Ces négociations sur le plastique, à Paris, sont loin d’être juste symboliques

Ce deuxième round de négociations autour de la crise du plastique pourrait révéler les dissensions entre les nations ambitieuses (dont fait partie la France) et les plus réticentes.

La guerre est (bientôt) déclarée ? La France organise avec l’Unesco un sommet international sur la crise du plastique ce lundi 29 mai (et jusqu’au 2 juin). Près de 200 représentants de pays se retrouvent dans la capitale pour plancher sur un futur traité contre la pollution plastique, le premier du genre.

Il s’agit de la deuxième session de négociations sur les cinq prévues au total par l’accord de principe scellé en 2022 à Nairobi par 175 pays. Leur ambition : élaborer d’ici à la fin 2024 un texte juridiquement contraignant sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).

Après des débats techniques fin 2022 en Uruguay, l’étape de Paris doit permettre de dessiner les principales orientations, voire une première ébauche de texte. L’enjeu est en tout cas de taille, bien au-delà des symboles, car le plastique, issu de la pétrochimie, est partout : dans les emballages, les fibres de vêtements, le matériel de construction, les outils médicaux.

Pression sur les producteurs

Des déchets de toutes tailles se retrouvent au fond des océans, dans la banquise, l’estomac des oiseaux et même au sommet des montagnes. Des microplastiques ont même été détectés dans le sang, le lait maternel ou le placenta.

« Si on ne fait rien, en 2060, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans. Si on ne fait rien, 10 % de nos émissions de gaz à effet de serre seront du plastique », a ainsi résumé le ministre de la Transition écologique, samedi sur franceinfo, en marge d’une réunion préparatoire au sommet qui s’ouvre ce lundi.

Christophe Béchu plaide, avec les partenaires de la France, pour un Giec du plastique, un agenda à l’horizon 2040 et, surtout, l’engagement des pays producteurs. « Il faut qu’on fasse attention à ce que la question du recyclage ne remplace pas le débat sur la réduction de la production de plastiques », a-t-il mis en garde en amont des débats, en ciblant, sans les nommer la Chine ou les États-Unis.

Cette question s’annonce comme un point clé des négociations alors que la production annuelle a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes (Mt). Elle pourrait encore tripler d’ici à 2060 si rien n’est fait. Or les deux tiers de cette production mondiale ont une faible durée de vie et deviennent des déchets à gérer après une seule ou quelques utilisations. 22 % sont abandonnés (décharges sauvages, incinérations à ciel ouvert ou rejet dans la nature) et moins de 10 % sont recyclés.

Les États-Unis veulent un traité « flexible »

« Si on augmente nos taux de recyclage, mais qu’en parallèle on augmente notre production, on aura reculé dans la résolution du problème. Donc, premièrement on réduit, deuxièmement on majore la part de recyclage », a encore fait valoir le ministre français.

Cette perspective est portée par la Coalition pour la haute ambition, conduite par le Rwanda et la Norvège et composée de 56 pays, dont l’Union européenne, le Canada, le Chili. Depuis vendredi, le Japon, le Gabon et la République de Maurice ont rejoint ce bloc. Et l’Argentine a manifesté son intérêt samedi, selon Bérangère Couillard, la secrétaire d’État à l’Écologie.

Réduire en premier lieu la production est aussi martelé par les ONG et les scientifiques. Mais d’autres nations, du côté de l’Asie (Chine et Inde notamment) ou des États-Unis, se montrent plus réticentes, insistant sur le recyclage et une meilleure gestion des déchets.

« Chaque pays doit être clair sur l’objectif » de réduire à zéro les rejets dans l’environnement d’ici à 2040, a déclaré à l’AFP le ministre américain Jose W. Fernandez, qui mène la délégation à Paris des négociateurs états-uniens. Mais « nous devrions laisser le soin à chaque pays de tracer sa route » pour remplir cet engagement, déjà pris par les pays du G7 en avril. Ce qui passe par conclure un traité « flexible » plutôt que « prescripteur », « sans diaboliser » le plastique, selon ses mots. Une pudeur comme le reflet des discussions délicates à venir.

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