Nouvelle-Calédonie : deux morts au cours d’une nouvelle nuit de violences, un gendarme grièvement blessé

Des gendarmes français gardent l’entrée du quartier de la Vallée-du-Tir, à Nouméa, le 14 mai 2024, lors de manifestations liées à un débat sur un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections du territoire français d’outre-mer de Nouvelle-Calédonie.
THEO ROUBY / AFP Des gendarmes français gardent l’entrée du quartier de la Vallée-du-Tir, à Nouméa, le 14 mai 2024, lors de manifestations liées à un débat sur un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections du territoire français d’outre-mer de Nouvelle-Calédonie.

NOUVELLE-CALÉDONIE - Les tensions ne cessent de s’accentuer en Nouvelle-Calédonie. Deux personnes sont mortes, dont l’une a été tuée par balle à Nouméa dans la nuit du mardi au mercredi 15 mai, alors que de nouvelles émeutes ont éclaté après l’adoption par l’Assemblée nationale d’un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections dans ce territoire français d’outre-mer.

Nouvelle-Calédonie : le projet de révision constitutionnelle adopté à l’Assemblée, Macron pose un ultimatum

« Des trois blessés admis aux urgences, il y en a un qui est mort, victime d’un tir par balle », a annoncé le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, ce mercredi, comme vous pouvez l’entendre dans la vidéo ci-dessous. « Pas d’un tir de la police ou de la gendarmerie, mais de quelqu’un qui a certainement voulu se défendre », a déclaré le représentant de l’État devant la presse, sans autre détail sur les circonstances de sa mort.

Quant au second décès, le représentant de l’État n’a donné aucune précision. Après l’annonce de cette deuxième mort, le chef de l’État Emmanuel Macron a convoqué pour la matinée de ce mercredi 15 mai un Conseil de défense et de sécurité nationale.

En fin de matinée (heure française), Europe 1 a révélé qu’un gendarme avait été grièvement blessé par arme à feu dans l’archipel. Selon BFMTV, « son pronostic vital est engagé ».

Incendies, voitures accidentées, pénuries…

Au cours d’une conférence de presse, le Haut-commissaire a aussi fait état de plusieurs « échanges de tirs de chevrotine entre les émeutiers et les groupes de défense civile à Nouméa et Paita » au cours de la nuit et d’une « tentative d’intrusion à la brigade (de gendarmerie) de Saint-Michel ». Au total, les forces de l’ordre ont procédé à 140 interpellations dans la seule agglomération de Nouméa depuis le début des violences.

Dans la nuit de mardi à mercredi, plusieurs infrastructures publiques de la capitale ont brûlé a constaté un correspondant de l’AFP. Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l’ordre, sillonnaient la ville.

Mercredi matin, faute d’approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires ont provoqué de très longues files d’attente devant les magasins. Certains à Nouméa étaient pris d’assaut, d’autres étaient quasiment vides, n’ayant plus de pain ni de riz à vendre.

Le projet de loi constitutionnelle vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l’archipel, a déclenché la colère d’une partie de ses habitants. Les partisans de l’indépendance jugent ainsi que ce dégel risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ». À l’heure actuelle, seuls les Kanaks, les résidents établis dans l’archipel avant 1998 ainsi que leurs descendants, ont le droit de participer aux élections locales.

Les appels au calme se multiplient

Dans un courrier adressé mercredi aux représentants calédoniens condamnant des violences « indigne(s) » et appelant au « calme », Emmanuel Macron a précisé que le Congrès se réunirait « avant la fin juin » pour une adoption définitive, à moins qu’indépendantistes et loyalistes ne se mettent d’accord d’ici là sur un texte plus global.

Le président indépendantiste du gouvernement du territoire, Louis Mapou, a « pris acte » de la réforme votée à Paris mais déploré une « démarche qui impacte lourdement notre capacité à mener les affaires de la Nouvelle-Calédonie ». « Nous lançons un appel au calme », a-t-il ajouté. « Les mobilisations doivent se passer dans un cadre », a renchérit Victor Gogny, le président du sénat coutumier, « depuis deux jours on est sorti de ce cadre et le pays est en feu. Il faut revenir dans ce cadre et que tout se calme ».

Dans un courrier adressé au chef de l’État, la principale figure du camp non-indépendantiste, l’ex-secrétaire d’État Sonia Backès, a demandé de son côté au chef de l’État de déclarer l’état d’urgence, « notamment en engageant l’armée aux côtés des forces de police et de gendarmerie ». « Non pas pour aller tirer sur le camp d’en face mais pour protéger la population, l’aéroport, les gendarmeries, les commissariats. L’alimentation va être la prochaine urgence », a-t-elle indiqué.

En milieu de journée (heure française), les principaux partis calédoniens – indépendantistes et non-indépendantistes – ont lancé un appel commun au calme. « Malgré la situation insurrectionnelle que nous traversons depuis quarante-huit heures et parce que nous sommes appelés à poursuivre le vivre-ensemble, nous appelons solennellement l’ensemble de la population au calme et à la raison », écrivent dans un communiqué commun l’UC-FLNKS, l’Union nationale pour l’indépendance, Les Loyalistes, le Rassemblement-LR et l’Éveil océanien.

Des éléments du GIGN, du RAID (son équivalent pour la police), quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont déjà été mobilisés. D’autres renforts sont en cours d’acheminement dans l’archipel, selon Gérald Darmanin.

À voir également sur Le HuffPost :

Nouvelle-Calédonie : comment se positionnent les partis politiques face aux velléités d’indépendance

Nouvelle-Calédonie : violences, pillages, incendies, le point sur la situation très tendue à Nouméa