Nouvelle doctrine militaire de l'Ukraine avec un cap sur l'Otan

par Pavel Polityuk KIEV (Reuters) - Les autorités ukrainiennes ont exposé jeudi leur nouvelle doctrine de sécurité qui dénonce "l'agression" russe dans l'est du territoire et vise à terme une adhésion à l'Otan, une perspective inacceptable pour Moscou. Entrer dans l'Alliance atlantique, a déclaré le chef du conseil de sécurité nationale, Oleksander Tourtchinov, constitue "la seule garantie extérieure fiable" pour préserver la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Cet objectif stratégique devrait à coup sûr susciter l'inquiétude de la Russie, qui voit comme une agression l'expansion à ses frontières de l'alliance militaire dirigée par les Etats-Unis. Depuis le début de la crise en Ukraine, et l'éviction du président Viktor Ianoukovitch en février de l'année dernière, des responsables russes ont évoqué à plusieurs reprises le risque de voir des bâtiments de guerre des Etats-Unis ou de l'Otan basés dans la mer Noire. Dévoilant cette nouvelle doctrine militaire quinquennale lors d'une session du conseil de sécurité nationale, Tourtchinov a expliqué ce changement stratégique par l'agression militaire de la Russie, qui a annexé la Crimée en mars 2014 et soutient les séparatistes de l'Est. "Pour la première fois dans l'histoire, un membre permanent du Conseil de sécurité de l'Onu qui possède l'arme atomique se sert de ce facteur pour intimider la communauté internationale et use de son potentiel militaire pour annexer et s'emparer du territoire d'un pays européen", a-t-il dit. L'allusion à la bombe atomique s'appuie sur des déclarations de Vladimir Poutine qui, dans un documentaire diffusé le mois dernier par la télévision russe un an après l'annexion de la Crimée, assure qu'il était prêt à mettre les forces stratégiques russes en alerte. Face à cette menace, a poursuivi le chef du conseil de sécurité nationale, l'intégration européenne et euro-atlantique de l'Ukraine est désormais une priorité de la politique suivie par le gouvernement ukrainien, qui souhaite coordonner ses forces armées et ses services de renseignement avec ceux des pays alliés. CONFRONTATION AVEC MOSCOU Cette nouvelle doctrine stratégique, qui doit encore être approuvée par le président Petro Porochenko, est la suite logique de l'abrogation, fin décembre, du statut de non-alignement, ou "statut hors bloc", adopté sous Ianoukovitch. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, avait alors regretté une décision "improductive" qui, ajoutait-il, "ne fera qu'aggraver la confrontation". Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Pavlo Klimkine, avait expliqué pour sa part que l'Ukraine, en abandonnant ainsi sa neutralité, affichait sa détermination à se tourner vers l'Europe et l'Occident. "Cela mènera à notre intégration dans l'espace européen et euro-atlantique", déclarait-il. Trois jours plus tard, le Kremlin annonçait que Poutine avait promulgué une nouvelle doctrine militaire identifiant l'Otan comme principal risque extérieur pour la Russie. Du côté des Alliés, la question d'une adhésion de l'Ukraine, à laquelle s'opposent plusieurs pays de premier plan dont la France et l'Allemagne, n'est pas à l'ordre du jour, même si le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a affirmé lors du sommet de Newport, en septembre dernier au Pays-de-Galles, que nul pays tiers ne pouvait empêcher l'Alliance de poursuivre son élargissement. (Henri-Pierre André pour le service français)