Nomination de Djebbari chez Hopium: quelles sont les obligations des ministres qui se reconvertissent dans le privé?

L'hôtel de Matignon, siège du Premier ministre, le 26 mai 2021.  - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
L'hôtel de Matignon, siège du Premier ministre, le 26 mai 2021. - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

La société hexagonale Hopium, spécialisée dans les berlines à hydrogène qu'elle doit commercialiser à partir de 2025, a annoncé ce mardi que l'actuel ministre délégué chargé des Transports Jean-Baptiste Djebbari allait être proposé en tant qu'administrateur de son conseil d'administration. Sa nomination doit encore être approuvée lors de la prochaine assemblée générale de l'entreprise, le 20 juin. Sur les réseaux sociaux, de nombreux responsables politiques ont dénoncé cette annonce, qui intervient alors que le gouvernement de Jean Castex n'a pas encore déposé sa démission.

"Toujours ministre et déjà en lice pour entrer au conseil d'administration d'une entreprise liée à son portefeuille. La République opportuniste", a déclaré l'eurodéputée insoumise Manon Aubry. "Hier en charge de réaliser le plan hydrogène de 7 milliards d'investissements publics. Aujourd'hui nommé administrateur d'un constructeur de voitures 100% hydrogène qui profite dudit plan. Choquant", a abondé le maire adjoint de Paris David Belliard.

Malgré ces critiques, dans un avis daté du 22 mars et rendu public ce mardi, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a validé le projet de reconversion professionnelle du ministre délégué chargé des Transports, qu'il avait lui-même saisie pour consultation. Pour tenter d'y voir plus clair, BFMTV.com revient sur ce qui est autorisé, ou pas, quand d'anciens ministres se reconvertissent dans le privé à la fin de leur mandat.

• Une saisine obligatoire de la HATVP durant 3 ans

Comme le précise la HATVP sur son site, les anciens ministres, présidents d'exécutifs locaux et membres d'une autorité administrative indépendante en France doivent systématiquement saisir l'autorité s'ils souhaitent "pantoufler", c'est-à-dire basculer dans le secteur privé, et ceci pendant une durée de trois ans après la fin de leur mandat.

"Sont concernées les activités libérales (par exemple l’exercice de la profession d’avocat) ou les activités privées rémunérées au sein d’une entreprise publique ou privée (activité salariée, création d’une société, etc.) ainsi que celles exercées au sein d’un établissement public à caractère industriel et commercial ou au sein d’un groupement d’intérêt public à caractère industriel et commercial", précise la HATVP sur son site.

Cette dernière évalue alors si l'activité envisagée "pose des difficultés de nature pénale ou déontologique".

• Absence de lien de subordination durant le mandat

Pour que la HATVP valide un projet de reconversion, il faut que celui-ci réponde aux obligations émises par l'article 432-13 du code pénal. Ce dernier interdit à tout responsable public de travailler, au sens large, pour une entreprise qui était soumise à son pouvoir de surveillance ou de contrôle lorsqu'il exerçait des fonctions publiques, ou avec laquelle il a conclu des contrats, ou à l'égard de laquelle il a pris ou proposé des décisions.

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Si un ancien ministre ne se soustrait pas à cette obligation, il peut être condamné à trois ans de prison et 200.000 euros d'amende. En ce qui concerne la situation de Jean-Baptiste Djebbari, l'avis rendu par la HATVP assure qu'il "a attesté n’avoir accompli, dans le cadre des fonctions gouvernementales qu’il a effectivement exercées au cours des trois dernières années, aucun acte relevant de l’article 432-13 du code pénal à l’égard de la société Hopium ou d’une entreprise du même groupe au sens du deuxième alinéa de cet article".

• Ne pas porter atteinte à l'intégrité des fonctions

Les nouvelles fonctions que souhaitent exercer un ancien ministre ou secrétaire d'État à la fin de son mandat ne doivent également pas porter atteinte à l'image des responsabilités qu'il exerçait.

"Sur le plan déontologique, la Haute Autorité s’assure d’abord que l’activité envisagée ne porte pas atteinte à la dignité, à la probité et à l’intégrité des fonctions antérieures", peut-on lire sur le site de la Haute autorité.

• Prévenir les conflits d'intérêts

La HATVP s'assure ensuite qu'aucun conflit d'intérêt n'existe entre les fonctions publiques exercées précédemment et les nouvelles fonctions souhaitées dans le secteur privé.

"Un tel risque est plus fréquent lorsque la nouvelle activité est exercée dans le même secteur économique", indique ainsi l'autorité. "À ce titre, un responsable public ne peut pas se servir de ses fonctions pour préparer sa reconversion professionnelle".

Pour Jean-Baptiste Djebbari, là-encore, la HATVP n'a pas relevé de contre-indications majeures. "Si Monsieur Djebbari a rencontré le président-directeur général de la société Hopium à deux reprises dans le cadre de ses fonctions gouvernementales, en juin et septembre 2021, il a également rencontré plusieurs autres opérateurs du secteur de la mobilité hydrogène et, plus généralement, des mobilités 'propres'. En outre, la société Hopium n’a bénéficié d’aucune subvention publique".

• Réaliser une nouvelle déclaration de patrimoine

En plus de ces obligations, les anciens membres d'un gouvernement doivent, dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, transmettre une nouvelle déclaration de patrimoine à la HATVP, comme l'indique le site gouvernemental vie-publique.fr. Cette "déclaration de patrimoine terminale" a pour mission de récapituler l'ensemble des revenus perçus par le ministre ou le secrétaire d'État durant son mandat.

"L’objectif est de lutter contre la corruption en vérifiant que la personne ne s’est pas illégalement enrichie lorsqu’elle était au gouvernement", précise vie-publique.fr.

Article original publié sur BFMTV.com