Présidentielle américaine: le retour du duel opposant Trump à Biden est-il inévitable?

Comme un air de déjà-vu... À un peu plus d'un an de l'élection présidentielle américaine, les noms de Donald Trump et de Joe Biden -au coude-à-coude dans les sondages avec respectivement 49% et 50% des voix- résonnent en boucle.

Sur le terrain, leurs campagnes se chevauchent. Cette semaine, les deux hommes ont pris la grève des ouvriers de l'automobile en cours dans le pays à bras-le-corps. Joe Biden s'est rendu ce mardi sur un piquet de grève dans l'État du Michigan, une première pour un président américain en exercice.

Donald Trump a fait de même, attaquant son rival sur la transition vers les véhicules électriques. Cette grève historique est devenue un sujet de bataille politique et souligne l'importance que représente le Michigan, un état clé qu'ils veulent tous deux gagner à leur cause. De quoi présager un match identique à celui de 2020 sur le ring présidentiel.

Dans les camps démocrates et républicains, aucun candidat ne semble en effet avoir la stature pour leur faire face dans la course à l'investiture.

Contre Joe Biden, seuls deux candidats se sont déclarés: Marianne Williamson et Robert Kennedy Jr. La première était créditée à la mi-mai de 8% des intentions de vote selon un sondage CNN/SSRS. Quant au neveu du président John Fitzgerald Kennedy, il était crédité le 27 septembre de 15,1% des voix démocrates, selon l'agrégateur de sondages FiveThirtyEight.

Difficile pour eux de rivaliser face au candidat sortant qui a toujours "un atout gigantesque aux États-Unis", remarque Marie-Christine Bonzom, politologue, journaliste et spécialiste des États-Unis, interrogée par BFMTV.com.

Une difficile opposition à l'extérieur des partis

Côté républicain, sans surprise, Donald Trump écrase ses onze opposants. Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis a longtemps été considéré comme son principal rival mais "le ballon n'a pas pris et s'est dégonflé". L'ancien marine continue de dégringoler dans les sondages: le 27 septembre, il était crédité de 13,8% des voix contre 54% pour l'ancien président.

Derrière eux, l'ancienne ambassadrice à l'ONU, Nikki Haley, et Vivek Ramaswamy, un businessman de 38 ans qui se présente comme le "Trump 2.0". Ce dernier a notamment connu un regain d'intérêt au moment du premier débat républicain - ignoré par Donald Trump -atteignant 10% des intentions de vote avant de redescendre à 6,3% le 27 septembre.

Peut-être bénéficiera-t-il de la même recrudescence après le deuxième débat cacophonique qui a eu lieu ce mercredi soir, toujours en l'absence du grand favori Donald Trump qui a fait l'objet de toutes les attentions et critiques de la part des sept participants.

Conclusion: si des frémissements se font sentir, aucune opposition tangible n'émerge à l'intérieur des partis. À l'extérieur non plus, car le système politique américain tel qu'il est constitué ne le permet pas.

"Le système est forgé autour des deux grands partis et est conçu pour les perpétuer, pour consacrer cette confrontation et éliminer les candidats tiers, ou les petits partis", souligne la journaliste qui a couvert cinq présidents américains, de George Bush père à Donald Trump.

Elle ajoute: "La démocratie américaine est malade depuis longtemps. Si elle était saine, ce duel entre Trump et Biden serait évitable".

Une analyse partagée par la population américaine. Selon un sondage mené par CBS mi-septembre, 64% d'entre eux estiment qu'un match retour serait signe d'un système politique rompu. Les partis imposent des candidats dont la majorité des Américains ne veulent pas.

Sénilité et dossiers judiciaires

Joe Biden, 80 ans, a vu sa cote de popularité dégringolée drastiquement depuis sa décision de retirer les forces américaines d'Afghanistan en août 2021. Sa capacité à tenir le pays est sur toutes les lèvres. Après sa chute qui a marqué les esprits en juin 2023, le président a été critiqué pour ses propos incohérents lors d'une conférence de presse au Vietnam.

"Tout Américain, y compris démocrate, souhaite que le président des États-Unis puisse être en mesure d'exercer ses fonctions à 150 %", observe la spécialiste qui a été journaliste-présentatrice à Voice Of America et à la BBC.

Si Joe Biden vante ses bons résultats économiques, près de la moitié des électeurs affirment que leur situation financière est pire qu'avant la pandémie, soit depuis que son administration est arrivée au pouvoir.

"Que ce soit sur l'économie, la criminalité, l'immigration, et même sur la politique étrangère censée être son point fort, il est plus que dans le rouge", note Marie-Christine Bonzom. Le président est impopulaire auprès de plus 54% des Américains d'après RealClearPolitics, "or depuis 1948, aucun président n'a été réélu avec un taux d'approbation de moins de 46%".

Les deux hommes sont de plus tous les deux impliqués dans des affaires judiciaires. Le milliardaire républicain est sous le coup de quatre inculpations au pénal. Des dossiers qui contribuent à sa popularité auprès des électeurs républicains.

"Le cirque médiatique qui va entourer les passages aux tribunaux, en pleine campagne présidentielle, peuvent lui porter préjudice après les primaires, lors de l'élection générale", prévient la politologue. Notamment auprès des électeurs indépendants.

Le septuagénaire est aussi décrié par les responsables du parti républicain à Washington qui "n'en veulent plus".

L'actuel président est quant à lui visé par une enquête en destitution. Il est accusé d'être mêlé aux affaires de son fils Hunter Biden à l'étranger.

Une hausse des électeurs indépendants

Symptôme de leur défection, les Américains se considèrent de moins en moins comme démocrates ou républicains. Ils ont perdu foi en les élites, et ce, depuis les années 80. "Les deux partis dominants ont failli à prendre soin du peuple américain", commente notre interlocutrice.

Résultat: ils sont de plus en plus nombreux à se dire indépendants. Des électeurs qui vont se tourner vers un candidat tiers, que ce soit pour un vote d'adhésion ou un vote d'opposition. Comme Robert Kennedy Jr dont les messages "résonnent énormément auprès des indépendants et de certains républicains modérés qui ne veulent pas de Trump".

"Si sa candidature continue d'être ostracisée par l'appareil du parti démocrate, il pourrait effectivement se présenter en candidat indépendant", considère la journaliste qui a été en poste à Washington de 1989 à 2018.

Le système électoral américain laisse cependant peu d'opportunités à ces candidats tiers: ils ont peu de chances de récolter assez d'États, et donc de rallier assez de grands électeurs à leur cause, pour venir titiller Joe Biden ou Donald Trump au moment du vote du collège électoral.

Le Parti démocrate bientôt dos à Joe Biden?

Si Joe Biden ne séduit ni les électeurs démocrates, ni les indépendants, il commence à f au sein même de l'appareil du Parti, jusqu'ici fidèle. "Il y a eu un tremblement de terre dans le camp démocrate", relève la spécialiste des États-Unis. En cause? Un édito paru le 12 septembre dans le Washington Post appelant le président - et la vice-présidente Kamala Harris extrêmement impopulaire -"à ne pas se représenter en 2024".

"Il y a le sentiment grandissant que Biden et Harris ne sont pas les bons chevaux. Une myriade de tribunes est parue en ce sens dans des journaux normalement favorables au camp démocrate."

Même si aucune alternative ne semble clairement se détacher, des regards se tournent vers le gouverneur de Californie Gavin Newsom, sur le devant de la scène nationale depuis quelques semaines. Très à gauche, il pourrait cependant avoir du mal à rassembler.

L'échéance approchant, le Parti démocrate va devoir se décider sans plus tarder. Un parti sur une "pente glissante" dont la prochaine élection va dicter le destin.

"La faillite des deux grands partis est désormais évidente aux yeux des Américains", alerte Marie-Christine Bonzom. "Ce n'est pas tant le sort de Biden ou de Trump qui est en jeu, mais crucialement, l'état de santé du système politique, du système électoral et de la démocratie américaine dans son ensemble".

Article original publié sur BFMTV.com