Nanni Moretti "se sent plus proche des acteurs aujourd'hui"

Le réalisateur italien Nanni Moretti au Festival de Cannes, le 25 mai 2023 (Patricia DE MELO MOREIRA)
Le réalisateur italien Nanni Moretti au Festival de Cannes, le 25 mai 2023 (Patricia DE MELO MOREIRA)

"Travailler avec des acteurs, c'est qui me tient le plus à coeur lorsque je fais un film": c'est aussi ce que Nanni Moretti a souhaité poursuivre au théâtre, en mettant en scène une pièce pour la première fois à 70 ans.

Jouée en Italie, en Suisse et en France depuis l'an dernier, "Diari d'amore", tirée de deux comédies de la figure de la littérature italienne du XXe siècle Natalia Ginzburg (1916-1991), fait escale au théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet à Paris jusqu'au 16 juin, en italien surtitré en français.

Dans ce projet, c'est la direction d'acteur qui a séduit le cinéaste italien. "C'est l'aspect de la réalisation d'un film auquel j'accorde toujours beaucoup d'attention", explique-t-il à l'AFP.

Pourtant, il y a 45 ans, il s'était déjà vu proposer la mise en scène d'un spectacle mais avait décliné.

"Je considérais alors les acteurs davantage comme des pions dans un jeu que je manoeuvrais", détaille Nanni Moretti. "Aujourd'hui, je me sens beaucoup plus proche d'eux, avec une considération différente".

C'est une "autre façon de travailler" qu'il découvre après près de 51 ans derrière la caméra. "Il s'agit du même métier mais aussi de deux métiers différents", poursuit-il. "Au théâtre, il y a plus de temps pour l'acteur pour travailler sur le personnage. C'est aussi un autre travail car il n'y a pas de montage".

Sur certains aspects, le cinéma ne semble pas lui manquer. "Les équipes de tournage sont souvent très encombrantes, surtout si le film a un budget conséquent. Les quelques fois où j'ai pu tourner avec une petite équipe, j'étais très heureux. Je n'ai pas eu de nostalgie pour cet appareillage cinématographique".

- "Une autrice que j'adore" -

Cette première mise en scène est justifiée aussi par "l'envie de mettre en scène ces deux pièces de Natalia Ginzburg, une autrice (qu'il) adore" et qui a reçu une multitude de prix littéraires, dont le Strega, l'équivalent italien du Goncourt.

"Si je devais mettre en scène autre chose, ce serait du Tchekhov parce que je pense qu'il y a des analogies avec Natalia Ginzburg", continue Nanni Moretti. "Mais ce n'est pas encore d'actualité car je travaille sur mon prochain film dont je ne peux pas encore parler" et dont il donne simplement le ton, "un mélange de comédie et de drame".

Bien que l'Italien ait souvent proposé un cinéma politique et engagé à gauche, cette mise en scène n'est "pas engagée au sens littéral du terme".

Les textes de Natalia Ginzburg se veulent plutôt dénonciateurs d'une société indifférente aux péripéties de la vie, même les plus inattendues. "Fraise et crème" (1966) et "Dialogue" (1970) racontent avec un regard ironique les histoires de familles disharmonieuses, d'hommes et de femmes sans consistance morale, d'êtres faibles vivant sans enthousiasme.

Ce sont "deux textes émouvants et divertissants en même temps", décrit Nanni Moretti. "J'aime ce sens du comique qu'a Natalia Ginzburg, répétitif et têtu".

"Bien que nous appartenions à deux générations différentes, j'ai ressenti quelque chose de familier", développe-t-il, évoquant un "langage très moderne". 

Connu pour ses nombreux films et court-métrages, réalisés dès la sortie du lycée avec une caméra Super 8, Nanni Moretti a rapidement marqué le cinéma européen et international. Il a reçu notamment le Grand Prix spécial du Jury à la Mostra de Venise en 1981 pour "Sogni d'oro" et la Palme d'Or à Cannes en 2001 avec "La Chambre du fils".

En 2023, il a présenté à Cannes son dernier film, "Vers un avenir radieux". Le cinéaste italien y mettait une fois de plus en scène un double de fiction: un réalisateur de cinéma qui ne comprend plus ni les méthodes de travail de ses contemporains, ni les choix de sa femme, qui le quitte, ou de sa fille, qui se met en couple avec un producteur bien plus âgé qu'elle.

elt/pel/cbn