“Oh, le raciste !” : le dessinateur Patrick Chappatte revient sur la tempête numérique dont il a été la cible

A priori, c’était une idée visuelle, simple et directe. Un de ces dessins de presse qui vous sautent à la figure. Sauf que… [ce n’était] pas comme je l’avais imaginé.

Pour commenter la décision historique de la Cour suprême des États-Unis de supprimer le droit constitutionnel fédéral à l’avortement, j’ai représenté des talibans dans le fauteuil des juges suprêmes américains. Paru le 25 juin 2022 dans le journal Le Temps, à Genève, et posté automatiquement le même jour sur mes réseaux sociaux, le dessin a bien marché auprès de mon public. Puis, après vingt-quatre ou quarante-huit heures, Twitter a commencé à s’agiter. Pour la première fois, j’ai fait l’expérience d’un phénomène sur lequel je m’étais déjà exprimé : j’ai été la cible d’un shitstorm numérique.

Les reproches allaient du très prosaïque “Il y a combien de musulmans à la Cour suprême ?” aux variantes plus élaborées : “Pourquoi aller chercher encore des musulmans pour caricaturer ce qui concerne les États-Unis, pays chrétien assumé ?” ou “Ce serait bien de donner leurs vrais visages aux juges suprêmes : ce ne sont pas des talibans.” Les experts en biais racistes systémiques ont accouru : “Traduction : un Occidental ne peut pas être réactionnaire et arriéré, seul l’Oriental l’est.” Souvent, on allait à l’essentiel : “Ceci est juste raciste et islamophobe”, “T’es raciste” ou encore “Fuck you racist bullshit”. Le fermement bienveillant “Vous devriez probablement effacer ceci” côtoyait le plus conclusif “Sale merde !” Jusqu’au type qui se demande combien de fois les dessinateurs français devraient finir dans des cercueils avant de comprendre la leçon… Bref, on est sur Twitter.

Explication d’image

Vous avez déjà essayé de débattre sur Twitter ? Autant vouloir parlementer avec un train qui vous arrive dans la figure. De toute façon, sur les réseaux sociaux, j’ai pour règle de ne pas commenter. Quand le dessin est fait, c’est posté, je me débine, j’ai dit ce que j’avais à dire. Le comble pour un dessinateur, c’est de devoir expliquer un dessin. Mais je vais faire une petite entorse au règlement. Car cette péripétie montre que dans une même foule nous ne voyons plus les mêmes choses. Et il n’est pas inutile de rappeler certaines clés de la satire.

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