Nouvelle-Calédonie : violences, pillages, incendies, le point sur la situation très tendue à Nouméa

NOUVELLE-CALÉDONIE - Violences, pillages, véhicules incendiés... Après des troubles d’une « grande intensité » en écho à l’examen à Paris d’une réforme constitutionnelle dénoncée par les indépendantistes lundi - qui ouvre le scrutin provincial aux résidents installés depuis au moins dix ans sur l’île -, la situation restait très tendue ce mardi 14 mai dans l’agglomération de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, les autorités évoquant même une violence « assez inouïe ».

Dans la matinée, le gouvernement du territoire français d’outre-mer a lancé un appel à « la raison et au calme », mais qui reste pour le moment peu entendu au vu de l’intensité des violences et incendies sur place dont nous rendons compte dans la vidéo en tête d’article. « Toutes les raisons des mécontentements, des frustrations et des colères ne sauraient justifier de mettre à mal ou de détruire ce que le pays a pu construire depuis des décennies et d’hypothéquer l’avenir », a-t-il ajouté. Le HuffPost fait le point sur la situation ci-dessous.

• 54 policiers et gendarmes blessés, 82 interpellations

« Nous avons été confrontés depuis plus de 24 heures à un vrai déchaînement de haine, un déferlement de jeunes souvent alcoolisés, manifestement manipulés et d’une violence assez inouÏe », a déploré le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie.

Gérald Darmanin a annoncé ce mardi matin que 82 personnes avaient été interpellées ces deux derniers jours. Du côté des forces de l’ordre, 54 gendarmes et policiers ont été blessés, dont certains « gravement », a ajouté le ministre de l’Intérieur devant la presse. Il y a eu des « volontés de mettre le feu, de tirer à balles réelles » sur les gendarmes, a-t-il poursuivi, ajoutant que « des familles de gendarmes ont été évacuées ».

Il a rappelé que quatre escadrons de gendarmerie mobile vont être déployés en renfort. Ils « partent ce matin pour Nouméa », a-t-il précisé. Par ailleurs, 15 gendarmes du GIGN, l’unité d’intervention d’élite de la gendarmerie, sont déjà arrivés sur place en renfort, a précisé à l’AFP une source proche du dossier.

Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a lui rapporté ce mardi « des tirs tendus avec des armes de gros calibre, des carabines de grande chasse, sur les gendarmes » lors de violences sur la commune du Mont-Dore. « On n’a pas de morts, il n’y a pas de blessés graves pour l’instant, il y aurait pu y en avoir », a-t-il déclaré en conférence de presse, en appelant au calme.

« La violence n’est jamais justifiée ni justifiable », a estimé pour sa part Gabriel Attal. « La priorité, évidemment, pour nous, c’est de rétablir l’ordre, le calme et la sérénité », a ajouté le Premier ministre en marge d’un déplacement en Savoie.

• Des maisons et commerces brûlés

« Sur la ville de Nouméa, l’action est menée essentiellement sur les quartiers Nord avec des destructions de commerces, de pharmacies et de domiciles », a poursuivi Louis Le Franc. « Car on a malheureusement pu constater des exfiltrations d’habitants » avant que leurs « domiciles ne soient brûlés ».

Les pompiers de Nouméa ont dit avoir reçu près de 1 500 appels dans la nuit de lundi à mardi et être intervenus sur environ 200 feux. Selon un regroupement patronal, une trentaine de commerces, d’usines et d’autres entreprises ont été incendiés, tout comme une centaine de voitures.

« On a malheureusement pu constater des exfiltrations d’habitants de leur domicile pour qu’ensuite leur domicile soit brûlé », a indiqué Louis Le Franc. Des éléments du GIGN sont intervenus pour secourir une personne âgée de 81 ans dont la maison était en flammes, a aussi indiqué Gérald Darmanin à l’Assemblée nationale.

Ce mardi, la circulation était rendue difficile par des carcasses de voitures incendiées ou encore des tas fumants de restes de pneus et de palettes.

• Des pillages

Si la situation semblait un peu plus calme ce mardi matin, les rues sont encore le théâtre d’affrontements et de nombreuses scènes de chaos, notamment en banlieue nouméenne où un supermarché, forcé à la voiture-bélier pendant la nuit, continue d’être pillé par la population. De nombreux commerces portent également les traces de tentatives d’effraction.

• Les transports coupés et les lycées et collèges fermés

En marge de la fermeture des commerces, les réseaux de transports en commun ont été coupés. L’aéroport international est fermé et la compagnie Aircalin a suspendu ses vols pour la journée de ce mardi.

Les déplacements dans l’agglomération sont par ailleurs extrêmement difficiles, de nombreux barrages ayant encore cours. Des points de blocage rendent particulièrement compliquée l’intervention des forces de l’ordre, d’autant qu’elles doivent être présentes pour sécuriser le travail des pompiers.

Le gouvernement calédonien a aussi annoncé la fermeture des lycées et collèges jusqu’à nouvel ordre.

• Un couvre-feu pour la nuit

Un couvre-feu a été décrété de mardi 18h à mercredi 6h. En outre, tout rassemblement est interdit dans le grand Nouméa, de même que le port d’armes et la vente d’alcool dans l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie, annonce le haut-commissariat, qui invite les 270 000 habitants du territoire à rester chez eux.

• Le point sur le vote à l’Assemblée nationale

La conférence des présidents de l’Assemblée nationale a décidé ce mardi que le vote sur le projet de réforme constitutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie resterait à l’ordre du jour de la journée, malgré la vague de violences dans l’archipel.

Alors que des parlementaires d’opposition plaidaient pour un report au mercredi, voire un retrait du texte, le vote aura lieu dès la fin de l’examen de la petite centaine d’amendements encore au programme selon une source parlementaire.

Après celle du Sénat, l’approbation de l’Assemblée est nécessaire pour faire cheminer le texte, avant de réunir le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution, à une date qui reste à fixer.

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