L'UE condamne l'utilisation des migrants par Ankara "à des fins politiques"

L'UE CONDAMNE L'UTILISATION DES MIGRANTS PAR ANKARA "À DES FINS POLITIQUES"

ZAGREB (Reuters) - La décision de la Turquie de ne plus retenir les réfugiés sur son territoire est inacceptable et l'Union européenne rejettera toute pression politique de ce genre, ont déclaré vendredi les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept réunis à Zagreb.

"L'UE réaffirme sa profonde inquiétude concernant la situation à la frontière gréco-turque et rejette vivement l'utilisation par la Turquie de cette pression migratoire à des fins politiques", déclarent-ils dans un communiqué.

"La situation à la frontière extérieure de l'UE n'est acceptable", poursuivent les ministres qui ajoutent, à l'attention d'Ankara: "Les migrants ne doivent pas être encouragés à tenter d'entrer illégalement par terre ou par mer."

Alors que les ministres se retrouvaient à Zagreb, de nouvelles tensions ont éclaté vendredi matin, comme les jours précédents, à la frontière entre la Grèce et la Turquie où des gaz lacrymogènes ont été tirés du côté turc en direction de garde-frontières grecs mobilisés pour repousser des migrants.

La frontière terrestre entre les deux pays a basculé dans la crise depuis que la Turquie a annoncé le 28 février dernier qu'elle ne retiendrait plus les réfugiés syriens sur son territoire, se désengageant d'un accord conclu en 2016 avec l'Union européenne.

Plusieurs milliers de migrants ont tenté depuis de passer en Grèce.

"MONNAIE D'ÉCHANGE"

Selon un journaliste de Reuters, les forces grecques ont fait usage vendredi matin d'un canon à eau pour repousser une foule se rassemblant à la frontière. L'intervention a été suivie par des tirs de gaz lacrymogènes en provenance du côté turc.

Un responsable gouvernemental grec a affirmé que ces tirs de la police turque visaient à aider les migrants à franchir la ligne de démarcation, ajoutant que ces opérations étaient "coordonnées au moyen de drones".

La Grèce, qui estime que ces tensions frontalières constituent une menace contre sa sécurité nationale, et l'Union européenne, qui redoute de revivre la crise migratoire de 2015, accusent la Turquie d'avoir délibérément favorisé ce nouvel afflux de réfugiés pour faire pression sur Bruxelles.

Ankara, disent-elles, chercherait à obtenir davantage de moyens financiers pour prendre en charge les migrants ou un soutien diplomatique à ses visées géopolitiques dans le conflit syrien.

A son arrivée à Zagreb, Josep Borrell, Haut Représentant de l'UE pour la politique extérieure, avait déclaré qu'il était inacceptable qu'on se serve de ces derniers comme d'une "monnaie d'échange".

"Un gros fardeau pèse sur la Turquie et nous devons le comprendre", a-t-il dit. "Mais en même temps, nous ne pouvons pas tolérer que des migrants soient utilisés comme un moyen de pression."

La Turquie, qui accueille déjà 3,7 millions de réfugiés syriens, explique de son côté qu'elle ne pourra pas s'occuper des centaines de milliers d'habitants de la région syrienne d'Idlib qui fuient l'offensive menée depuis la fin de l'année dernière par les forces gouvernementales syriennes avec l'appui de la Russie.

La Russie et la Turquie se sont entendues jeudi sur un cessez-le-feu dans la province syrienne d'Idlib.

(Robin Emmott avec Lefteris Papadimas à Kastanies, en Grèce; version française Henri-Pierre André, édité par Blandine Hénault)