Notre-Dame: La famille Pinault renonce à son avantage fiscal

La famille Pinault, actionnaire majoritaire du groupe Kering, a annoncé mercredi, après un début de polémique, qu'elle renonçait à tout avantage fiscal lié au don qu'elle va consentir pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris. /Photo prise le 12 février 2019/REUTERS/Benoit Tessier

PARIS (Reuters) - La famille Pinault, actionnaire majoritaire du groupe Kering, a annoncé mercredi, après un début de polémique, qu'elle renonçait à tout avantage fiscal lié au don qu'elle va consentir pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris.

L'ampleur des promesses de dons consenties par les grandes fortunes françaises - les familles Pinault, Arnault (propriétaire de LVMH) et Bettencourt, premier actionnaire de L'Oréal - a déclenché des débats sur le manque à gagner que représentent pour l'Etat les réductions fiscales permises par la loi sur le mécénat.

La famille Pinault s'est engagée mardi à apporter 100 millions d'euros à l'ouvrage de reconstruction de la cathédrale, suivie de près par Bernard Arnault, qui a porté son don à 200 millions d'euros (partagés entre sa holding familiale et le groupe LVMH), et par la famille Bettencourt et le groupe l'Oréal, engagés à hauteur de 200 millions d'euros également.

Depuis la loi Aillagon de 2003, les entreprises françaises investissant dans le mécénat peuvent déduire de leurs impôts 60% des dépenses engagées, dans la limite de 0,5% de leur chiffre d'affaires.

"Comme pour le musée de la Bourse de Commerce de Paris, la famille ne fera pas valoir l'avantage fiscal auquel ce don pourrait prétendre dans le cadre de la loi de 2003 sur le mécénat", déclare Artemis, holding familiale des Pinault, dans un communiqué.

La famille Pinault considère "qu’il n'est pas question d'en faire porter la charge aux contribuables français", tient-elle à préciser.

Cette décision a été qualifiée de "logique et saine" par Joël Giraud (LaREM), rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.

Il avait alerté l'opinion dans une interview au Monde sur le coût important pour les finances publiques et le contribuable qu'allait représenter l’avantage fiscal relatif aux dons les plus importants pour reconstruire Notre-Dame.

PAS DE "TRÉSOR NATIONAL" POUR NOTRE-DAME

Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture aujourd'hui conseiller de François Pinault, avait dit souhaiter, dans un tweet publié lundi, que l’Etat décrète Notre-Dame "trésor national" de façon à ce que les dons pour sa reconstruction bénéficient de la réduction d’impôt de 90% prévues par la loi.

Cette proposition a été rejetée par le ministre de la Culture Franck Riester, qui a rappelé que ce dispositif était réservé aux oeuvres risquant de sortir du territoire.

Interrogés, LVMH, la famille Bettencourt et le groupe L'Oréal se sont refusés à tout commentaire sur cette question fiscale.

Concernant l'ampleur de la somme engagée par Bernard Arnault et le groupe LVMH, un porte-parole du groupe de luxe a déclaré que ce montant "majeur" était "à la hauteur de la responsabilité d'un groupe lui aussi dépositaire du patrimoine français".

Il a assuré qu'il ne s'agissait pas d'une question d'image et que "la seule question" consistait à "mobiliser le maximum de fonds pour répondre à cette situation d'urgence, au-delà de tout calcul fiscal et comptable".

Dans un rapport publié en novembre 2018 sur le mécénat, la Cour des Comptes a jugé que la Fondation Louis Vuitton, détenue par LVMH, constituait "un cas exceptionnel par son ampleur des possibilités offertes par la législation fiscale (...) afin de développer un projet culturel ambitieux tout en assurant la promotion de la marque principale d'un groupe".

Initialement annoncé à 100 millions d'euros, le coût du bâtiment conçu par l'architecte américain Frank Gehry s'est finalement établi à 790 millions. Ses coûts annuels de fonctionnement sont aussi très élevés.

Comme d'autres, la Fondation Vuitton suscite des réflexions sur les évolutions des politiques de mécénat des entreprises, face à "l'importance des retombées médiatiques des actions menées" et au "coût fiscal élevé pour l'Etat", ajoutait la Cour.

(Pascale Denis, édité par Dominique Rodriguez)