Nouveaux fronts, offensive russe, hiver... Pourquoi l'Ukraine s'attend à une "escalade" de la guerre

Au 20e mois du conflit entre l'Ukraine et la Russie, les affrontements se poursuivent sur plusieurs fronts à l'approche d'un hiver que beaucoup redoutent comme rigoureux. Malgré une situation géopolitique mondiale trouble, Kiev continue d'insister sur l'importance vitale de l'aide militaire occidentale.

La guerre continue, encore et toujours. Depuis le 24 février 2022, et l'invasion d'une partie de l'Ukraine par la Russie, des soldats de Kiev et Moscou se battent sans relâche pour défendre des positions qui, au fil des mois, tendent à se figer.

À l'approche de l'hiver, qui s'était révélé l'année dernière extrêmement rude pour la population ukrainienne, et dans un contexte où les regards sont tournés vers le conflit entre Israël et le Hamas, Volodymyr Zelensky a multiplié ces derniers jours les appels à continuer à aider son armée face à l'envahisseur.

Un conflit moins médiatisé mais pas encore oublié

Alors que le monde entier est focalisé sur le Proche-Orient depuis le 7 octobre et l'attaque terroriste du Hamas en Israël faisant plus de 1.300 morts, suivie par une riposte sanglante de l'État hébreu à Gaza, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a craint, à plusieurs reprises, que ce conflit ne détourne l'attention occidentale de l'Ukraine.

"Chers amis, nous devons gagner la bataille de l'hiver contre la terreur", a-t-il par exemple déclaré la semaine dernière devant les pays membres du groupe de Ramstein, qui tire son nom de celui de la base américaine en Allemagne où ces pays se sont retrouvés pour la première fois afin de coordonner leur soutien militaire à l'Ukraine.

Depuis, plusieurs forces occidentales, comme les États-Unis ou la France, ont rassuré le chef d'État ukrainien. D'après une source proche à l'AFP, Joe Biden, qui a réaffirmé son soutien à son homologue ukrainien, va réclamer au Congrès une enveloppe commune de 100 milliards de dollars pour l'Ukraine, Israël, Taïwan et la crise migratoire à la frontière entre les États-Unis et le Mexique

L'Ukraine a d'ailleurs utilisé pour la première fois contre la Russie des missiles américains de longue portée ATACMS, a annoncé mardi le président Volodymyr Zelensky.

"Les accords que nous avons conclus avec le président (Joe) Biden sont en train d'être mis en œuvre. Ils sont mis en œuvre de manière très précise : les ATACMS ont fait leurs preuves", s'est félicité Volodymyr Zelensky dans son allocution quotidienne diffusée sur les réseaux sociaux.

De son côté, Emmanuel Macron lui a assuré du soutien des Européens malgré la "multiplication des crises". "La multiplication des crises n'affaiblira en rien le soutien français et européen à l'Ukraine, qui demeurera aussi longtemps que nécessaire", a-t-il souligné lors d'une conversation téléphonique, a rapporté l'Élysée.

Plusieurs fronts et une guerre de position

Si Volodymyr Zelensky alerte ses alliés sur un besoin constant d'aide et les remercie pour leur "soutien vital", le conflit se poursuit bien, et sur plusieurs fronts.

"La guerre de haute intensité se poursuit malgré le désintérêt médiatique. Moscou veut profiter de la situation à Gaza pour poursuivre son travail de sape de l'unité européenne", a affirmé à BFMTV.com, le général Jérôme Pellistrandi.

Au quatrième mois de la contre-offensive ukrainienne - qui progresse sporadiquement au Sud et aux abords de la ville martyr de Bakhmout (est) selon Kiev et a "échoué" selon Vladimir Poutine - l'armée russe a lancé ses propres offensives en direction de Koupiansk (nord-est) et, depuis le 10 octobre, en direction d'Avdiïvka (est).

"Sur le front, la situation est relativement stable avec des pertes importantes de part et d’autre", a commenté Jérôme Pellistrandi.

C'est le cas à Avdiïvka, une cité industrielle du Donbass qui s'est retrouvée sur le front bien avant l'invasion russe de février 2022. Depuis 2014, des forces séparatistes pilotées par Moscou tentent en vain de la conquérir et d'en conserver le contrôle.

Érigée autour d'une vaste usine métallurgique, la ville est située à 13 km au nord de Donetsk, la capitale, sous contrôle russe, de la région éponyme dont le président russe Vladimir Poutine a revendiqué l'annexion il y a un an.

L'armée russe y est donc passée à l'offensive le 10 octobre dernier pour tenter de l'encercler, mais les forces ukrainiennes, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux, ont infligé de lourdes pertes aux Russes. Même si la situation est "plus calme" ces derniers jours, le maire de la ville s'attend à une "escalade" de l'offensive russe "dans les jours à venir".

Parallèlement, Moscou poursuit ses bombardements nocturnes des zones urbaines ukrainiennes comme sur Zaporijia (sud) ou la région de Dnipropetrovsk (centre-est).

La crainte d'un hiver rigoureux

En ce milieu d'automne, le spectre d'un hiver rigoureux inquiète en Ukraine. L'hiver dernier a été marqué par une campagne de bombardements russes sur les infrastructures ukrainiennes qui a régulièrement plongé des millions de personnes dans le froid et le noir.

Début octobre, Volodymyr Zelensky a assuré que la Russie chercherait cet hiver à "détruire" le système électrique de son pays. Une thèse que partage le consultant Défense de BFMTV: "Les Russes ont tout intérêt à maintenir la pression. Ils vont sûrement adopter la même stratégie que l'hiver dernier et frapper les centrales électriques."

Selon le président ukrainien, son peuple se prépare donc à "la protection des installations de production et à la fourniture d'électricité et de chaleur, à la restauration de tout ce qui a été endommagé par les frappes".

"Il est très important de gagner cet hiver, de surmonter toutes les difficultés et d'assurer la protection de notre peuple", a encore martelé Volodymyr Zelensky.

Une évolution encore incertaine

Au-delà de ces prochains mois, l'attitude que vont adopter les deux belligérants, en plein conflit qui s'installe dans la durée, reste encore floue. "Nous entrons dans une phase d'industrialisation de la guerre, mais la guerre va continuer. Toutefois, les ressources européennes deviennent limitées", a alerté Jérôme Pellistrandi.

"En fonction des aides de l'Occident, des questions subsistent sur des choix déterminants qui vont être faits: la Russie va-t-elle se contenter des 17% du territoire ukrainien qu’elle occupe ou relancer son invasion au printemps?"

Même constat côté ukrainien: la tentation d'une nouvelle contre-offensive pourrait naître après avoir résisté durant l'hiver. Un changement de stratégie a d'ailleurs été observé ces dernières semaines. Kiev a multiplié les attaques de drones loin derrière les lignes ennemies, en territoire russe, ce qu'elle ne faisait que très rarement au début du conflit.

La Russie a encore affirmé en avoir détruit 28 dans la nuit de mardi à mercredi, au-dessus des régions frontalières de Koursk et de Belgorod, ainsi qu'en mer Noire.

Les forces spéciales ukrainiennes ont, elles, affirmé avoir mené des frappes destructrices contre deux aérodromes de l'armée russe à Lougansk et Berdiansk, en zones occupées par la Russie dans l'Est et le Sud de l'Ukraine.

L'opération baptisée "Dragonfly" (libellule en anglais) a permis la destruction de pistes de décollage, de neuf hélicoptères, d'un système antiaérien et d'un entrepôt de munitions, selon un communiqué publié sur Telegram par les forces spéciales ukrainiennes.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Guerre en Ukraine : Kyiv annonce sa plus grande offensive contre les équipements aériens russes