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Dans son nouvel album, Largo Winch s'envole vers l'espace sur les traces d'Elon Musk

Un détail du 17e tome de Largo Winch - Dupuis
Un détail du 17e tome de Largo Winch - Dupuis

Trente et un ans après sa création, Largo Winch continue de surprendre. La saga dessinée par Philippe Francq et désormais écrite par Eric Giacometti s'envole pour l'espace à l'occasion de son 23e tome, La Frontière de la nuit, en librairie à partir de ce vendredi.

Dans cet album qui renoue avec les intrigues internationales et l'ambiance aventurière des premiers tomes, le milliardaire humaniste se retrouve piégé dans un vol suborbital en compagnie d'une espèce d'Elon Musk, un magnat de la Silicon Valley baptisé Jarod. Toute ressemblance avec les récents vols de Richard Branson et Jeff Bezos est purement fortuite: l'idée anime Philippe Francq depuis quatre ans.

Si Largo Winch a toujours dialogué avec l'actualité, force est de constater que Philippe Francq a eu le nez particulièrement creux avec cette histoire qui explore les arcanes de la Silicon Valley et de l'industrie spatiale. Mais comment a-t-il fait pour savoir que ce sujet serait autant au goût du jour en novembre 2021?

"C’était facile. Il faut vraiment ne pas être grand devin pour savoir qu’il allait y avoir des vols suborbitaux. Richard Branson, ça fait plus de dix ans qu’il essaye de mettre sa navette au point. Fatalement, quand on dépense autant d’argent sur de tels projets, on sait qu’à un certain moment ça va se concrétiser", répond le dessinateur, qui a mis les bouchées doubles pour sortir cette année. "J’avais peur qu’on arrive trop tard. Je ne voulais pas arriver bon dernier."

"Les vols suborbitaux ne représentent aucun bénéfice"

L'album permet de mieux comprendre les ressorts de l’industrie du spatial, qui va dépasser les 1000 milliards de dollars de recettes d’ici 2030. Mais le secteur n'est pas aussi porteur qu'on le croit, précise Philippe Francq: "On le dit dans l’album, les vols suborbitaux ne représentent aucun bénéfice. Ça coûte aussi cher que ça ne rapporte de l’argent. Ce n’est rien par rapport au marché des satellites. C’est là que se trouve la vache à lait pour les investisseurs." Est-ce un conseil pour les lecteurs? "Non, il n’y a pas de conseil", s'amuse le dessinateur. "C’est un constat."

La Frontière de la nuit - titre poétique en référence à la ligne de Kármán, qui délimite l'atmosphère terrestre et l'espace - sort au bon moment, se félicite le dessinateur: "Il sort au moment où [les vols touristiques spatiaux] sont déjà entrés dans la culture des gens. Ce qui est très drôle, c’est qu'Eric a écrit une histoire avec un type qui s’appelle Jarrod et au début de l’année on a appris qu’un Jared Isaacman avait payé un vol Space X à trois autres personnes pour quatre jours autour de la terre."

L'album, qui a bénéficié de l'expertise du spationaute Jean-François Clervoy, retranscrit fidèlement l'impression de participer à un vol suborbital. "De temps en temps, il rectifiait le tir et il me donnait des conseils. Je voulais plonger le spectateur dans cette sensation bizarre qu’est l’absence de pesanteur", explique Francq, qui a eu la chance de faire il y a quelques mois un vol en Zéro G. De son côté, Eric Giacommetti a fait des repérages dans l’usine de fabrication de satellite de Thales dans le sud de la France.

"L’un des cadres de cette société était un grand lecteur de Largo", raconte le scénariste. "Il nous a un peu favorisé les choses. En visitant cette unité d’assemblage, je lui ai demandé où assassiner quelqu’un. Et là il me dit qu’il y a un endroit très précis où ce serait pas mal, une chambre acoustique où sont balancés des sons très forts, l’équivalent de vingt Airbus. Imaginez ce que ça peut vous provoquer dans les tympans! Ça vous grille le cerveau. C’est très spectaculaire. Tout ça c’est du pain béni pour un scénariste et pour un dessinateur."

Largo dans le XXIe siècle

Avec le précédent diptyque L'Étoile du matin / Les Voiles écarlates, Francq et Giacometti avaient déjà fait entrer Largo Winch dans le XXIe siècle en le confrontant notamment aux réseaux sociaux. Avec La Frontière de la nuit, Largo, symbole d'une économie à l'ancienne avec ses industries polluantes, est menacé par la nouvelle économie, incarnée par la Silicon Valley.

La Frontière de la nuit est aussi le premier tome délesté du poids de Jean Van Hamme, cocréateur de la série qui a quitté le navire en 2015. Eric Giacometti se sent enfin à l’aise avec Largo: "J’ai moins de contraintes", reconnaît-il. "Dans L'Etoile du matin, il fallait que je fasse le lien avec le précédent diptyque, que je récupère les anciens méchants qui n’avaient pas eu sa juste récompense. Il fallait défiscaliser Largo et il fallait qu’on revienne à des fondamentaux économiques, renouer avec ce qu’était OPA. Là, j’avais moins de contraintes, on est plus dans l’aventure."

Le prochain album, Le Centile d’or, sortira en novembre 2023. Largo y poursuivra sa course vers les étoiles et affrontera les ultra-riches parmi les ultra-riches.

Article original publié sur BFMTV.com