Noël Le Graët démissionne mais faut-il s’attendre à la FFF à des changements ?

FOOTBALL - La tête de la Fédération française de football est tombée… et maintenant ? Le président de la FFF Noël Le Graët, acculé par les polémiques et les accusations de harcèlement moral et sexuel, a finalement démissionné ce mardi 28 février, après un règne de 11 ans et plusieurs derniers mois d’obstination.

À la « 3F », c’est une large page du football français qui se tourne avec le départ de l’homme d’affaires de 81 ans - président de la Ligue professionnelle dès 1991 (jusqu’en 2000) avant de prendre la tête de la FFF en 2011 -, fragilisé depuis des mois par une mission d’audit accablante.

Ce rapport, diligenté par le ministère des Sports et rendu public le 15 février, pointait du doigt les « dérives de comportement » du « Prez » et « les méthodes brutales et le comportement jugé erratique » de la directrice générale de la Fédération, Florence Hardouin, mise à pied dès janvier.

Mais au-delà de ces deux personnalités, c’est toute l’organisation de la FFF, ainsi que sa lutte contre les violences sexistes et sexuelles, qui sont remises en cause dans l’audit. Est critiqué le « pouvoir très concentré, sans réel débat, ne favorisant pas l’expression politique des oppositions » au plus haut niveau de la fédération. « Le fonctionnement du Comex (comité exécutif, ndlr) illustre une faiblesse d’exercice démocratique », estime aussi le rapport. Selon ce dernier, le Comex est un lieu « de constats et de consensus », où « les projets, finalisés avant d’y être présentés, sont peu ou pas débattus ».

La FFF dénonce « un dénigrement disproportionné de l’instance »

Pourtant, ce mardi, aucune révolution n’a été annoncée à la FFF. À l’issue de la réunion, la « Fédé » a même tiré des conclusions très critiques du rapport d’audit, dans un communiqué dénonçant « un dénigrement disproportionné de l’instance ». « La FFF remarque que ce rapport ne fait état d’aucune défaillance systémique, ni d’aucun manquement à ses missions régaliennes. La FFF constate néanmoins que ce rapport se base moins sur des faits objectifs que des appréciations qui ont parfois conduit à un dénigrement disproportionné de l’instance », explique-t-elle.

« La FFF regrette aussi le défaut de réelle procédure contradictoire et l’absence de prise en compte des nombreuses observations formulées par la Fédération sur les sujets qui la concernent en matière de gouvernance et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles », a-t-elle ajouté, s’engageant toutefois à « retenir toutes les recommandations utiles de cet audit ».

Le Comex a aussi affiché son unité mardi : aucun autre membre n’a souhaité démissionner de manière individuelle après l’annonce de Noël Le Graët.

Mais ce n’est pas tout puisque Noël Le Graët a lui-même décider de contre-attaquer en demandant « l’annulation » du rapport d’audit devant la justice, comme l’a confié Thierry Marembert, l’avocat de l’ex-président de la FFF dans l’émission C à Vous mardi soir. « On va demander l’annulation de ce rapport qui a violé tous les principes d’impartialité, du contradictoire, devant les juges administratifs », a assuré l’avocat du président démissionnaire.

Mais son avocat a également annoncé qu’une plainte pour diffamation allait être déposée par Noël Le Graët à l’encontre de la ministre des Sport Amélie Oudéa-Castéra, qu’il accuse d’avoir « menti » sur le contenu du rapport d’audit.

Des soutiens solides pour Noël Le Graët

Pour l’heure, c’est le vice-président de la FFF, Philippe Diallo, qui continuera d’assurer l’intérim à la présidence jusqu’au 10 juin, « date de la prochaine assemblée fédérale », selon la « Fédé ». La veille, le 9 juin, le Comex devra choisir dans ses rangs un candidat pour la présidence jusqu’au terme de la présidence actuelle, fin 2024, explique RMC. Philippe Diallo pourrait vouloir prolonger son intérim après la date du 10 juin, selon plusieurs sources internes.

Il est cependant possible que de nouvelles élections soient organisées avant la fin 2024, en cas de convocation d’une assemblée de révocation.

« On fait bien la différence entre l’homme et les faits qui lui sont reprochés, et entre l’homme et le dirigeant sportif »
Éric Borghini, président de la Ligue Méditerranée et membre du Comex

Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article, Noël Le Graët bénéficie toujours de solides soutiens. « On fait bien la différence entre l’homme et les faits qui lui sont reprochés, et entre l’homme et le dirigeant sportif », justifie Éric Borghini, président de la Ligue Méditerranée et membre du Comex, qui assure que les membres autour de la table ont été « tristes » à l’annonce de sa démission. Auprès de franceinfo, Éric Borghini a salué les « résultats absolument remarquables », « sur le plan économique et sur le plan sportif ». Mêmes louanges de la part de Jean-Michel Aulas, membre influent du Comité et président de Lyon, qui a salué « un grand dirigeant ».

« Il va continuer sa carrière, il a un boulot qui débute à la Fifa », a de son côté lâché Vincent Labrune, président de la Ligue de football professionnel (LFP). Noël Le Graët n’a en effet pas tardé à trouver un point de chute, en tant que délégué à Paris du président de la Fifa Gianni Infantino. Une fonction qu’il occupe depuis janvier 2022.

« Il faut tout changer dans le foot français »

Éric Thomas, président de l’Association française de foot amateur (Affa), contacté par franceinfo n’est lui pas particulièrement optimiste pour la suite. « Le système a la tête dure, il cherche à se maintenir », analyse-t-il, estimant que la direction de la FFF « privatise le foot français au bénéfice exclusif du football professionnel et au détriment du foot amateur ».

Or « il faut tout changer dans le foot français », insiste-t-il. « Le départ de Noël Le Graët ne doit pas cacher les manquements successifs et répétés de la FFF », ajoute-t-il, lui qui estime que le rapport d’audit est « clair, équilibré, proportionné ». Il appelle à une « révolution démocratique » à la FFF, où « les dirigeants bénévoles n’ont que des devoirs, et les membres du Comex ont tous les droits ».

Le même souhait est exprimé par Frédéric Thiriez, ancien président de la Ligue de football professionnel (LFP), également interrogé par franceinfo. Il espère que « cette démission soit le premier acte d’une profonde refondation du système, et pas son aboutissement », alors que les « désordres de la gouvernance étaient connus depuis plusieurs années ».

Lui-même candidat à la présidence de la FFF lors de la dernière élection, Frédéric Thiriez estime notamment qu’il est « urgent de revoir les statuts de la Fédération » et « le mode d’élection du comité exécutif » : « j’ai proposé que ce soit au suffrage universel des clubs par exemple », suggère-t-il. Il souhaite aussi « avoir une Fédération plus démocratique, plus transparente », avec notamment un « Parlement du football pour contrôler l’exécutif » et la présence « d’une majorité et d’une minorité au sein du Comité exécutif ».

Mais « ce n’est pas le départ d’un homme qui réglera tous les problèmes de la Fédération », clame-t-il. La révolution n’aura peut-être pas lieu, mais la reconstruction pourrait être agitée.

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