Réforme des retraites: qu'est-ce que le "vote bloqué" activé par Olivier Dussopt au Sénat?

Un ministre qui coupe court aux débats au Sénat. Olivier Dussopt a activé ce vendredi midi l'article 44.3 de la Constitution. Cette cartouche parlementaire permet d'accélérer les débats sénatoriaux avec ce qu'on appelle "un vote bloqué".

Cette disposition, enclenchée sur demande de l’exécutif, permet "un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement", peut-on lire dans la Constitution.

Raccourcir la durée des débats

En clair, cette manœuvre vise à permettre à l'exécutif de ne demander le vote qu'à une seule reprise sur la version du texte qu'il souhaite adopter.

Elle ne restreint cependant pas la possibilité pour les parlementaires de défendre leurs amendements, un droit constitutionnel. Mais ils ne font pas l'objet d’un vote des parlementaires ce qui raccourcit fortement la durée de l’examen du texte.

Si le gouvernement veut aller beaucoup plus vite, c'est qu'il a tout prix besoin du vote du Sénat qui n'a que jusqu'à dimanche minuit pour examiner le texte. L'Assemblée nationale n'est pas parvenue à aller au bout de l'examen de la réforme, s'arrêtant à l'article 2 sur la vingtaine que contient le texte.

"Un aveu de faiblesse" pour la gauche

Autant dire qu'en l'absence de vote au Sénat, très favorable au recul de l'âge de départ à la retraite, le projet de loi n'aurait aucune légitimité parlementaire en première lecture.

S'il n'est pas inédit, l'usage du 44.3 est relativement rare. Il a été utilisé à deux reprises lors des précédentes réformes des retraites portée par Éric Woerth en 2010 et par Marisol Touraine en 2013. De quoi susciter l'ire de la gauche sénatoriale. Patrick Kanner, le président du groupe socialiste a dénoncé "des manœuvres réactionnaires".

"Quel aveu de faiblesse (...) La majorité sénatoriale est devenue le toutou du gouvernement", a regretté de son côté Guillaume Gontard, le numéro 1 des sénateurs écologistes au Sénat.

"Seuls les nigauds de LR pouvaient croire au dialogue avec Macron. Bruno Retailleau domestiqué. À l'Assemblée, Éric Ciotti peut aller acheter sa laisse", a, lui, écrit Jean-Luc Mélenchon.

Les syndicats sur la même longueur d'onde. "Ce texte perd peu à peu sa légitimité politique", a ainsi jugé le patron de l'UNSA Roland Escure. Le vote bloqué pourrait mener à "l'escalade", prévient de son côté la CGT Énergie.

Déjà d'autres dispositions activées pour aller plus vite

Le recours à cette arme constitutionnelle arrive après des débats très houleux au Palais du Luxembourg, pourtant guère habituée à vivre sous tension. Olivier Dussopt a déjà activé l'article 44.2 de la Constitution ce jeudi pour s'opposer à l'examen d'amendements qui n'ont pas été soumis à la commission des affaires sociales en amont.

La droite, majoritaire au Sénat, n'est pas non plus avare de l'utilisation des outils dont elle dispose. Très agacé par la gauche qui a longuement ferraillé sur les carrières longues et le recul de l'âge de départ à 64 ans, le patron des sénateurs LR a activé l'article 38 du règlement intérieur du Sénat. Cette disposition permet de limiter le nombre d'intervenants d'avis contraires à deux sénateurs par amendement.

"La cause du vote bloqué, c'est vous"

De quoi faire dire à Bruno Retailleau que "l'application du vote bloqué, c’est la Constitution". "Ce n’est pas une application illibérale de notre loi fondamentale. La cause du vote bloqué, c'est vous, c’est votre obstruction", a-t-il rétorqué à la gauche.

Les socialistes, les écologistes et les communistes - LFI n'a pas de groupe au Sénat - feront savoir ce vendredi après-midi leur désaccord lors d'une conférence de presse commune.

Article original publié sur BFMTV.com