Quand on ne boit pas d’alcool, les commentaires « intrusifs » et les injonctions sont légion

Les personnes qui ne boivent pas d’alcool en ont marre de devoir se justifier.
Henri Leduc / Getty Images Les personnes qui ne boivent pas d’alcool en ont marre de devoir se justifier.

SANTÉ - « L’alcool, c’est convivial ! » « La France est le pays du vin… » Quand Farah annonce qu’elle ne boit pas, elle déplore « les mêmes arguments qui reviennent à chaque fois » dans la bouche de ses interlocuteurs, qui tentent de la convaincre de se servir un verre. En vain : l’hôtesse de l’air de 31 ans n’aime pas ça, même si cela paraît inconcevable pour certains.

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Alors que le défi du Dry January touche à sa fin, Le HuffPost a récolté les témoignages de personnes qui ne boivent pas d’alcool. Toutes déplorent les mêmes remarques, la même incompréhension chez les personnes qui en consomment, qui leur demandent la plupart du temps de se justifier. Elles nous livrent les petites phrases et les grands argumentaires qu’elles en ont marre d’entendre.

Questions intrusives

Pour Farah comme pour Vincent – un jeune Aixois de 24 ans –, la même question revient souvent lorsqu’ils annoncent qu’ils ne consomment pas d’alcool : on leur demande si c’est pour des raisons liées à la religion. « C’est hyper intrusif de demander aux gens si c’est une question de foi je trouve, et quand c’est le cas, ça donne lieu à des conversations encore plus désagréables que celles sur l’alcool », regrette Farah.

Pourtant, la principale raison pour laquelle ils ne boivent est la même : ils n’aiment pas le goût de l’alcool. « J’ai testé dans ma famille quand j’étais petit et j’ai détesté. Je préfère du Champomy à du champagne à 500 euros. Et en tant que Marseillais, quand je me suis rendu compte que je n’aimais pas le Ricard, j’étais dégoûté », s’amuse Vincent. Selon lui, « les gens n’arrivent pas à concevoir que je n’aime pas boire », ils ont besoin d’une raison « plus grande », dit-il en référence à la religion.

Après s’être justifiés, Farah et Vincent ne sont pas pour autant tirés d’affaire : ils doivent ensuite faire face à celles et ceux qui insistent pour les faire boire. « On me propose des boissons sucrées, on me dit que ça se travaille… Mais ce n’est pas un goût qui me plaît, et ça n’a pas changé avec les années », explique Farah.

Avec le temps, ils disent ne plus trop être sensibles à la pression sociale autour de l’alcool. Vincent a d’ailleurs trouvé une astuce pour qu’on le laisse tranquille : « Si quelqu’un insiste, je le prends à l’humour, en disant “là, tu veux me faire boire de force”. Généralement, ça calme. »

Une « raison valable »

Pour Clémence, secrétaire médicale de 36 ans, la situation est différente. Elle ne boit plus car elle a eu des problèmes d’addiction. Qui plus est, l’alcool est incompatible avec son traitement pour la bipolarité, le mélange des deux la rend malade. Comme pour Farah ou Vincent, on lui demande très souvent de se justifier lorsqu’elle annonce qu’elle ne boit pas.

« Dans la sphère privée, j’explique la vérité et généralement on me laisse tranquille. Mais dans la sphère du travail, je ne rentre pas dans les détails et je dis seulement que ça me rend malade », détaille-t-elle.

Résultat, ses collègues insistent, « se montent la tête » car elle a refusé un verre de vin, et « font des suppositions sur le fait qu’[elle] soit enceinte ». « Ils me proposent du vin sans sulfite en me disant que ça ne me rendra pas malade… Ils ne trouvent pas ma raison valable », déplore-t-elle.

Quand elle est face à une personne trop insistante, Clémence lâche une phrase piquante ou malaisante « pour qu’elle se sente bête ou me trouve bizarre », et la conversation s’arrête. « On me dit que je suis malpolie. Mais quand ça fait dix minutes qu’on me bassine pour boire un verre de kir, c’est légitime d’être énervée. On ne devrait pas avoir à répondre à plein de questions quand on ne boit pas d’alcool », estime-t-elle.

La France, ce pays « ambigu » avec l’alcool

Un autre argument est souvent utilisé pour convaincre Clémence, Farah et Vincent de boire de l’alcool : la France est le pays du vin, de la gastronomie, et l’alcool fait partie de la culture. « En général, tu as le droit à tout un discours comme quoi l’alcool, c’est la vie, le plaisir, et qu’en France, on sait l’apprécier et le déguster contrairement aux autres qui sont juste des ivrognes », constate Farah.

Et dans l’imaginaire collectif, ne pas boire d’alcool veut surtout dire ne pas savoir s’amuser. Un préjugé qui énerve nos trois témoins. « On me dit que l’alcool est festif, convivial, et que c’est triste de ne pas en boire. Mais je n’ai pas forcément besoin d’alcool pour m’amuser », assure Clémence. Celle qui a longtemps travaillé dans des services d’hépatologie – qui traitent les maladies du foie – fustige par ailleurs l’ambiguïté des Français sur le sujet : « On a le droit de boire si c’est festif, parce que ça fait bon vivant, mais on stigmatise les personnes qui sont alcooliques. »

La bonne nouvelle pour Vincent, Farah et Clémence, c’est qu’ils sont de moins en moins seuls : le Dry January a la cote auprès des Français, si bien qu’en décembre 2022, un tiers d’entre eux envisageait d’y participer, dont 50 % des 18-35 ans, selon l’IFOP. Un défi qui entraîne parfois une baisse de la consommation sur le long terme.

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