Otan : à 75 ans, l’alliance militaire sous le coup de menaces « multiples » avec la Russie en « fil rouge »
OTAN - Soixante-quinze ans et une guerre froide plus tard, ses regards se portent toujours sur la même partie du globe. Née le 4 avril 1949, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Otan) est toujours en première ligne face à la menace russe. Quelques semaines après le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’organisation a explicitement désigné la Russie comme « la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique ».
Comme le souligne auprès du HuffPost Estelle Hoorickx, chercheuse au Centre d’études de sécurité et défense (CESD) – un centre de réflexion rattaché au ministère belge de la Défense –, l’Otan a toujours été sous le coup de menaces. C’est même par cela qu’elle est née. « L’Alliance a été créée pour faire face à la menace de l’URSS et son objectif était de se prémunir d’une attaque soviétique », rappelle-t-elle. L’Otan « est un enfant de Staline », insiste l’experte, citant Paul-Henri Spaak, ancien Premier ministre belge et secrétaire général de l’Otan de 1957 à 1961.
Le Kremlin, l’éternelle menace
Mais aujourd’hui, les menaces sont « multiples, de plus en plus complexes et nombreuses », nous explique la chercheuse. En première position, il y a donc toujours la Russie, qui brandit la menace nucléaire et garde la communauté internationale en alerte depuis l’annexion de la Crimée en 2014 et plus encore depuis l’invasion de l'Ukraine en 2022. Mais c’est loin d’être la seule carte dont use le Kremlin.
Intimidation, désinformation, instrumentalisation des flux migratoires et déstabilisation sont les maîtres mots de la tactique utilisée par Moscou. « On a un exemple assez récent en France, avec l’histoire des étoiles de David taguées en Île-de-France », souligne Jenny Raflik, professeure d’histoire contemporaine à l’université de Lorraine, interrogée par Le HuffPost. La France a condamné à ce sujet une « ingérence numérique russe ». Idem pour la psychose des punaises de lit en région parisienne l’été dernier, savamment alimentée par des comptes de désinformation à la solde de Moscou.
La Russie mobilise également des troupes à sa frontière avec la Norvège. Elle est par ailleurs accusée de faire monter la pression dans la mer Baltique. Elle est notamment soupçonnée d’y avoir fait couler un chalutier par erreur lors d’un exercice, faisant trois morts au large de l’enclave russe de Kaliningrad. Les autorités préfèrent évoquer un incendie, mais ont tout de même indemnisé les familles des victimes de 10 000 euros (1 million de roubles).
Menaces cyber et guerre hybride
Une autre menace à laquelle doit faire face l’Otan : les cyberattaques. Une arme dont use également allégrement le Kremlin pour fragiliser les infrastructures, perturber le fonctionnement des services publics – on se rappelle la cyberattaque de l’hôpital de Corbeil-Essonnes revendiquée par un groupe russe –, dérober des renseignements ou encore « entraver les activités militaires », notait l’Otan dans son communiqué en 2022.
Le terrorisme est la troisième menace des alliés. « Encore une fois, la Russie reste un fil rouge ici, puisque ce danger vient de la déstabilisation du Sahel, en Afrique, notamment par les Russes, de l’implantation du groupe Wagner, qui permet aux groupes terroristes de prospérer dans ces zones », note Jenny Raflik.
Certains acteurs étatiques ont rejoint le rang des adversaires de l’Otan assez récemment. « L’Otan a désigné nommément la Chine comme menace potentielle pour la première fois en 2022 », souligne la professeure. En termes de guerre hybride, elle a tendance à faire comme son voisin russe, à savoir mener une politique de désinformation, des opérations de cyberattaques et de cyberespionnage. Elle s’illustre également par son espionnage industriel et économique.
Enfin, par son arsenal nucléaire et son agressivité, la Corée du Nord est considérée comme une menace pour l’Otan, tout comme l’Iran. C’est également le cas de la Syrie pour ses armes chimiques et pour son contexte de déstabilisation qui fait prospérer les groupes terroristes. Ces régimes sont, là encore, soutenus par la Russie.
L’Otan « renforcée » par la menace
Si le Kremlin semble être le fil rouge principal de la menace qui pèse sur l’Otan, il est également celui qui la renforce. « La peur de la menace est la raison de la longévité de l’Alliance et même de son expansion, si l’on peut dire », explique au HuffPost Estelle Hoorickx. L’adhésion toute récente de la Suède et de la Finlande en est la preuve.
Pour Jenny Raflik, Vladimir Poutine a, sans le vouloir, renforcé son ennemi. Car alors que de multiples dissensions ont émaillé les relations entre les pays membres, ces derniers ont fini par « cacher sous le tapis les querelles de famille » pour se concentrer sur la situation en Ukraine.
Symptôme de ce renforcement, le nombre de pays en passe d’atteindre les 2 % du PIB pour leur budget armement est passé de 3 en 2014 à 19 pour 2024, souligne Estelle Hoorickx. Et pour mieux se préparer à d’éventuels conflits de grande ampleur, les alliés ont entamé, fin janvier, un exercice militaire géant inédit, qui va durer plusieurs mois. Les opérations s’étendent de l’Atlantique au flanc nord-est de l’Alliance et doivent simuler un scénario de guerre contre un ennemi fictif, mais qui ressemble fortement… à la Russie. Car, comme dit l’adage, « qui veut la paix, prépare la guerre ».
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