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En Nouvelle-Calédonie, Gérald Darmanin tente de renouer un dialogue impossible

Jean-Francois Carenco et Gérald Darmanin au Congrès des Maires le 23 novembre. Le ministre et le ministre délégué arrivent ce lundi en Nouvelle-Calédonie, pour une visite cruciale mais délicate.
LUDOVIC MARIN / AFP Jean-Francois Carenco et Gérald Darmanin au Congrès des Maires le 23 novembre. Le ministre et le ministre délégué arrivent ce lundi en Nouvelle-Calédonie, pour une visite cruciale mais délicate.

POLITIQUE - Ce n’est pas une visite en territoire étranger, mais Gérald Darmanin va devoir faire preuve de presque autant de tact et de diplomatie que sa collègue des Affaires Étrangères. Ce lundi 28 novembre, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer entame un déplacement d’une semaine en Nouvelle Calédonie chargée de missions aussi nombreuses que délicates.

Il s’agit de la première visite d’un ministre régalien depuis le troisième et dernier référendum d’autodétermination prévu dans les accords de Nouméa. Il s’est soldé par la victoire du non mais le résultat reste controversé, les indépendantistes ayant fait savoir dans la foulée qu’ils ne reconnaissaient ni la « légitimité », ni la « validité » du scrutin. « La voie du dialogue a été rompue », avaient-ils déclaré en décembre 2021.

Cela n’a pas empêché une période de transition de s’ouvrir. De façon chaotique cependant. Les discussions ont pris du retard avec les échéances électorales dans l’hexagone, le changement de gouvernement qui a suivi, et surtout, le refus de certains acteurs locaux de revenir à la table des discussions.

Une semaine pour faire l’état des lieux

Rarement déplacement dans le Pacifique aura été aussi long. Gérald Darmanin va passer six jours complets sur l’archipel calédonien, accompagné durant trois par Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer. L’agenda est très chargé et a pour ambition d’aborder toutes les thématiques possibles. Une sorte d’état des lieux, indispensable dans un territoire à vif sur le plan économique et lourdement endetté auprès de l’Agence française de développement.

Bien sûr, Gérald Darmanin accordera du temps aux thèmes propres à son portefeuille à l’Intérieur : la lutte contre les violences intrafamiliales ou la sécurité, avec au moins trois séquences prévues avec des policiers. Mais il parlera aussi défense, au sein de l’Institut des hautes études de défense nationale - tout sauf un hasard, alors qu’Emmanuel Macron a fait de la région indopacifique une priorité stratégique dans sa politique internationale.

La thématique industrielle est aussi au programme, avec un focus sur l’extraction des matières premières comme le nickel, une des principales richesses de l’archipel. Gérald Darmanin est très attendu sur ce dossier, car les craintes pour l’avenir sont nombreuses, portées par la hausse du prix de l’énergie venue s’ajouter à une situation déjà compliquée pour la Société Le Nicjel (SLN), premier employeur privé de l’archipel. En creux, ce sont les répercussions dramatiques sur l’emploi local qui inquiètent et les dirigeants de l’entreprise n’excluent pas de demander une nouvelle fois l’aide de l’État, après un premier prêt de 200 millions d’euros contracté en 2016.

Ces thématiques économiques sont cependant la phase la moins difficile de la visite ministérielle. Pendant six jours, Gérald Darmanin va échanger avec des représentants de tous les partis politiques de l’archipel, mais aussi avec le président indépendantiste du gouvernement Louis Mapou. Sa mission : faire avancer les discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie et sa relation avec Paris.

Tout le monde à la table, mais jusqu’à quand ?

Sauf changement de dernière minute, le ministre de l’Intérieur devrait rencontrer tout le monde, loyalistes (notamment sa collègue Sonia Backes qui préside la province Sud) comme indépendantistes du FLNKS. La présence de ce dernier groupe à la table des discussions marque déjà un progrès car après le troisième référendum, leurs relations avec Paris s’étaient considérablement détériorées. La faute, selon les indépendantistes, à plusieurs maladresses parisiennes : le passage éclair de Yaël Braun-Pivet au ministère des Outre-mer, l’annulation d’un premier déplacement de Gérald Darmanin en juillet et la visite en demi-teinte de Jean-François Carenco en septembre. Pour manifester leur mécontentement, le FLNKS a boudé fin octobre une rencontre avec Elisabeth Borne pour définir la méthode, les thématiques et le calendrier des négociations sur le futur statut de la Nouvelle-Calédonie.

Cette fois, Gérald Darmanin espère bien pouvoir ouvrir les discussions. Mais il sera tenu à un rôle d’équilibriste, voire de diplomate agguerri. Les indépendantistes ne veulent rouvrir le dialogue que sur la seule et unique base de l’indépendance, assortie d’un éventuel partenariat avec la France. De l’autre côté de l’échiquier politique, les loyalistes veulent que l’État confirme au territoire un statut définitif de « Nouvelle-Calédonie dans la France ».

Seul point commun entre les deux parties : leur souhait de voir l’État sortir d’une supposée neutralité et prenne position. Ce qui entraînerait à coup sûr le départ d’un des protagonistes de la table des discussions. La visite de Gérald Darmanin doit s’achever samedi 3 décembre par le « lancement du groupe de travail sur les questions institutionnelles ». La participation de tous dira tout du succès ou de l’échec du déplacement du ministre en Nouvelle-Calédonie.

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