"Ce n'est pas un biopic": "Bernadette", la comédie qui raconte la revanche de Bernadette Chirac

"Ce n'est pas un biopic": "Bernadette", la comédie qui raconte la revanche de Bernadette Chirac

C'est l'une des comédies françaises les plus atypiques du moment. En salles ce mercredi, Bernadette raconte les premiers pas de l'épouse de Jacques Chirac (Catherine Deneuve) à l'Élysée. Jugée ringarde, celle qui a toujours œuvré dans l'ombre de son mari prend sa revanche en devenant une figure médiatique de premier plan.

Léa Domenach, la réalisatrice et scénariste du film, connaît bien le sujet. Fille du journaliste politique Nicolas Domenach, auteur d'une fameuse biographie de Jacques Chirac, elle est familière de cette figure depuis son enfance. "Mais je n'avais pas une très bonne image de Bernadette au départ", prévient-elle.

"Elle ne m'a vraiment intéressée que récemment, quand j'ai vu le documentaire Bernadette Chirac, mémoires d'une femme libre. Elle y raconte tout ce qu'elle pense. Je me suis dit que non seulement elle était hyper marrante, mais qu'il y avait aussi une vraie histoire à raconter: celle de la revanche d'une femme."

"C'est culotté"

A l'exception de La Conquête et de Présidents, la comédie politique reste un genre rare en France. "Les anglo-saxons sont beaucoup plus doués que nous pour parler de leur histoire en marche. Nous, on a besoin de digérer, de relâcher, de ressasser", reconnaît Léa Domenach.

Cette dimension atypique a aussi séduit le casting. "C'est culotté", se réjouit Sara Giraudeau, qui incarne Claude Chirac. "Ce n'est pas un biopic", précise Catherine Deneuve. "Le scénario était très bien. Il m'a beaucoup plu. Ca m'a beaucoup intriguée. J'ai trouvé ça original."

Bien que Catherine Deneuve ne ressemble pas à Bernadette Chirac, elle a été le premier choix de Léa Domenach: "Elles ont quelques petits points communs notamment une prestance assez aristocratique et un phrasé assez frénétique dans la punchline. Je ne voulais pas qu'elle l'imite. Je ne voulais pas la grimer."

"On n'imite pas les personnes réelles, mais on incarne des personnages", précise Sara Giraudeau. "Michel Vuillermoz, qui joue Chirac, est quand même allé dans une caricature géniale. Il a chopé parfaitement deux ou trois traits physiques importants. Il nous rappelle beaucoup le côté burlesque de Jacques Chirac."

"C'est un peu carton pâte"

Si Bernadette s'inspire de faits réels, écrire un film sur des personnalités encore en vie est un véritable défi, selon Léa Domenach: "Ce n'est pas évident à écrire, surtout pour une histoire de ton: où s'arrête la fiction, où commence la réalité? Où s'arrête la comédie? À quel point peut-on aller dans la satire?"

La mise en scène souligne la dimension fictionnelle du projet. Tout comme l'intervention ironique tout au long du film d'une chorale religieuse pour raconter les grands événements de la vie de Bernadette. "C'est un peu carton-pâte, théâtral, mais de manière assumée. Ce n'est pas vraiment l'Élysée, ces personnages n'existent pas."

Bernadette dresse par ailleurs un portrait affectueux l'ex-première dame. "Beaucoup de gens nous disent que Bernadette Chirac est en vrai plus méchante. Sûrement. Mais moi, je voulais une héroïne", assume Léa Domenach. "Je voulais qu'on s'attache à elle, que l'on ressente de l'empathie à son égard."

Un portrait tendre

"La personnalité de Catherine a aussi amené une profondeur au personnage. On s'attache à Bernadette", précise de son côté Sara Giraudeau. "On se moque d'elle un peu, mais avec une certaine tendresse. On rit beaucoup avec elle plus qu'on rit d'elle", insiste Léa Domenach.

"Si on voulait l'être, et faire un film comme Vice [sur l'ex vice-président américain Dick Cheney, NDLR], cela aurait été impossible de toute manière", insiste-t-elle. "Le droit français est beaucoup plus protecteur que le droit anglo-saxon en termes de vie privée et de diffamation."

Longtemps le film Bernadette s'est appelé La Tortue pour le protéger, précise-t-elle: "C'était un titre de travail pour qu'on nous laisse tranquilles, pour ne pas attirer l'attention. Mais on n'avait pas du tout envie de garder ce titre! Bernadette, c'était compliqué aussi, car je suis féministe et ça me soûlait d'avoir en titre juste son prénom."

Des limites

Le scénario a nécessité plusieurs mois de travail et des dizaines d'interviews avec des personnes proches de Bernadette Chirac. Léa Domenach s'est imposée des limites avec sa co-scénariste Clémence Dargent, notamment pour les scènes sur Laurence Chirac, la fille aînée du couple, qui souffrait d'anorexie et est morte en 2016:

"Pour les scènes avec Laurence, on a écrit en fonction des choses dites par la famille. Pas en fonction des journalistes. La seule chose qu'on a un peu extrapolée, ce sont les trucs de pure comédie. Par exemple, la scène où elles regardent ensemble la Coupe du monde [de 1998] parce qu'il n'y a pas d'enjeu."

"On ne connaît pas beaucoup [Bernadette]", précise encore Catherine Deneuve. "Mais on raconte [dans le film] des choses vraies. Léa Domenach n'a pas cherché à raconter des choses différentes de ce qu'elle était comme genre de femme. Elle a brodé sur des choses où elle pouvait le faire."

La famille Chirac, qui n'a pas approuvé le projet, a pu voir le résultat. "Maintenant à eux de dire ce qu'ils en pensent. Je ne peux pas parler à leur place", sourit Léa Domenach. Son prochain projet devrait être moins controversé: une adaptation sous forme de comédie musicale de la BD à succès Peau d'homme de Hubert et Zanzim.

Article original publié sur BFMTV.com