"Je n'ai jamais eu aussi mal de toute ma vie", le récit de Mathilde Gros sur son après-échec olympique

On disait de vous que vous alliez être la future grande championne du cyclisme sur piste en France. Une progession incroyable et puis ça s'est arrêté. Vous avez traversé des périodes compliquées ensuite... Que s'est-il passé?

Quand on est dans les catégories jeunes, ça n'a rien à voir avec les catégories élites. Et mes réussites chez les jeunes m'ont projeté très vite sur le devant de la scène alors que je n'avais rien gagné ! Je n'étais ni championne du monde ni championne d'Europe individuelle, je n'avais fait que des podiums. J'étais attendue parce que la dernière sprinteuse titrée c'était il y a un petit moment et j'ai fini par moi-même me mettre la pression, en me disant : "Je suis médaillable à Tokyo!" Ça ne s'est pas du tout bien passé à Tokyo, j'avais une énorme pression, quelque chose que je n'avais jamais connu avant. Les Jeux c'est une compétition incomparable et je me suis totalement ratée. Je n'ai jamais eu aussi mal de toute ma vie. J'ai fait un déni ensuite, je ne voulais plus parler de JO, de vélo. Quand je suis rentrée chez moi j'ai dit à mes parents que je ne voulais plus en parler.

Vous avez enchaîné très vite après pourtant...

On a dû reprendre très rapidement la compétition avec le championnat du monde en France. Je n'avais pas envie d'y être, de le faire. Je me suis dit qu'il y allait avoir toute ma famille donc j'y suis retournée. Je n'étais juste pas prête et ça s'est encore mal passé. Puis je me suis dit : Qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce que j'arrête ? Est-ce que je pourrais encore encaisser une défaite ? Ça a été tellement douloureux, j'ai été marquée au fer rouge à Tokyo. Heureusement j'ai eu trois-quatre semaines de vacances pour réfléchir, être en colère etc.

C'est avec votre papa que vous vous êtes posée devant une feuille blanche pour reconstruire un plan avec Paris 2024 en tête.

J'ai la chance d'avoir une famille qui me soutient énormément. Quand j'ai eu trois semaines après Roubaix, mon père m'a dit qu'il fallait qu'on en parle, que j'extériorise... J'étais devenue horrible en plus, j'étais à vif, je m'en prenais à tout le monde, c'était devenu invivable... C'était la pire période de ma vie et pour eux aussi je pense, parce qu'ils me voyaient malheureuse et ça doit être la pire chose que de voir son enfant triste. Je me suis posée avec mon agent et j'ai dit ce que je voulais et ce que je ne voulais plus. J'ai tout énuméré, tout noté. A partir de 2022, j'ai pris une nouvelle préparatrice mentale, un nouvel entraineur est arrivé...

Vous avez fait appel à Grégory Baugé, qui lui même a connu cette frustration de ne jamais gagner une médaille olympique mais reste une pointure dans le milieu...

Je suis bien entourée maintenant, j'ai mon équipe et quand quelque chose ne me va pas j'ose le dire. J'ai retrouvé au centre le pourquoi j'avais choisi le vélo, le plaisir, le partage de moments extraordinaires en famille... Y a Paris dans un an, Los Angeles dans cinq ans. Le jour J à Paris je me souviendrais de la douleur atroce de Tokyo pour aller chercher la plus belle des médailes.

Aujourd'hui, vous êtes toujours aussi émotive devant ces images à Saint-Quentin, quand vous remportez ton titre de championne du monde devant votre famille...

J'ai revu mon podium à St Quentin et je pense que si je la revois là, je pleure encore. Ca a été super dur dès le début quand je suis entrée à l'INSEP, j'ai failli arrêter parce que je suis tombée trois fois en trois mois alors que dans toute une carrière normalement on tombe cinq ou six fois. C'était dur parce que directement on m'a dit : "T'es la championne mais on attend tout de toi pour Paris !" Alors que j'avais tout à apprendre. J'ai que 23 ans mais j'ai l'impression que ça fait 20 ans que je suis là. Et sur la vidéo à Saint Quentin ça se voit, j'hurle et c'est toute cette rage qui ressort.

Qu'est-ce qui vous attend pour les prochains mois?

Les prochaines échéances c'est les championnats du monde en août à Glasgow, ça va être l'objectif de l'année. Ça va compter énormément pour la qualif aux JO. J'ai bien profité des vacances, j'ai eu 15 jours off et je vais retrouver mes parents dans le Sud pour engranger des kilomètres et des kilomètres sur route.

Article original publié sur RMC Sport