Nicolas Juncker, auteur de la BD « Un général, des généraux », reverse un prix décerné par l’armée aux victimes de Sainte-Soline

« Un général, des généraux » est paru aux éditions Le Lombard, en 2022.
« Un général, des généraux » est paru aux éditions Le Lombard, en 2022.

BANDE DESSINÉE - Nicolas Juncker sort de sa retraite : « Il y a des prix qui font plaisir, d’autres moins. » L’auteur de bandes dessinées a pris la plume ce vendredi 14 avril sur Facebook pour réagir au prix qui a été décerné – à lui et au dessinateur François Boucq – par le ministère des Armées pour leur roman graphique Un général, des généraux.

« Le grand prix [des Galons de la BD], doté de 6 000 euros, est censé récompenser une bande dessinée traitant des “liens qui unissent un peuple à son armée”. Seulement voilà, si d’autres auteurs et autrices ont parfaitement le droit de se réjouir d’une telle récompense, en ce qui me concerne, pour des raisons personnelles, morales, politiques, qui ne regardent que moi : il m’est impossible d’accepter ce prix en l’état », écrit le scénariste sur le réseau social.

Publié en 2022 aux éditions Le Lombard, Un général, des généraux nous plonge en mai 1958, en pleine guerre d’Algérie. Alors qu’Alger s’embrase contre le nouveau gouvernement imposé par Paris, des généraux montent un coup d’État qui les dépasse rapidement. Leur seul espoir ? Un vieil homme à la retraite, un dernier héros français du nom de Charles de Gaulle.

« Improbable »

Comédie satirique, Un général, des généraux transforme le putsch des généraux de 1961 en vaudeville politico-militaire. « Il me semblait improbable que l’armée récompense un livre narrant par le menu comment ladite armée avait tenté il y a peu de renverser un gouvernement républicain par un putsch », souffle Nicolas Juncker, toujours sur Facebook.

Le scénariste, qui reconnaît le « sens de l’humour de nos militaires », est d’autant plus surpris qu’il dit avoir fait retirer de la sélection des Galons de la BD son livre Seules à Berlin en 2022.

L’auteur de 50 ans ne s’est pas rendu à la remise des prix au ministère de ce mercredi 13 avril. Il s’en « contrefiche ». « En revanche, ma part de 3 000 euros, finalement, je la prends. » Il dit la reverser « illico et intégralement » à deux caisses de solidarités : l’une pour les grévistes contre la réforme des retraites et l’autre en soutien aux victimes des « violences militaires » de Sainte-Soline.

Des « playmobils à moto »

Après un hiver historiquement sec, des milliers d’opposants aux « bassines », ces grandes retenues d’eau utilisées par certains agriculteurs, ont manifesté une fois de plus dans les Deux-Sèvres, à la fin du mois de mars. Une mobilisation marquée par des affrontements particulièrement violents, qui ont fait notamment plusieurs dizaines de blessés chez les manifestants. Le pronostic vital de l’un d’entre eux est toujours engagé.

« Que par mon maigre biais, le ministre des Armées soutienne financièrement ces causes, en se demandant, peut-être, comment rétablir les “liens qui unissent un peuple à son armée plutôt que de chercher à les détruire, voilà qui ne pourrait que me réconforter », conclut Nicolas Juncker. Avant d’ajouter : « J’ai passé l’âge des playmobils à moto. » Une référence aux membres de la BRAV-M, cette brigade contestée qu’une pétition populaire demandait à dissoudre, ou à l’utilisation controversée de quads par la gendarmerie dans les Deux-Sèvres ?

Sollicité par Le Figaro, le président du jury des Galons de la BD et directeur adjoint de l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, Gilles Ciment, n’a pas souhaité commenter cette prise de position.

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