En Norvège, l’ex-Première ministre et une ministre appelées à démissionner à cause de leurs maris
NORVÈGE - Erna Solberg est l’ancienne Première ministre norvégienne et cheffe du Parti conservateur. Anniken Huitfeldt est l’actuelle ministre des Affaires étrangères. Mais chacune d’entre elles est désormais appelée à démissionner à cause des actions de leurs maris.
En Norvège, ces deux femmes politiques de premier plan sont au cœur d’une controverse nationale. En cause ? Des transactions boursières effectuées en douce par leurs maris alors qu’elles occupaient des postes à hautes, voire très hautes responsabilités.
Il « a boursicoté beaucoup plus que ce qu’il ne m’a dit »
Vendredi, l’ex-Première ministre conservatrice Erna Solberg a donné une conférence de presse où elle a reconnu qu’une « une grave rupture de confiance » venait d’avoir lieu dans son foyer.
Au bord des larmes, cette femme politique de 62 ans a admis que les multiples opérations boursières réalisées par son mari, Sindre Finnes, pendant qu’elle dirigeait le pays auraient dû, à cause des risques de conflits d’intérêts, la rendre incompétente pour certaines décisions qu’elle a prises.
Responsable dans une organisation patronale, son mari « a boursicoté beaucoup plus que ce qu’il ne m’a dit », a expliqué l’ancienne cheffe du gouvernement norvégien entre 2013 et 2021.
Il faut dire qu’en huit ans, Sindre Finnes a réalisé pas moins de 3 640 opérations boursières qui ont débouché sur 1,8 million de couronnes (environ 157 000 euros) de gains, selon une liste réalisée par l’intéressé à la demande de Erna Solberg. Il s’agirait d’actions et de produits impliquant notamment le producteur d’aluminium contrôlé par l’État norvégien Norsk Hydro.
« La liste montre que Sindre n’a pas été honnête avec moi quand j’étais Première ministre ni quand je l’ai confronté sur cette affaire », a-t-elle affirmé. À ce stade, le nombre et la nature des décisions prises sur fond de possibles conflits d’intérêts ne sont pas encore connus, mais Erna Solberg a assuré ne pas avoir fourni à son époux d’informations susceptibles de constituer un délit d’initié.
Comme le souligne The Guardian, Sindre Finnes a bel et bien reconnu avoir menti à sa femme au sujet de ces transactions dans une déclaration transmise par son avocat. En revanche, l’homme nie avoir agi sur la base d’informations privilégiées, ce qui aurait alors constitué une infraction pénale.
Huitfeldt soutenue par son Premier ministre
Cette première affaire fait directement suite à celle impliquant Anniken Huitfeldt. Cette dernière avait en effet admis que son propre mari, Ola Flem, avait pris part à des négociations d’actions au sein de sociétés dans lesquelles ses décisions auraient pu être affectées.
Par conséquent, le gouvernement norvégien a recadré sa ministre des Affaires étrangères pour ne pas avoir maîtrisé les activités financières de son mari. Et Anniken Huitfeldt a été la première à reconnaître qu’elle aurait dû « demander à (s)on mari quelles actions il possédait ».
The Guardian précise toutefois que la femme politique de 53 ans n’était pas au courant des conflits d’intérêts à l’œuvre dans ces négociations. Anniken Huitfeldt a d’ailleurs assuré qu’elle était soutenue par son Premier ministre Jonas Gahr Støre et qu’elle conservait donc son poste.
Appels à la démission
Dans un pays où le niveau de confiance dans la politique et ceux qui la font reste très haut, cette affaire a particulièrement indigné. Et des appels à la démission des deux femmes politiques ont été largement relayés.
Parmi eux, celui de Rasmus Hansson, membre du Parti de l’environnement-Les Verts. « Se retirer. Maintenant. S’il vous plaît », a-t-il notamment écrit sur son compte Facebook pour demander la démission d’Erna Solberg et Anniken Huitfeldt.
Et s’il ne semble pas s’en prendre directement aux deux femmes, « peut-être uniquement responsables d’avoir été trompées par leurs maris et d’avoir trop mal suivi », il leur revient de « sauver les restes de la réputation de la politique norvégienne », « dangereusement entachée » après ces affaires.
Il leur reproche toutefois une forme de responsabilité, d’où son appel à la démission dans lequel il réclame aux partis respectifs des deux femmes politiques une décision en ce sens.
Ces révélations ont également soulevé des appels à l’ouverture d’une enquête policière, mais selon le Financial Times, l’Autorité norvégienne chargée des enquêtes et des poursuites en matière de criminalité économique et environnementale n’a pas engagé d’enquête contre Anniken Huitfeldt.
En Norvège, les responsables politiques et leurs conjoints sont tenus de se familiariser avec un « manuel de la gestion politique ». Un fascicule de 47 pages qui aborde notamment la question des finances privées et des conflits d’intérêts. Mais cette affaire survient dans un contexte particulier, car quatre ministres du gouvernement de centre gauche qui a succédé à celui d’Erna Solberg ont été récemment mis en cause pour des conflits d’intérêts. Deux ont d’ailleurs été contraints de démissionner.
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