Les nomades de Medellín, le retour des radioamateurs et l’étiquette de la géolocalisation

Faisons confiance à Rest of World pour nous écarter des sentiers battus et goudronnés de la tech occidentale. Le magazine américain, qui couvre avant tout l’innovation dans les pays en développement, nous emmène à Medellín, une ville longtemps connue comme le QG sordide des cartels colombiens, aujourd’hui muée en paradis des digital nomads. Pour la moitié d’entre eux états-uniens, ces techies errants, consultants, vacataires ou employés à distance, profitent à la fois de fuseaux horaires compatibles avec les États-Unis et du train de vie mirifique garanti par leurs salaires en dollars en Amérique du Sud. Rest of World applaudit les investissements publics dans les transports et les télécoms qui ont métamorphosé ce coupe-gorge mafieux en creuset d’innovation, mais il décrit aussi les dégâts causés par cette gentrification accélérée. Les majestueuses demeures coloniales abritent maintenant les mêmes espaces de coworking design et aseptisés qu’à New York ou Singapour, les mêmes cafés Internet aux tarifs Starbucks bondés de blonds et blondes aux yeux bleus.

Vu la demande, l’immobilier local est en proie à l’inflation. Dans un pays ou le revenu médian tourne autour de 300 euros mensuels, les “loyers gringos”, 1 300 dollars pour un deux-pièces dans un quartier correct, sont impraticables pour les Colombiens, qui commencent à grogner. La Colombie a instauré un visa de deux ans pour les nomades numériques, pour éviter qu’ils ne colonisent totalement la ville. L’enquête révèle aussi à quel point il est difficile de dénombrer précisément ces transfuges étrangers. Et pour cause : la plupart cachent à leur employeur leur véritable lieu de résidence. Va pour le télétravail, mais sur un autre continent…

Le vrai réseau social

Voilà l’une des ironies de notre ère de WhatsApp, du mail et de la communication instantanée via Internet et smartphone : les Américains sont plus nombreux que jamais à s’affranchir des câbles numériques pour bidouiller des radios à ondes courtes et converser dans le crachotis d’une technologie vieille d’un bon siècle. The Guardian confirme que la Californie, berceau de la tech, compte plus de 100 000 titulaires d’une licence de radioamateur. Leur nombre atteint 760 000 aux États-Unis, soit 60 % de plus qu’il y a quarante ans. Cet engouement rétro trahit avant tout une défiance envers la fragilité des technologies actuelles. En cette époque d’anxiété climatique, de feux de forêt et de tempêtes inédits, la nature peut venir à bout en une seconde des réseaux téléphoniques vitaux et des câbles d’Internet. D’où le regain d’intérêt pour l’increvable “low tech”, des émetteurs-récepteurs sur batterie qui continueraient de fonctionner après la catastrophe et représentent aussi, assure un passionné, “le réseau social originel”, libre d’algorithmes, de modérateurs et de calculs de marketing.

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