Ondine Gaspar, atteinte du syndrome de Little : "Certains me voyaient comme un animal de cirque"

Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s". Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…

Atteinte du syndrome de Little, une paralysie cérébrale causée par un développement anormal d’une partie du cerveau, Ondine Gaspar est parvenue, avec le temps, à faire de sa différence une force. C’est notamment grâce à l’écriture qu’elle a réussi à se détacher du regard des autres, une passion qui est finalement devenue son métier. Pour Yahoo, elle a accepté de revenir sur son histoire. Un témoignage touchant.

Comme tout le monde, Ondine Gaspar a ses forces, ses faiblesses et ses propres combats. Animée par une force de vivre et dotée d'un optimisme sans faille, elle n’aime surtout pas qu’on la réduise à son handicap. Atteinte du syndrome de Little, une paralysie cérébrale causée par un développement anormal d’une partie du cerveau, elle est parvenue, avec le temps, à se défaire du regard et des a priori des autres. Pour Yahoo, elle s’est livrée sans tabou sur son histoire. (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article.)

Après seulement six mois de grossesse, Ondine Gaspar vient au monde et passe les premières semaines de son existence en couveuse. Mais tout cela ne suffit pas à la maintenir en bonne santé. Malheureusement, son cœur s’arrête de battre, un dysfonctionnement aux lourdes conséquences. En résulte une infirmité motrice cérébrale communément appelée "syndrome de Little", une paralysie causée par un développement anormal d'une partie du cerveau. "C’est comme si ma tête et mes membres jouaient au téléphone arabe. Le message n’est pas forcément bien transmis entre les deux", explique-t-elle avec humour.

Le temps passe et Ondine grandit comme toute autre petite fille à une seule différence près, elle ne peut pas se déplacer facilement. "Je marchais toujours en tenant le bras de quelqu’un", se remémore-t-elle. Mais grâce à son père et à ses mots rassurants, elle finit à l’âge de 14 ans par accepter son fauteuil roulant. De là, "une vraie vie commence". "Honnêtement, ça a été pour moi une révélation".

"Ils prenaient mes béquilles et les utilisaient comme des épées"

Mais très vite, la réalité la rattrape. En troisième et seconde, la jeune fille est victime d’harcèlement scolaire. Ses petits camarades lui en font voir de toutes les couleurs. Ils s’amusent notamment à lui mettre des coups dans son fauteuil ou prennent ses béquilles pour faire des combats avec. Certains mots la blessent également. Plusieurs élèves la considèrent comme "un animal de cirque".

Mais la jeune fille tente de passer au-dessus. "J’ai tendance à dire que c'est l'adolescence. Quelque part j'ai dû les déstabiliser parce qu’ils étaient en train de se poser plein de questions sur leur adolescence et que, de toute évidence, ils pensaient que j'avais beaucoup plus de raisons d'être malheureuse qu’eux. Mais je m’en sortais mieux", se souvient-elle.

"J’ai un handicap de naissance, quand on n’a jamais mangé de gâteau au chocolat, on ne peut pas avoir envie d'en manger"

Comme elle le déplore, la majorité des personnes valides partent du principe qu’il manque quelque chose aux personnes handicapées. Mais Ondine ne le perçoit pas de cette façon. "Le frère de ma grand-mère m'a appris à l'âge de 4 ans à jouer au poker et j'ai très vite compris que c'était vachement plus drôle de gagner avec rien dans le jeu qu’avec une quinte flush", image-t-elle.

Pour elle, qui a toujours vécu avec le handicap, la différence fait à part entière partie de sa vie. "Quand on n’a jamais mangé de gâteau au chocolat, on ne peut pas avoir envie d’en manger", explique-t-elle tout en exhortant la population à arrêter de vouloir "créer ce manque". "Il faudrait arrêter de calquer ses propres perceptions sur ce que vivent les autres parce que ça ne sert à rien, ça n'importe rien. Au pire, ça peut faire du mal".

"Tout ramener au handicap, c’est presque un manque de respect"

Elle aimerait également que certains arrêtent d’associer le handicap au "courage". "C’est très agaçant pour les autres combats qu’on mène humainement". Elle prend notamment pour exemple une histoire d’amour compliquée qu’elle a vécue pendant 10 ans. "Ce que j’ai enduré est beaucoup plus digne de courage et de reconnaissance que le simple fait de se déplacer autrement", confie-t-elle.

Ondine est ferme sur le sujet et voudrait cesser de le rappeler constamment. "On a une vie en dehors du handicap. Chacun a ses épreuves, ses douleurs, ses combats, ses violences et tout ramener au handicap, c’est presque un manque de respect". Comme elle le rappelle, elle ne peut rien contre ses quatre roues mais a le contrôle sur tout le reste. "Si je dois être admirée, je préfère l’être pour quelque chose que j’ai décidé".

"J’ai pris la plume à 8 ans car je ne pouvais pas prendre la fuite"

Pour penser à autre chose et s’évader, Ondine lit énormément, une activité à laquelle elle s’adonne depuis son plus jeune âge. C’est son père qui lui donne le goût de la lecture en lui offrant comme premier livre "Le Petit Prince". "C’est un moyen immense de s'évader et comme je suis plutôt du genre active et pas forcément contemplative, j’ai décidé qu’il fallait que je m’y mette, moi aussi", explique-t-elle tout en confiant avoir toujours eu beaucoup de choses à dire. À l’âge de huit ans, elle écrit un texte, le premier d’une longue série. "J’ai pris la plume parce que je ne pouvais pas prendre la fuite".

"Je ne serais plus là si Patrick Bruel n'avait pas écrit certaines choses"

Comme tout le monde, Ondine traverse parfois de mauvaises passes mais parvient à retrouver le sourire, notamment grâce à l’écriture. Elle explique devoir beaucoup aux mots de Patrick Bruel qui l’ont aidée à certains moments sombres. "Je ne serais plus là s’il n’avait pas écrit certaines choses", confie-t-elle tout en expliquant avoir voulu elle aussi, aider les autres. Pour y parvenir, elle choisit donc le métier d’auteur et prête ses mots à de nombreuses célébrités comme Jennifer et Viktor Lazlo. Pour elle, le rôle essentiel d’un artiste est d’être présent dans les moments durs. "Les mots des autres ont changé ma vie, ont porté ma vie, ont permis ma vie. Je veux juste continuer la chaîne".

Et pour aider les autres, Ondine a également choisi le magnétisme. Une pratique grâce à laquelle elle parvient à enlever les douleurs physiques. "Si je ne ressentais pas les choses 1000 fois plus fort que les autres alors je ne pourrais pas emmener les gens au cœur de leurs pires tempêtes".

"Les chevaux font des miracles. Il existe une méthode pour aider les enfants autistes"

Et si elle met un point d’honneur à aider les autres, c’est qu’elle a été témoin par le passé de véritables miracles. "J'ai eu la chance de rencontrer Rupert Isaacson, un dresseur équestre dont l’enfant est autiste sévère". Par peur d’un accident, il éloignait toujours son fils des chevaux. Mais un jour, l’improbable s’est produit. Comme elle le raconte, le petit est arrivé dans le champ et s’est mis à parler à la vieille jument Betsy qui était là. Depuis, l’homme a créé une méthode pour aider les enfants autistes par l'équitation, le Back Riding. Un espoir pour des milliers de personnes.

"Je suis super contente d’avoir moi aussi ce méga super pouvoir"

Pour elle, rien n’est plus important que l’entraide. Elle rappelle ainsi la nécessité de délivrer des messages forts lorsque le moment le permet. Elle prend pour exemple le cas d’un père de famille, Charles Cattaert, qui s’est récemment prêté au jeu des auditions à l’aveugle dans l’émission The Voice diffusée le 11 mars dernier. En chantant devant des milliers de téléspectateurs, il voulait délivrer un message d’amour à son fils Lucien, âgé de six ans et atteint d’une maladie rare, le syndrome de Brown–Vialetto–Van Laere. Mais aussi présenter son association.

"À trois ans, il a commencé à perdre la vue. Aujourd’hui, le jeune garçon ne parle plus et se déplace difficilement. Mais ce n’est pas cela l’important. Ce qu’il n’a pas perdu, c’est sa capacité à faire des arcs-en-ciel. C’est un méga super pouvoir et je suis bien contente de l’avoir moi aussi", a conclu Ondine.

Retrouvez en intégralité l'interview d'Ondine Gaspar