Nouvelle-Calédonie : Macron, Attal, Darmanin… la sortie de crise est aussi liée au casting politique
POLITIQUE - « Si le président s’apprête à faire autant de kilomètres pour aller sur ce territoire français du Pacifique, c’est parce qu’il croit que sa présence physique pour inciter les uns et les autres à dialoguer peut-être utile. » Voilà comment l’entourage présidentiel justifiait le déplacement d’Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie, quelques heures avant que son avion s’envole le 22 mai. Mais la reprise en main par l’Élysée intervient aussi à un moment où les autres interlocuteurs possibles au gouvernement sont persona non grata ou manquent d’expérience sur ce dossier sensible.
Avant Emmanuel Macron, un autre président de la République s’était déjà envolé en urgence pour le Caillou : François Mitterrand en 1985 alors que l’archipel était en proie à des émeutes après la mort d’un jeune caldoche et du leader du FLNKS Eloi Machoro.
Cette visite exceptée, le dossier calédonien est alors géré par Matignon sous la supervision de l’Élysée. Les différents accords négociés, ciment de la relation entre Paris et Nouméa pour les 30 ans qui suivent, en témoignent. En 1988, le Premier ministre Michel Rocard conclut les accords de Matignon-Oudinot. Dix ans plus tard, l’accord de Nouméa est signé par Lionel Jospin, chef du gouvernement de Jacques Chirac.
Le départ d’Édouard Philippe, le point de rupture
Élu en 2017 à l’Élysée, Emmanuel Macron sait que c’est sous sa présidence que devront être mis en place les référendums d’autodétermination prévus par l’accord de Nouméa. Il perpétue la tradition et charge Édouard Philippe de cette mission. Le chef du gouvernement multiplie les réunions, organise le premier scrutin de novembre 2018. Sur le plan logistique, l’élection est réussie : plus de 80 % de participation, avec une victoire du « non » à l’indépendance.
Puis, en juillet 2020, alors que la date du 2e référendum est déjà arrêtée, Édouard Philippe est remplacé par Jean Castex. Et tout change : après le maire du Havre, « il n’y a plus eu de pilote à Matignon », estime dans Le Monde Jean-François Merle, ancien conseiller de Michel Rocard pour les Outre-mer.
Dans le gouvernement Castex, c’est le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu qui reprend le dossier. Il est aux manettes pour le scrutin d’octobre 2020 qui se déroule aussi sans encombre : victoire du « non », participation à 85 %. Arrive alors l’organisation du troisième.
Un compromis est trouvé pour décembre 2021. Mais la pandémie de Covid-19 frappe et les indépendantistes demandent en vain un report du scrutin. Ils appellent finalement au boycott et ne reconnaissent pas la large victoire du « non » qui a eu lieu avec seulement 43 % de participation. C’est le début de la glaciation des relations entre les représentants de l’État et les élus kanaks calédoniens.
L’impartialité de Lecornu et Darmanin en question
Au lendemain du scrutin, les indépendantistes estiment le dialogue avec Paris « rompu ». Six mois plus tard, Gérald Darmanin voit les Outre-mer intégrés à son portefeuille de ministre de l’Intérieur. Agacement général dans les Outre-mer, qui perdent leur ministère de plein exercice.
Pire, Sonia Backès, présidente de la province du Sud et loyaliste convaincue entre au gouvernement, qui plus est sous la tutelle de Gérald Darmanin, où elle est chargée de la Citoyenneté. Chez les indépendantistes, cette arrivée est perçue comme la perte de l’impartialité de l’État. « L’État est devenu un État partisan, plus du tout objectif », réagissait ainsi à l’époque Daniel Goa, président de l'Union Calédonienne (FLNKS).
Gérald Darmanin conserve la main sur le dossier et se met d’ailleurs régulièrement en scène. Mais la crédibilité du gouvernement est attaquée. Au point, rapportent Libération et Mediapart, que les indépendantistes ont fait de l’exclusion de Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin un préalable à toutes discussions avec Emmanuel Macron le 23 mai à Nouméa. « On n’a pas voulu que les deux assistent : Lecornu est responsable de la situation et l’autre, c’est sa méthode à la con qui nous a amenés dans le mur. On ne peut plus discuter avec eux », confirme Roch Wamytan, président indépendantiste du Congrès calédonien à nos confrères.
Une visite prochaine d’Attal ?
Dès lors, ne restait plus qu’Emmanuel Macron comme interlocuteur sur place. Quid du Premier ministre et de (feu) l’usage ? Gabriel Attal n’a pas fait partie du voyage. À 35 ans, celui qui reconnaît sans difficulté qu’il « n’était pas né au moment des premiers accords de Matignon en 1988 » s’est fait discret lors des émeutes.
Dans La Tribune ce dimanche 26 mai, il tient cependant à balayer les critiques en ce sens. « Je considère que mon rôle est d’intervenir sur les dossiers interministériels qui concernent l’ensemble des politiques gouvernementales. La Nouvelle-Calédonie en fait évidemment par essence partie, a fortiori dans un moment de crise comme aujourd’hui », assure-t-il, rappelant qu’il a présidé des cellules interministérielles de crise et réunit les parlementaires.
Depuis le début de la crise certes. Mais le Premier ministre nommé en janvier dernier n’a pas encore eu l’occasion de se rendre sur le Caillou. Alors que pendant ce temps, Gérald Darmanin s’y rendait en février pour discuter réforme du corps électoral, avec la suite que l’on sait. Ce 26 mai, Gabriel Attal assure qu’il s’impliquera dans le dossier, à la demande du président de la République lui-même. Il n’exclut pas de se rendre à son tour dans l’archipel, « en fonction de l’utilité » de son déplacement. Aussi de l’évolution de la situation sur place. Et de l’accueil qui lui sera réservé par les deux camps. En attendant, c’est un trio de hauts fonctionnaires connaisseur du dossier qui a été choisi pour mener la mission de dialogue.
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