Orpea, LCL, Spanghero... Ces entreprises qui ont changé de nom à la suite d'un scandale

Dans la jungle ultra-concurrentielle du libre marché, changer de nom est parfois nécessaire pour se débarrasser d'une image néfaste pour les affaires.

En 2018, le géant français du nucléaire Areva est devenu Orano (Photo : Pavlo Gonchar/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

Faire peau neuve pour faire oublier les vieux dossiers. Dans la tourmente depuis la publication en 2022 du livre-enquête de Victor Castanet "Les fossoyeurs: Révélations sur le système qui maltraite nos aînés", qui levait le voile sur de nombreuses et graves dérives dans ses établissements, le groupe Orpea, leader mondial des Ehpad et autres maisons de retraites, change de nom.

Le directeur général du groupe Laurent Guillot ne s'en cache pas, cette décision a pour but principal de rompre avec la très mauvaise image acquise par la marque depuis le scandale provoqué par la parution du livre de Castanet. "Il y a encore des personnes qui hésitent en voyant le nom Orpea lorsqu’ils cherchent un Ehpad pour leurs proches", déplore-t-il ainsi dans les colonnes du Figaro.

En se rebaptisant Emeis, Orpea a en tout cas d'ores et déjà rassuré la Bourse de Paris, où le titre de l'entreprise a connu une forte hausse ce jeudi. Il faut dire que la stratégie n'est pas nouvelle et a fait ses preuves : pour se "laver" d'un scandale, les grandes entreprises ont souvent tout intérêt à modifier leur appellation. Avant Orpea, plusieurs autres sociétés ont ainsi eu recours au subterfuge.

Thomson-CSF devient Thales

L'un des exemples les plus anciens, et peut-être déjà oublié, est celui de l'entreprise Thomson-CSF, géant du secteur de l'électronique professionnelle devenu Thales en 2000. Si la direction ne le présenta pas sous cet angle à l'époque, difficile de ne pas faire le lien entre ce changement de nom et le scandale des frégates de Taïwan, qui avait sérieusement écorné l'image de l'entreprise. Mise en cause notamment dans l'assassinat d'un officier taïwanais, mais surtout accusée d'avoir versé des commissions illicites, Thomson-CSF sera finalement condamnée par un tribunal arbitral en 2011.

De Andersen Consulting à Accenture

Il arrive parfois qu'une filiale doive se débarrasser du nom devenu gênant de sa maison mère pour survivre lorsque celle-ci s'effondre sous l'effet d'un scandale retentissant. En 2001, l'une des plus importantes sociétés mondiales d'audit, Andersen, est mouillée jusqu'au cou dans l'affaire Enron et fait faillite. Pour se détacher définitivement de cette ascendance honteuse, la branche conseil de l'entreprise, Andersen Consulting, déjà indépendante depuis 1989, décide de prendre un nouveau nom : Accenture, sous lequel elle connaîtra un essor important dans les décennies suivantes.

Le Crédit Lyonnais raccourci en LCL

Raccourcir le nom de son entreprise en un acronyme est une technique souvent employée pour rajeunir et dynamiser son image, mais cela peut aussi, parallèlement, se révéler très pratique pour faire oublier son rôle dans un scandale d'état. Ainsi, lorsqu'en 2005, Le Crédit Lyonnais devient LCL, personne n'est dupe : la banque tente alors de faire oublier la très médiatique affaire politico-financière dans laquelle elle est impliquée. En 1999, les Mutuelles du Mans Assurances avaient employé la même technique en se rebaptisant MMA, après que plusieurs dirigeants eurent été impliqués dans des affaires d'abus de biens sociaux.

Le scandale France Télécom

A la suite de sa privatisation en 2004, France Télécom est devenue un modèle à ne pas suivre en matière de gestion des ressources humaines. A la fin des années 2000, une tragique vague de suicides d'employés va ainsi jeter une lumière crue sur la souffrance au travail au sein de l'entreprise. Après avoir recensé 39 victimes, le parquet de Paris ouvre une enquête en 2009 pour harcèlement moral, qui donnera lieu à une procédure au long cours et finalement sur la condamnation en appel des dirigeants de l'époque. Entretemps, l'entreprise a fait peau neuve en 2013 et opère désormais sous le nom d'Orange.

Changement d'identité en série pour Spanghero

Lorsque survient un scandale sanitaire dans le secteur agro-alimentaire, l'entreprise touchée a deux options : muter ou disparaître. La société Spanghero a clairement choisi la première solution après avoir été épinglé dans une affaire retentissante en 2012, celle des lasagnes au cheval. Accusée d'avoir trompé ses clients en faisant passer pour du bœuf ce qui était en réalité de la viande équine, l'entreprise a rapidement changé de nom, devenant La Lauragaise en 2013. Elle a ensuite été rachetée en 2014 et rebaptisée L'Occitane Plats Cuisinés, pour un changement d'identité intégral.

La Germanwings devient Eurowings

En 2015, un effroyable fait divers a sonné le glas d'une compagnie aérienne low cost, ou plus précisément de son appellation. Le 24 mars, le copilote d'un vol de la compagnie Germanwings précipite son avion contre une montagne dans les Alpes, entraînant dans son suicide les 150 personnes présentes à bord, toutes décédées. Quelques mois plus tard, en septembre, la maison mère Lufthansa annonce la disparition à venir de Germanwings, qui sera remplacée par une autre filiale low cost, Eurowings.

Areva voulait "couper avec le passé"

Avant Orpea, le dernier exemple en date de changement de raison sociale tout sauf anodin remontait à 2018. Empêtré depuis un long moment dans un feuilleton judiciaire lié au rachat controversé de la société canadienne UraMin, le géant français du nucléaire Areva décide cette année-là de changer de nom et devient Orano. Comme le révélait Le Monde à l'époque, au sein de l'entreprise, on n'hésite pas à reconnaître "qu’il fallait couper avec le passé" et que cette mutation est un moyen de le faire.