« Nevada » d’Imogen Binnie, roman devenu culte aux États-Unis en dix ans, arrive en France
LITTÉRATURE - Il aura fallu patienter dix ans, mais ça y est. Nous y sommes. Un nouveau roman – culte depuis sa sortie aux États-Unis en 2013 – vient remplir les étagères de nos librairies hexagonales : Nevada, premier roman de l’écrivaine américaine Imogen Binnie, est paru ce jeudi 24 août dans la langue de Molière chez Gallimard.
Son histoire, c’est celle de Maria Griffiths, new-yorkaise dans la vingtaine un peu paumée. Originaire d’un petit coin de Pennsylvanie, Maria s’est affranchie du corps assigné à sa naissance depuis qu’elle est citoyenne de la Grosse Pomme. Et alors même que sa transition est derrière elle, Maria ne s’épanouit pas beaucoup. Son travail de libraire l’ennuie. La relation avec sa copine, aussi.
Maria veut mettre de l’ordre dans sa vie, mais n’y arrive pas. Puis un beau jour, elle se fait licencier et larguer dans la foulée. Les choses se bousculent. Maria vole la voiture de son ex et décide de rouler. Direction l’Ouest pour tenter de trouver un sens à sa vie.
Nevada est aussi entraînant qu’un road movie, marqué, ici, par les punchlines cyniques de son héroïne. « Oh Williamsburg. Il fut un temps où tu semblais être un quartier dur et effrayant, mais maintenant il est clair que les graffitis sur tes murs ont été dessinés par des étudiants en art », lâche-t-elle dans les premières pages.
Maquillage, injection d’œstrogènes, coût des changements d’état civil… Maria nous parle de ses galères, mais aussi de son quotidien de femme trans sans-le-sou. Ses réflexions sont éclairantes. « Tu dois pouvoir prouver que tu es totalement normale et straight et pas du tout queer pour qu’on te laisse faire ta transition en femme hétéro normale qui ne fait flipper personne », observe-t-elle, par exemple, dans l’une de ses longues discussions avec elle-même.
Pourquoi Imogen Binnie ne parle pas de transition
Derrière ce personnage caractériel, il y a une autrice : Imogen Binnie. Notamment connue pour ses nouvelles, l’écrivaine a plus d’un point commun avec son héroïne. Comme elle, elle a entamé sa transition en arrivant à New York. Comme elle, elle ne fait confiance à personne, n’a pas beaucoup espoir en l’humanité et préfère supposer « que tout le monde est nul et ne sait pas comment bien se comporter avec les femmes trans », d’après ses mots dans une note qui accompagnait la réédition de son roman en 2022.
Nevada n’est pas la première fiction à mettre en scène un personnage trans. On pense notamment à Orlando de Virginia Woolf, Stone Butch Blues de Leslie Feinberg et Choir Boy de Charlie Jane Anders.
Ce qui est notable, ici, c’est que le roman d’Imogen Binnie ne parle pas de transition. « Parce que cette mystérieuse phase intermédiaire est la chose la plus excitante pour les personnes qui n’ont pas à la vivre, j’ai décidé de la retirer », explique l’autrice. Son but : s’émanciper du regard « cisnormatif ».
Son prochain livre sur Kurt Cobain ?
Lors de sa première parution en 2013, son roman a marqué la presse. « Livre réussi et important », selon The Atlantic, c’est une « magnifique relecture de la littérature road trip », pour Vogue.
Dix ans plus tard, il est devenu culte et a transformé le paysage littéraire LGBT+, selon le New Yorker. C’est un « livre sur le départ, sur le rejet, sur le fait de dire ’non’ et notamment ’non’ au récit standard dans lequel, avant la transition, nous sommes toutes suicidaires et, après la transition, toutes parfaitement indissociables des personnes cisgenres, à moins d’être devenues des travailles du sexe maudites », écrit l’autrice de l’article. Avant d’ajouter : « Nevada n’est pas seulement écrit par l’une d’entre nous, il a aussi été écrit pour nous. »
Depuis, Imogen Binnie a été contactée par les équipes de Transparent - série sur un père de famille décidé à faire sa transition - mais a refusé. Elle a collaboré à l’écriture d’une poignée d’autres séries, comme Doubt avec Laverne Cox, Council of Dads et Cruel Summer. Le site Vulture raconte qu’elle se concentre surtout à peaufiner son prochain roman. Il y serait question d’une théorie défendue par certains fans de Nirvana : Kurt Cobain aurait été une femme trans.
À voir également sur Le HuffPost :
«Burn after writing», le livre dans lequel «il n’y a rien à lire» qui cartonne
Pour «Petit Pays», Gaël Faye a veillé à ce que l’adaptation ne soit «pas un spectacle»