"Ohio", la bannière étiolée de Stephen Markley

Il existe deux sortes d'écrivains ­débutants. Ceux qui, pressés de montrer leur talent tout neuf, se hâtent de publier et signent des livres parfois brillants, mais à la façon éphémère des lucioles : leur éclat meurt avant la fin de la saison. Et il y a ces autres, qui planchent cinq ans, dix ans sur leur premier ouvrage avec le fol ­espoir qu'il étincellera au firmament de la littérature à la façon durable des étoiles. Tel l'Américain Stephen Markley, 36 ans et auteur d'un premier roman prodigieux, Ohio : 560 pages, des dizaines de personnages, et une écriture imprégnée de poésie pour dire les dures réalités de l'Amérique moyenne. Autant dire un ovni dans lequel on est ravi d'embarquer, même si le voyage s'annonce agité, et le paysage bien sombre…

Ohio se centre sur une ville fictive de l'État du même nom, New Canaan, mais pourrait se dérouler partout dans l'Amérique des petites cités encadrées de centres commerciaux en déshérence – le rêve américain rectifié par la crise des subprimes, celle des opioïdes et de la guerre contre le terrorisme.

Du plus lyrique au plus leste

Cette Canaan archétypale se découvre par les yeux drogués de Bill Ashcraft, 28 ans, ex-vedette de l'équipe de basket du lycée. Après un passage par l'humanitaire, la politique et bien des errances, Bill retourne dans sa ville natale au volant d'un pick-up déglingué pour convoyer un paquet dont il ignore le contenu. Mais Bill véhicule surtout une puissante nostalgie pour ses années de lycée, quand lui et ses...


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