean-Baptiste Acchiardi l'a ensuite envoyée s'asseoir sur les bancs des trafiquants présumés. Ce qu'elle a fait à contrecoeur.

"Ma cliente attend que la justice lui soit rendue, que son honneur lui soit rendu. Cela fait des mois que son nom est jeté à la vindicte et en pâture au mépris de la présomption d'innocence", a déclaré aux nombreux journalistes son avocat, Me Arnaud de Saint-Rémy.

Des avocats de la défense ont demandé le renvoi du procès ou l'ajournement de l'audience le temps de purger des pourvois en cassation. Le tribunal s'est retiré pour délibérer vers midi et rendra sa décision à 14H00.

Aux côté de l'ancienne maire, la 13e chambre du tribunal de Bobigny juge pendant un mois les principaux acteurs présumés du réseau: les têtes, leurs lieutenants, des fournisseurs et blanchisseurs. Le délibéré est attendu fin juin.

Élue maire en 2014 et figure du socialisme normand, Mélanie Boulanger est soupçonnée d'avoir fait pression sur les services de police pour qu'ils ne gênent pas les affaires du redoutable clan Meziani, réputé pour tenir le deal dans sa ville et y faire régner la terreur.

- Bénéfices en millions -

La fratrie Meziani a soufflé le chaud et le froid sur l'élue, via son adjoint Hasbi Colak, également poursuivi.

Dans une conversation téléphonique sous écoute, un des frères la menace d'une part de mettre la commune à feu et à sang, de l'autre lui promet de garantir sa réélection et l'ordre public à Canteleu si elle rend le service qu'il lui demande.

L'ancienne tête de liste PS-EELV en Normandie aux élections régionales de 2021 a été interpellée en octobre 2021 et mise en examen pour complicité en avril 2022.

Elle a démissionné de son mandat de maire en début d'année en invoquant des "raisons de santé", après son renvoi devant la justice.

L'affaire débute en septembre 2019 avec l'arrestation sur un parking de Saint-Denis de deux individus suspects procédant à une transaction de drogues. L'un est porteur de 50.000 euros en liquide, l'autre de deux kilos de cocaïne pure à 80%.

Les investigations sur l'acheteur amènent rapidement les policiers de Seine-Saint-Denis à Canteleu, base de la famille Meziani, soupçonnée d'être l'un des principaux acteurs du trafic de drogues dans la région rouennaise.

Depuis la mort en 2019 du chef de famille Mohamed dans un accident de la route lors d'un probable "go-fast", le relais aurait été pris par deux de ses frères, Aziz et Montacer.

L'enquête, riche en sonorisations et en écoutes, va mettre au jour un important réseau d'importation et de vente de stupéfiants, écoulant aussi bien du cannabis que de l'héroïne et de la cocaïne.

Selon les estimations des policiers, leur organisation engrange plus de dix millions d'euros de bénéfices annuels rien que pour la cocaïne et l'héroïne.

amd-meh/mat/sp