En Nouvelle-Calédonie, la crise ravive le douloureux souvenir des Événements des années 1980

POLITIQUE - Un archipel à feu et à sang, une population déchirée et le président de la République qui se rend (en urgence) sur place. En Nouvelle-Calédonie, le passé resurgit dramatiquement dans la vie des Calédoniens. Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, c’est en effet dans les années 1980 que les tensions entre partisans et opposants de l’indépendance se traduisent par une explosion de violence inédite, qui plonge le territoire dans le chaos.

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Au départ, la décennie 80 est pour les indépendantistes, synonyme d’espoir. Et pourtant, ces espoirs seront vite douchés. D’abord, avec l’élection en 1981 de François Mitterrand, un candidat socialiste, sensible à leurs revendications, qui ne sera finalement pas l’oreille tant attendue.

En 1984, le statut Lemoine met le feu aux poudres

Ensuite, avec la création en 1984 d’un nouveau statut pour l’archipel, le statut Lemoine, voté par l’Assemblée nationale à Paris mais rejeté autant par les loyalistes, incarnées par le RPCR de Jacques Lafleur que par les indépendantistes calédoniens, de Jean-Marie Tjibaou.

Les loyalistes, parce que ce statut ouvre la voie à une possible indépendance, et les indépendantistes parce que le texte prévoit bien la tenue d’un référendum d’autodétermination mais incluant l’ensemble de la population de la Nouvelle-Calédonie, alors qu’eux demandent un corps électoral restreint.

Débute alors un cercle de violences que l’État français tente d’enrayer. Mais il est trop tard. La fronde s’organise. Le FLNKS, qui rassemble les partis calédoniens pro-indépendance est créé, et décide de boycotter les élections territoriales de novembre 1984.

Mais c’est avec le massacre de Hienghène du 5 décembre 1984 que débutent quatre années meurtrières. Ce jour-là, dix militants indépendantistes kanaks sont tués par balle dans un guet-apens tendu par des loyalistes. S’ensuivent des années d’affrontements, de pillages et d’assassinats dont celui de l’indépendantiste Eloi Machoro par le GIGN en 1985.

En 1987, pour tenter de calmer le jeu, le gouvernement de Jacques Chirac organise un référendum d’autodétermination, avec pour la première fois, une restriction du corps électoral… qui ne satisfait pas les indépendandistes. Il faut être résident calédonien depuis trois ans au moins pour se prononcer sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

Les indépendantistes boycottent le scrutin. Résultat, 59,10 % des inscrits votent, et l’indépendance est rejetée à 98,3 % des voix. De quoi alimenter le dialogue de sourds entre loyalistes et indépendantistes.

La prise d’otages d’Ouvéa, apogée des violences

L’apogée de ce cycle de violences a lieu en 1988 avec la prise d’otage sanglante de la grotte d’Ouvéa. Deux jours avant le premier tour de la présidentielle, le 22 avril, des indépendantistes kanaks détiennent 23 personnes, en majorité des gendarmes.

Deux semaines plus tard, le 5 mai, l’armée donne l’assaut, et 25 personnes son tuées dont 19 kanaks. Ce bain de sang a l’effet d’un coup de tonnerre.Pour tout le monde, il est urgent de trouver une issue à la crise. Les deux opposants de toujours, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou se rencontrent à Paris, et échangent une poignée de main. Un moment historique.

Le 26 juin 1988, les accords de Matignon signent la réconciliation mais ce sont surtout les accords de Nouméa, dix ans plus tard, qui vont véritablement peser. Ils prévoient un statut unique et une autonomie progressive pour la Nouvelle-Calédonie, et définit des corps électoraux plus restreints.

Pour autant, presque quarante ans après et trois référendums plus tard, la question du corps électoral est toujours aussi brûlante et les stigmates des « Évènements » sont encore profonds, la crise actuelle en est l’illustration.

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