De nouveaux réacteurs nucléaires construits plus vite ? Le Sénat vote en première lecture une loi en ce sens

Le projet de loi d’accélération du nucléaire a été adopté par le Sénat ce 24 janvier. Objectif : gagner des dizaines de mois pour construire des réacteurs.

NUCLEAIRE - Le premier pas de « la relance du nucléaire en France ». Le Sénat a adopté ce mardi 24 janvier en première lecture, par 239 voix contre 16, un projet de loi favorisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, complété de dispositions controversées, comme la suppression du plafonnement à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici à 2035.

Outre Les Républicains et les centristes, ont voté en faveur du texte les groupes RDPI à majorité Renaissance et Indépendants et la majeure partie du groupe RDSE à dominante radicale. Les écologistes ont voté contre, les groupes PS et CRCE à majorité communiste se sont abstenus.

Députés et sénateurs se sont réunis par ailleurs ce mardi soir en commission mixte paritaire pour tenter de trouver un compromis sur le premier volet du triptyque législatif du gouvernement sur l’énergie, le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables.

Faire sauter les « verrous » de la loi de programmation des énergies

Les sénateurs ont élargi la portée de ce texte technique, en faisant sauter des « verrous » de l’actuelle loi de programmation des énergies. Ils ont notamment supprimé l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2035 et imposé la révision du décret qui prévoit la fermeture de 12 réacteurs existants, en plus des deux de Fessenheim.

Après ces deux textes techniques portés par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, est attendu, au mieux en juin, le projet de loi de programmation énergétique qui doit fixer les trajectoires de la France dans chaque énergie.

Un calendrier contesté par les parlementaires, qui reprochent au gouvernement de légiférer dans le désordre. « Il nous faut respecter le débat public », a insisté la ministre.

« L’immense chantier pour la relance du nucléaire en France »

L’objectif du projet de loi est de faciliter la construction de nouveaux réacteurs pour concrétiser une politique nucléaire qu’Emmanuel Macron veut « ambitieuse et durable ». C’est « la première pierre d’un immense chantier pour la relance du nucléaire en France », a souligné Bernard Buis (RDPI). Quelques mois avant la présidentielle de 2022, le chef de l’État avait surpris en disant vouloir construire six réacteurs et en envisager huit autres.

Aucune nouvelle centrale n’est prévue, les réacteurs devant être construits sur des sites déjà existants. Il y a actuellement 56 réacteurs dans l’Hexagone (32 de puissance 900 mégawatts électriques répartis sur huit centrales, 20 de puissance 1 300 MWe sur huit centrales et 4 de 1 450 MWe sur deux centrales), comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessous. Mais tous ne fonctionnent pas : 13 sont actuellement à l’arrêt.

Le parc nucléaire français (source HuffPost)
Le parc nucléaire français (source HuffPost)

Un autre réacteur est en cours de construction. Il s’agit de l’EPR de Flamanville (Manche) dont l’entrée en vigueur – initialement prévue en 2012 – est désormais attendue pour 2023. Les six nouveaux réacteurs, dit EPR2, sont envisagés pour 2035 à Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord) et au Bugey (Ain) ou à Tricastin (Drôme).

Les sénateurs ont en outre adopté des amendements visant à intégrer les risques liés au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs et la cyber-résilience. Ils ont souhaité mieux associer les collectivités locales et ont alourdi les peines sanctionnant les intrusions dans les centrales.

Simplifier les procédures et aller plus vite

La prévision de 2035 est optimiste et nécessite un projet de loi pour accélérer les délais de construction. Agnès Pannier-Runacher espère gagner jusqu’à 56 mois sur la construction en simplifiant les procédures administratives pour la construction de nouvelles installations à proximité de sites nucléaires existants.

Concrètement, les sites seront dispensés d’autorisation d’urbanisme car le contrôle de conformité serait assuré par l’État. Le droit d’expropriation sera assoupli. Et les travaux sur les bâtiments non destinés à recevoir des substances radioactives pourront être engagés avant clôture de l’enquête publique. Selon la ministre, ces dispositions permettront « de ne pas ajouter un délai de deux à trois années à la construction d’un réacteur ». Agnès Pannier-Runacher a avancé l’objectif de 2027 - « plutôt fin 2027 » - pour « la première coulée de béton » et « 2035-2037 » pour la mise en service.

Le projet de loi est borné à des installations nouvelles situées sur des sites nucléaires existants, ou à proximité. Cela pour une durée limitée à 15 ans dans le texte initial, portée à 27 ans par le Sénat.

Des dispositions qui pourront être revues dans la suite de la navette parlementaire mais qui ont suscité de vives réactions.

« Une mascarade démocratique »

Greenpeace France et le réseau Sortir du nucléaire ont annoncé dans un communiqué commun « quitter le débat public » en cours sur de futurs réacteurs, dénonçant « une mascarade démocratique ».

Les organisateurs de ce débat public s’étaient eux aussi alarmés de la tournure des discussions au Sénat. Chantal Jouanno, la présidente de la Commission nationale du débat public, « est en dehors des réalités », a réagi Gérard Longuet (LR) dans l’hémicycle. L’écologiste Daniel Salmon a fustigé « un panel de mesures pour une relance maximaliste du nucléaire ».

« Le nucléaire doit être le fer de lance de la politique énergétique française pour les 30 années à venir », a affirmé la centriste Amel Gacquerre, relevant toutefois que « des questions centrales ne sont pas abordées » dans le texte, notamment le financement.

La France, qui tire du nucléaire environ 70 % de son électricité, avait décidé en 2015 la fermeture de 14 de ses 58 réacteurs, avant un revirement annoncé par le président de la République en faveur d’un nouveau nucléaire.

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